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Le blog de Susanna Huygens

All children, except one, grow up...

23 Octobre 2023 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Poésie et Littérature

@ The all sort of stories book by Mrs. Lang & Andrew Lang

Non non, mon voyage imaginaire, dans ma bibliothèque idéale ne s'est pas arrêté. Il se poursuit bien au contraire. Mais il faut bien avouer que le « combat » pour trouver mon chez moi à Narbonne, n'est pas simple. Cherchez à distance, en pleine crise du marché immobilier devient un calvaire. Cela prend d'autant plus de temps qu'il faut sans cesse relancer des agences immobilières qui sont forcément très sollicitées. Et à mon âge devoir parfois entendre des arguments d'une rare impolitesse me pèse, comme me pèse de voir certains agents immobiliers se comporter si mal, alors, que les choses passeraient mieux, si la relation restait respectueuse et honnête. Mais cela est à l'image de ce qui se passe partout. Les réseaux dit sociaux, diffusent plus de haine que de beauté et d'empathie, alors forcément, les comportements asociaux sont à la mode et touchent même des gens qui n'ont pas forcément un mauvais fond. L'épidémie de méchanceté qui s'est répandue depuis le début de l'épidémie de Covid 19, rend tout plus difficile.

@ Christina Rossetti - Florence Harrison - Goblin Market

Mais bon, je continue d’y croire et en attendant je poursuis mon voyage. Croire que le beau et la gentillesse, finiront par rendre le sourire, à ce monde devenu si violent et si triste, est pour moi vital.

J'avais ouvert un bel ouvrage, il y a peu pour ses magnifiques illustrations de Florence Harrisson, les poèmes de Christina Rossetti. Ce que j'aime dans les "One Upon a time", c'est le côté léger, comme des bulles de savon, de certains textes. Ainsi Goblin Market qui ouvre ce magnifique recueil des poèmes de Christina Rossetti ... les goblins de méchantes petites créatures qu'Arthur Rackham a peut être dépeint avec plus de vivacité et de subtiles cruautés, que Florence Harrison: 

@ Arthur Rackham - Christina Rossetti - Goblin Market

Morning and evening
Maids heard the goblins cry:
“Come buy our orchard fruits,
Come buy, come buy:
Apples and quinces,
Lemons and oranges,
Plump unpeck’d cherries,
Melons and raspberries,
Bloom-down-cheek’d peaches,
Swart-headed mulberries,
Wild free-born cranberries,
Crab-apples, dewberries,
Pine-apples, blackberries,
Apricots, strawberries;—
All ripe together
In summer weather,—
Morns that pass by,
Fair eves that fly;
Come buy, come buy:
Our grapes fresh from the vine,
Pomegranates full and fine,
Dates and sharp bullaces,
Rare pears and greengages,
Damsons and bilberries,
Taste them and try:
Currants and gooseberries,
Bright-fire-like barberries,
Figs to fill your mouth,
Citrons from the South,
Sweet to tongue and sound to eye;
Come buy, come buy.”

@ Arthur Rackham - Christina Rossetti - Goblin Market

« Matin et soir, les jeunes filles entendaient le cri des goblins
Venez acheter, venez acheter :
Pommes et coings
Citrons et oranges
Cerises dodues non becquetées,
Melons et framboises
Pêches aux joues duveteuses,
Mures aux têtes cuivrées,
Airelles nées en liberté,
Pommes sauvages, mures des bois
Ananas, mûres des ronces
Abricot, fraises
Tous bien mûrs
Dans une atmosphère d'été
Matins qui passent
Belles soirées qui s'envolent
Venez acheter, Venez acheter ;
Nos raisins tout frais cueillis de la vigne
Grenades pleines et goûteuses,
Dattes et prunes de berger,
Reines-claudes et poires remarquables,
Questches et myrtilles,
Goûtez - les, tatez ;
Raisins de Corinthe et groseilles à maquereaux,
Epines-vinettes écarlates,
Figue à vous en gaver sans faim,
Citrons du sud,
Doux pour la langue, plaisants à l'oeil,
Venez acheter, venez acheter »

 

@ The green fairy book

Mais voilà, que d'autres livres, d'autres merveilles se découvrent à mon regard qui ne cesse d'aller d'étagères en piles de livres... Des noms parfois connus, parfois oubliés, des titres qui semblent reprendre la trame de vie de Peter Pan et d'Alice et s'avèrent dévoiler un nouvel univers à chaque fois.
 

