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Le blog de Susanna Huygens

La voix de l’émotion

28 Novembre 2011 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

7619986398846.jpgArie e Lamenti
Claudio Monteverdi
La voix de l’émotion

Madrigali Guerrieri et Amorosi
Montserrat Figueras – Jordi Savall – La Capella Reial de Catalunya

Il est des CD dont on retarde l’ouverture, sans trop savoir pourquoi. Peut- être parce que l’on sait qu’ils vont vous prodiguer une émotion que l’on redoute. Une émotion si grande que la perdre serait encore plus terrifiant que d’oser la vivre.

Les deux CD qu’Alia Vox réédite dans sa collection Héritage, sont bien connus de tous les amoureux de la musique ancienne. Mais ce soir en écrivant cette chronique, telle Pandore, on réalise que le pire s’est produit. L’on se retrouve à prendre conscience de la perte immense pour chacun de nous qu’est la disparition de celle qui participa par sa présence et sa voix si radieuse et envoûtante, au côté de Jordi Savall, au succès de la belle aventure humaine dont AliaVox est le témoignage.

Montserrat Figuerras, puisque c’est d’elle dont il s’agit, et l’ensemble des musiciens qui l’accompagnait ici dans ces deux CD, nous font vivre un moment d’émotion absolu. Jamais la voix n’a exprimé avec autant de vérité la poésie de la douleur et de la joie d’aimer, du désir qui emporte tout. Il n’est que d’entendre dans les Arie et Lamenti du CD 1, la Lettera Amorosa ou le Lamento d’Arianna pour en être poignardé par l’intensité. Dans le CD 2 consacré au Livre VIII, dans les madrigaux guerriers et amoureux, ce qui frappe c’est la beauté de la distribution vocale. Autour de Montserrat Figuerras, chaque chanteur vibre dans la violence faite aux sentiments et aux corps qu’exprime avec force ce « style concitato » créé par Monteverdi. Quant aux musiciens, et ce dans les deux CD, ils donnent à la ligne de chant des couleurs aux nuanciers d’ombres et de feu.

Que peut-on rajouter, qui n’ait déjà été écrit ? Montserrat Figuerras et Jordi Savall ont apporté à chacun de nous, depuis la création d’Hespérion XX en 1974, tant de générosité, d’amour et de passion que nos mots ne sauraient remplacer la musique qu’ils ont interprétée avec tant de rigueur et d’harmonie.

Ce soir nous partageons le chagrin de cette famille qui nous a tant donné. Et ces deux CD, sont un de leurs dons à la valeur incommensurable. Leur présence dans votre discothèque en est indispensable. La musique de Claudio Monteverdi avait trouvé ici ses plus fervents et humbles serviteurs. Tout y est exprimé, jusqu’à l’éternelle douleur que représente la perte de l’être aimé. Ce coffret ouvert, nous révèle les plus beaux trésors de l’interprétation du maître mantouan. Montserrat Figuerras nous manquera à tous. Elle nous laisse orphelin. Puisse Jordi Savall trouver la force de poursuivre le travail si magnifique dont ces deux CD sont les témoins. Lorsque vous ouvrirez le livret sa beauté transfigurera l’instant et plus jamais vous n’aurez envie de le refermer.

Monique Parmentier

2 CD Alia Vox (1976/1992 – Réédition 2011) Durée : CD1 62’07’’ – CD2 : 56’50’’

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Entre virtuosité et amitié

19 Novembre 2011 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Visuel_zimmermann.jpgConcerts avec plusieurs instruments – VI
Johann Sebastian Bach
Café Zimmermann

Voici donc le VIe et dernier tome des Concerts avec plusieurs instruments que le Café Zimmermann consacre à Johann Sebastian Bach chez Alpha. Et c’est une conclusion délicieusement fastueuse et gourmande qu’ils nous offrent. Ce programme conclusif est composé avec élégance d’une suite pour orchestre, d’un concerto brandebourgeois et de deux concerti pour clavecin dont un pour quatre clavecins. Tout le génie de Bach nous est rendu ici par des interprètes dont la virtuosité et l’engagement sont un mélange harmonieux de délicatesse et de somptuosité.
Chaque pièce est un véritable bonheur. De la suite qui ouvre le CD, en passant par un Brandebourgeois N° 1 aux tempi endiablés, jusqu’ aux envoûtants concerti pour clavecins.
Les trompettes sont éblouissantes dans l’ouverture n° 4 en ré majeur BWV 1069 et dans le Brandebourgeois, les cors brillants semblent sur un fil, jouant à se faire peur. La souplesse et le moelleux du basson dans le même concerto mêle sa voix avec suavité à celle des hautbois si tendres.
La virtuosité des violons et des clavecins illuminent les dialogues fougueux du Concerto pour quatre clavecins en la mineur BWV 1065.
Dans ce CD, les musiciens du Café Zimmermann nous entrainent dans un tournoiement musical enivrant. Entre humilité et audace, déliée par une souplesse arachnéenne et des phrasés aristocratiques, la musique respire, vibre et s’envole. La richesse des couleurs et des rythmes est un enchantement et l’insolence des dialogues toujours vifs nous permet de savourer des instants de pur plaisir.
Un seul regret, il s’agit du dernier tome d’une série qui tout du long nous aura séduit par la virtuosité, l’humilité et la passion pour Bach que les musiciens du Café Zimmermann auront su partager avec nous.
En guise d’introduction, les quelques mots de Gilles Cantagrel, dans le livret attisent notre curiosité et une prise de son précise et aérée vient mettre en valeur cet enregistrement aussi savoureux qu’un chocolat chaud délicatement épicé au cœur de l’hiver.