@ The Brown Fairy Book

 Est-il encore aujourd’hui, beaucoup d’enfants qui rêvent de partir vers un pays imaginaire, où tout en combattant pirates et crocodiles, on peut jouer, rire, faire des rencontres aussi surprenantes que le chat du Cheschire ? Et ce, sans les idées parfois tordues d’adultes, qui coupent les cheveux en quatre, pourvu que les moulins à vent, continus de mouliner. J’ai eu la chance d’appartenir à une génération qui dans son enfance, n’avait pas même un téléviseur et où les livres étaient des compagnons de jeux. Je lisais des récits de voyages, datant du XIXe siècle en imaginant ces mondes du bout du monde. Et comme les illustrations et les premières photos (comme celles des photographes qui parcouraient le monde pour Albert Kahn), laissaient plus à deviner qu’à montrer, ces mondes valaient bien tous les « Secret Garden », tous les Neverland et jardins imaginaires, tout en me permettant d’imaginer combien ces mondes oniriques des poètes et conteurs, étaient de fait, encore plus beaux que ceux des aventuriers qui parcouraient la planète. Les aventuriers des temps jadis étaient pour moi des lapins blancs que je suivais au gré de mes découvertes.
 

@ The Brown Fairy Book - Henry Justice Ford

Once upon a time… Tout désigne un homme (en fait son rôle fut bien plus modeste que celui de sa femme) mais qui sans sa femme n’aurait probablement pas accompli le prodigieux travail à l’origine de la première édition contemporaine des contes de fées et légendes d’Europe à destination des enfants. Et bien que clairement destiné à ce nouveau public, les adultes eux-mêmes collectionnèrent dès les premières éditions ces ouvrages.
 

The Brown Fairy Book - Henry Justice Ford

 A l’époque victorienne, les convenances tenaient une grande place dans la vie des femmes qui tentaient, malgré tout, d’exister pour leurs talents. Si donc l’histoire a retenu le nom de cet homme, Andrew Lang (1844 – 1912), homme de lettres, journalistes, poètes, critiques littéraires, c’est sa femme Leonora Blanche Alleyn (1851 – 1933) qui a rassemblé, compilé et traduit les contes et poèmes d’Europe, d'Asie et d'Afrique, formant la série de « livres féériques des couleurs », the colour fairy book, édités par son mari. Elle était toutefois aidée par deux autres femmes May Kendall (1861 – 1943) et Violet Hunt (1862 – 1942).
 

@ The Brown Fairy Book - Henry Justice Ford

Si ces traductions édulcorées, ne transmettaient pas les contes tels que retranscrits depuis des siècles dans le folklore local, mais tels que ces dames étaient plus autorisées à les raconter, que les enfants à les entendre, il n’en empêche pas moins que le travail de traduction est d’une rare beauté. Et ce d’autant plus que rien n’interdisait par des formules poétiques de laisser sourdre les menaces du monde adulte, celui plus cauchemardesque et plus violent qui a toujours été présent dans les contes. Si le caractère éducatif est bien présent, il n’est jamais lourd et certaines formules sont autant de clin d’œil au droit de dépasser le cadre. Le tout se mesure donc à la qualité de la traduction et à la connaissance que depuis des critiques ont pu avoir par leurs études des traditions retranscrites dans ces ouvrages, qui se présentent tels de véritables joyaux aux lecteurs. Nos trois dames n'étaient pas que des traductrices, mais aussi poètes et essayistes, un tantinet suffragettes, comme la plupart des femmes illustratrices et poètes rattachées ou non au mouvement pré-raphaëlite. Elles furent aidées par des illustrateurs, qui ont parfois suggéré la sensualité ou les émotions des personnages, elles nous ont ainsi légué un héritage précieux.

The violet Fairy book

 Les reliures des « colours Fairies books » d’Andrew Lang sont un véritable écrin pour des contes et légendes qui nous prennent par la main en nous murmurant « Il était une fois »… Ou « il y a bien longtemps » ou « Tous les enfants grandissent, sauf un. Ils le savent très tôt » (All children, except one, grow up. They soon know…) … Et ce que tous ces livres merveilleux, et pas seulement les contes illustrés, mais tous sans exception m’offrent, c’est de rester une « enfant », éveillée et curieuse, qui jusqu’à la fin du voyage, aura envie encore et toujours d’ouvrir des livres, franchir le pas des portes de l’indicible beauté.
 

@ DR

Pour en revenir aux livres édités par Andrew Lang, ils sont au nombre de 12, publiés entre 1889 et 1910 : les livres aux couleurs (de leur reliure) des fées resplendissent sur les étagères : The Blue Fairy Book (1889), The Red Fairy Book (1890), The Green Fairy Book (1892), The Yellow Fairy Book (1894), The Pink Fairy Book (1897), The Grey Faiy Book (1900), The Violet Fairy Book (1901), The Crimson Fairy Book (1903), The Brown Fairy Book (1904), The Orange Fairy Book (1906), The Olive Fairy Book (1907) et The Lilac Fairy Book (1910).

@ The Brown Fairy Book - Henry Justice Ford

On retrouve dans ces ouvrages, les contes entre autres, d'auteurs français comme Charles  Perrault ou Mme d'Aulnoy.

Tous furent illustrés par un artiste britannique, surtout connu pour ce travail, Henry Justice Ford (1860 – 1941).
 

The Pink Fairy Book

  Issu des écoles d’art classique britannique, Henry Justice Ford possède un style qui oscille entre Art nouveau et pré-raphaëlisme. Il a recours à la plume et à l’encre pour ses dessins, -ce qui n'est pas sans rappeler Walter Crane, l'illustrateur de William Morris-, qu’il colorie parfois soigneusement à l’aide d’une palette extrêmement vive. Outre l’illustration pour la littérature dite « pour enfant », il conçu également des costumes de théâtre, dont ceux des premières représentations de Peter Pan.

Andrew Lang lui, poursuivi tout au long de sa vie ce travail d’édition. Ainsi dans ma bibliothèque idéale, forcément, croiserais-je, d’autres de ses ouvrages.

@ The Pink Fairy Book - Henry Justice Ford

 Ce qui frappe en les lisant et en les regardant, c'est un étrange sentiment de déjà vu, qui nous permet de mieux retracer l'influence sur de jeunes enfants qui devinrent par la suite de grands auteurs, certains n'hésitèrent d'ailleurs pas à le reconnaître comme Tolkien, dont on ressent les souvenirs dans lesquels il a sans doute inconsciemment picorés, ou CS Lewis pour lequel, l'influence est clairement plus évidente, ou sur des auteurs adultes qui n'hésitèrent pas à clamer leur admiration pour ces ouvrages comme Conan Doyle.

@ Yellow Fairy Book - Henry Justice Ford

  Si le monde anglo-saxon de l'édition et de l'illustration a connu son âge d'or dans la seconde moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, il a envers et contre tout survécu. Bien mieux qu'en France, où l'illustration reste un art très secondaire, essentiellement destiné aux livres pour enfants. Il me reste encore bien des routes, chemins, venelles et passages secrets à en explorer. 

@ The Orange Fairy Book - Henry Justice Ford

  Tandis que j’écris, il pleut et la nuit semble devoir venir avant même quatre heure de l’après-midi. Les volutes d'un chocolat chaud, apportent des arômes douces et rassurantes, à la pièce qui s'assombrit Ainsi jour et nuit se confondant, la lumière qui oscille.. Le rêve se poursuit… Once upon a time… « All children, except one, grow up. They soon know… ». M'arrêterais - je la prochaine fois, sur un livre de botanique, à des échantillons de tissus, des papiers peints, à des manuscrits anciens, des correspondances ou des poèmes... Qui sait. Ma promenade, se poursuit.