Monique Parmentier

1 CD Alpha 59’26’’
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Ferita d’Amore : l'extravagance de la différence

3 Novembre 2011 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Visuel-Ferita-amore.jpgDeux jeunes femmes, théorbistes d’origine argentine, en compagnie de Marco Beasley pour le chant, nous offrent ici un très bel enregistrement de Bellerofonte Castaldi.
Ce poète, libre-penseur, qui dès sa naissance, avec son prénom extravagant, se voyait marqué du sceau d’une différence qui devait le conduire sur les chemins de l’exil et dans diverses prisons tout au long de sa vie. En 1999, il avait déjà fait l’objet d’un enregistrement marquant par Vincent Dumestre et son Poème Harmonique, avec au chant une Guillemette Laurens tragique et bouleversante.
Bellerofonte-Castaldi-240x-A2F55EB4.jpgIci la démarche est différente. Pas de basse continue et seulement deux madrigaux chantés. Mais quelle magnificence sonore. Il ne peut être plus belle façon pour ceux qui ne connaissent pas le répertoire pour théorbe de le découvrir ainsi, quant à ceux pour qui il n’a plus de secret, la virtuosité et la sensibilité des interprètes les enchanteront. Evangelina Mascardi au théorbe et Mónica Pustilnik au tiorbino (un petit théorbe dont la tessiture est d’une octave supérieure) créent des nuances infimes, légères, faisant battre le cœur de cette musique, semblant faire vaciller la flamme de tendres clairs-obscurs.
Elles se jouent des difficultés, révélant la grande inventivité fantasmagorique et poétique de ce compositeur ami de Monteverdi, révolté par les injustices de son temps et qui fit de la liberté un art de vivre, fusse dans le plus grand dénuement. Elles nouent une véritable complicité avec lui pour mieux faire vibrer la mélancolie qu’expriment les cordes graves de l’instrument avec tant d’expressivité et nous révèlent la musique de cet homme libre et fantasque. Ce g
castaldi_capricci.jpgoût du mystère qu’il cultivait jusque dans les titres des pièces du recueil, Capricci a due stromenti cioe Tiorba e Tiobino… dont sont issues celles qui figurent dans ce disque comme la Mascherina (la petite sorcière), Il bischizzoso (le sournois) et d’autres encore.
Et les doigtés arachnéens d’Evangelina Mascardi et de Mónica Pustilnik semblent tisser des fils de lumière, aux milles reflets d’or qui nous envoutent.
Marco Beasley chante ici deux madrigaux où sa voix naturelle charme et touche par des nuances aussi subtiles que celle des instrumentistes. Les blessures d’amour s’estompent grâce à la sprezzatura, noble et sereine si chère à la noblesse  du début du XVIIe siècle.
La prise de son claire rend justice à la beauté sonore des instruments et le seul regret que l’on puisse émettre porte sur la traduction très approximative du livret, dont on se demande si elle n’est pas plutôt le fruit d’un traducteur automatique que d’un vrai travail de traduction.

Par Monique Parmentier

 

Copyright visuels : DR

Evangelina Mascardi - Mónica Pustilnik - Marco Beasley
1 CD Arcana - Durée : 57’59’

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Les Folies françoises des interprètes inspirés pour Bach

1 Novembre 2011 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel_cdbach.jpgConcerto pour Clavecin BWV 1052, 1053, 1055, 1056

Johann Sebastian Bach

 

Béatrice Martin, Patrick Cohën-Akenine, les folies françoises

Voici donc le second CD Bach dont nous parlions dans la critique du CD du Café Zimmermann, qui vient rappeler, que la musique du Cantor ne demande qu’à se laisser redécouvrir, lorsque des interprètes inspirés s’en emparent.
Pourtant les quatre concerti qui nous sont offert ici on fait l’objet d’une pléthore d’enregistrements et il est loin d’être évident de pouvoir nous émerveiller encore lorsqu’une discographie aussi riche existe.
C’est pourtant ce que les interprètes de ce CD réussissent à faire, tant le dialogue entre le clavecin et les cordes y est d’une lisibilité et d’une énergie, impressionnantes.
Béatrice Martin au clavecin fait preuve d’une impétuosité fulgurante tandis que les cordes emmenées par le violon lumineux et sensuel de Patrick Cohën – Akenine, l’accompagnent avec une fougue ardente.
Les musiciens des folies françoises reviennent ici à une version chambriste de ces œuvres et le choix du clavecin est peut être aussi une des clés de cette réussite, tant il redonne à cet instrument sa place clé dans ces œuvres pour clavier. Loin d’être joli, il y est d’une clarté et d’une vigueur peu commune. Il s’agit d’un clavecin allemand qui date de 1737 et est donc contemporain de Bach.
Béatrice Martin semble y puiser une vie qui vibre et palpite comme autant de voix qui nous interpellent et chantent. Et dès l’Allegro du Concerto BWV 1055 qui ouvre ce CD ont est happé par l’intensité de son interprétation. Dans le premier allegro du Concerto BWV 1052 ou dans celui du concerto BWV 1056, elle nous entraîne dans le tourbillonnant vertige du contrepoint, jusqu’à l’ivresse. Les cordes incisives et virtuoses font miroiter la lumière du clavecin. Le dialogue intime qui s’établit ici entre les musiciens est celui d’une humaine condition qui dépasse ses doutes et sa mélancolie pour mieux affirmer sa foi et ses passions.
La prise de son brillante et équilibrée vient renforcer cette enivrante version des concerti de Bach

Monique Parmentier
1 CD Cyprès - Durée : 62'09 - Enregistrement réalisé du 2 au 5 janvier 2009 dans la salle d'orchestre de l'ESMUC à Barcelone - Clavecin Christian Zell, 1737, Museu de la Musica (Barcelone) et Clavecin Joan Marti d'après Ch. Zell, 2001

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