Par Monique Parmentier

 

 

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Florence Harrison : Beyond the fair green field and eastern sea

10 Octobre 2023 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Poésie et Littérature

@ DR Elfin Song - Florence Harrison

Je suis revenue vers Florence Harrison, Florence Harrison - Pre-Raphaelite Sisterhood - YouTube , fascinée par son oeuvre, comme un papillon de nuit l'est par la lumière. Le mystère laissée par l'ombre d'une vie qui ne donne aux historiens de l'art et collectionneurs passionnés (dont une certaine Mary Jacobs qui lui a consacré un site internet) que peu d'éléments qui participent peut être à l'attirance qu'on pourrait lui porter, mais ses illustrations sont à mes yeux parmi les plus belles que je connaisse, et les poèmes qu'elle a elle-même écrit, nous laisse d'elle, le sentiment d'une personnalité enchanteresse, érudite et envoutante. Une personnalité qui s'est construite seule, pour le peu que l'on en sait, ou presque, observant, écoutant, libre.

@ DR Florence Harrison

Née sur un bateau à quai à Brisbane, dont son père était le capitaine, le 2 novembre 1877, elle vécut l'essentiel de son enfance au Royaume Uni. On ne sait quasiment rien de l'éducation qu'elle reçut, l'illustrateur John Howe en parle sur la page qu'il lui a consacré, accompagné d'une analyse artistique, avec l'oeil d'un maître. Je vous invite à découvrir leurs pages, en suivant les liens, pour en savoir autant que possible sur la femme et l'artiste.

Mais au-delà, de toutes les qualités artistiques qu'on ne peut que lui reconnaître, il y a aussi l'émotionnel intense qui surgit de l'oeuvre de Florence Harrison. Difficile de surmonter cette sensation, de ne pas ressentir l'intensité à fleur de larmes, des sujets et de leur traitement. Un univers poétique, y nait à chaque nouveau regard qui le découvre, sensible, au-delà du réel, mouvant, évanescent, intemporel, surnaturel.

@ DR Florence Harisson

Le monde (les mondes) de Florence Harrison est celui du beau, d'une spiritualité sans dieu omnipotent. Et même si sa conversion au catholicisme à la fin de sa vie, influence ses dernières illustrations dans leur thématique, jamais l'on ne sent écrasé par la représentation qu'elle en donne.

Alors, Once upon a time... Chère Florence, un jour, j'ai peut être été cette enfant que vous avez été. Grace à vous, je me rêve sur le pont d'un clipper, grand voilier qui sillonnait les mers à la fin du XIXe siècle, scrutant l'horizon, tentant d'apercevoir ces mondes enchantés, où le meilleur est possible.

@ DR Florence Harrison - Elfin song

Lullaby from the wind, of the shore
To the wind of the sea, lullaby.
Lullaby from the sea to the boat
She rocks the night long on her breast.
Lullaby from the bird of the wave,
The bird of the wood, lullaby,
For the sleep on the steep of the cliff,
And the sleep in the down of the nest.
(extrait de Lullaby poème de Florence Harrison)

 

@ DR Florence Harrison Elfin songs

Sometimes we drift where showers lift
A fairy-splendoured bow,
Or lie encharmed, long time becalmed
In the un-windy glow.
On the hidden mountain peaks
Maybe we strike and shiver,
And tattered sails float on the gales
Across a flooded river.
(extrait de Ships on the sky de Florence Harrison)

Fait-il nuit ou jour ? Emporté par un sommeil quasi fantasmagorique, tandis que la mer rugit qu'un arc en ciel ou un rayon d'étoiles fend un ciel d'encre, l'enfant se laisse emporter dans les mondes enchantés, toutes voiles dehors. Est - il besoin de psychiatre pour voir dans l'univers de Florence Harrison, au-delà des mots ? Je ne le pense pas. Non la poésie et l'oeuvre dessinée de Florence Harrison, permet de dépasser ses peurs, de se sentir moins seule, tandis que le vent siffle et que l'on est secoué, balloté de vagues en vagues. Pour aller de l'Australie à l'Angleterre les routes maritimes, passaient forcément par le Cap Horn. A l'extrême sud du monde, la "tête renversée", on est à la "croisée des mondes"... Pour peu le "chemin de traverse" peut vous conduire vers un ailleurs où l'aventure devient merveilleuse.

@ DR Florence Harrison Elfin Song

Le chant des elfes dans la nuit, vient couvrir le rugissement des vagues et du vent, le rayon chatoyant et chamarré d'une étoile, transperce les sombres nuages des tempêtes australes.

Une maman attentive, à la lueur de la bougie ouvre le livre magique, fées et nymphes, peuvent vous entrainer dans leur danse radieuse et joueuse, qui vous permettra de traverser la nuit et les océans, sans que le moindre spectre, ne puisse s'en prendre au grand voilier qui fend les vagues.

@ DR Florence Harrison Elfin song

Pourquoi devrait-on renoncer à s'échapper du réel, celui qui pousse les psys à considérer les rêves, comme une autre expression, un fantasme, refoulé du réel ? Chez Florence Harrison, ce que j'aime c'est ressentir, les émotions, les souvenirs terrifiants et doux, ensorcelés et enchantés. Nul besoin de comprendre l'anglais pour percevoir, le sens et avoir le sentiment que ces vers, accompagnent des circonstances effrayantes que nous avons le sentiment d'avoir vécu enfant, ou l'une de ces histoires de vampire, d'ogres ... que nous aimions nous voir racontées avant de nous endormir. Un jeu d'enfant qui petit à petit se construit son univers, son monde où le rêve a le droit d'être, même lorsque devenu adulte, banquier ou employé, mineur ou marin, le besoin d'espérer passe par l'irréel, le surnaturel, la pensée que certains disent magiques.

@ DR Florence Harrison - Elfin song

On a tous (enfin beaucoup d'entre nous) besoin d'un jardin secret, où la beauté - des fleurs, des oiseaux, des arbres, des paysages - côtoierai la beauté de ces êtres invisibles dont l'enfance s'est nourrie comme l'humanité à ses origines. Les mondes des fées et des elfes, les mythes sur lesquels nos civilisations se sont construites, sont autant de refuges que de portes ouvertes vers l'inconnu. Les préraphaélites, qui ont inspiré Florence Harrison, estimaient qu'il appartenait aux artistes, de donner l'accès au beau au plus grand nombre et pour cela de leur offrir les clés de l'imaginaire et de l'imagination, sources de créativité. L'artiste, l'écrivain était un passeur de rêves.

@ DR Florence Harrison - Elfin song

Je ne peux que vous inviter dans ma bibliothèque idéale et vous saisir des livres illustrés par Florence Harrison, Elfin Song, les poèmes de Christina Rossetti, Guinevere and others poems of Tennyson et bien d'autres, et si au fond, même si l'anglais reste pour vous, une langue ésotérique, ne vous en inquiétez pas, les illustrations et la sonorité des mots, vous diront l'essentiel. Oui la beauté peut vous accompagner, il vous suffit de fermer les yeux, l'espace d'un instant et de prononcer les mots magiques : Once upon a time... Il était une fois, puis d'ouvrir la page où la route des rêves, ressemble à un chemin étoilé.

Par Monique Parmentier

 

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Ninna Nanna : Remember me

7 Octobre 2023 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Poésie et Littérature

@ Florence Harrison

ANGELI al capo, al piede;
E qual ricciuto agnello
Dormir fra lor si vede
II bel mio bambinello.

[Love me, I love you] Amami, t' amo,
Figliolin mio:
Cantisi, suonisi.
Con tintinnio.

Mamma t' abbraccia,
Cor suo ti chiama;
Suonisi, cantisi,
Ama chi t'
Christina Rossetti

@ Christina Rossetti - Florence Harrison

Me laissant porter par la visite de ma bibliothèque idéale, j'ai croisé parmi les illustrateurs, un certain nombre de dames, connus des collectionneurs mais dont le nom a été oublié du grand public. Au point d'ailleurs que bien qu'ayant occupé une place non négligeable à leur époque (seconde moitié du XIXe siècle et première moitié du XXe siècle), il n'existe bien souvent sur le net que des informations fragmentaires, sur des artistes pourtant extrêmement talentueuses.

Florence Harrison - Night slight down - Tennyson

Et plus le temps passe et plus je me familiarise avec le mouvement Art & Craft (moi la baroqueuse), retrouvant au passage la fascination que j'avais enfant pour les beaux livres illustrés et les images prédécoupés destinés à orner des Scrap books victoriens dont certaines me rappellent ma grand-mère qui m'en avait offert, il y a bien longtemps quelques unes. Comme il est fascinant de penser que les berceuses illustrées et ces images extrêmement colorées pour collage d'un autre temps, se sont retrouvés sur mes chemins de curiosités. Concernant ces images, je suis sur Instagram, le compte d'une conservatrice de la Winterthure library dans le Delaware, près de Philadelphie. 

Florence Harrison - Dreamland

Et par des chemins détournés, les berceuses ne voulant pas me quitter, je suis tomber sur les premiers poèmes de Christina Rossetti, pour partie dans la langue du pays de son père, l'italien.

Je ne me lasse pas de découvrir toutes ces merveilles et plus encore de la place étonnante que les femmes y ont tenue. Tout est partie de mon envie d'écrire un article sur mes illustrateurs "préférés", Arthur Rackham, Edmund Dulac et Kay Nielsen et je découvre des illustratrices dont la vie et l'art me semble encore plus fascinants. Je sais déjà que je reviendrais vers Florence Harrison, dont le peu que je sais d'elle est que son enfance, fut forcément influencée par ses voyages entre sa terre natale, l'Australie et sa terre d'origine où elle vécut, le Royaume-Uni. Prendre la mer, durant l'enfance, voir l'horizon comme une ligne infinie, où toutes les histoires sont possibles, cela doit forcément laisser des traces.

@ DR Beatrix Potter

Hier au soir, j'avais envie de me reposer, sans faire trop d'efforts, je l'avoue et cherchais un film susceptible de me faire passer une douce soirée. Difficile de trouver, ce genre de programme. Le cinéma et les chaînes de diffusion de films préférant diffuser des films dans l'air du temps, violents, moches et trop souvent vulgaires. Et puis, aller savoir pourquoi, les illustratrices et conteuses ne voulant pas me quitter, je suis tombée sur une petite pépite : Miss Potter. Quel bonheur ce film (cela dit avec la même actrice, Renée Zellweger, j'ai beaucoup aimé la série des Bridget Jones, il faut dire que le scénario des trois volets et les acteurs, y sont formidables). Bref, bien sûr Béatrix Potter, Peter Rabit, Benjamin Bunny, Squirrel Nutkin et tous ces merveilleux personnages, m'ont donné envie de me plonger dans ces paysages et ces mondes enchantés. Et si dans ces univers, tout n'est pas forcément doux, pas plus que dans aucun conte d'ailleurs, il y a ce charme indéfinissable, qui quelque part nous ouvre les portes d'un monde plus généreux.

@ DR - Béatrix Potter

D'ailleurs, Béatrix Potter qui concevait par ailleurs les histoires que nous content les images, est probablement une des rares illustratrices à avoir pu gagner sa vie et disposer d'une notoriété, lui permettant ainsi d'être active dans la préservation des lieux qui l'ont inspiré.

Quel bonheur de voir ses dessins s'animer, tandis que son pinceau oeuvre. Un clin d'oeil, un mouvement léger pour se débarrasser d'une écharpe gênante... Quelques animations qui font de ses personnages, des êtres vivants, des amis à part entière. Ce film est une petit merveille. Ressenti du lecteur et anthropomorphisme assumé par l'artiste, elle qui était aussi passionnée par toutes les sciences de la nature, mais qui par son art, dans la continuité d'un XIXe siècle victorien qui aimait à voir des fées dans les mouvements d'ailes des papillons, nous a donné à rêver enfants et adultes en quête d'un retour à l'innocence.

@ DR Florence Harrison - Sleep at sea - Christina Rosseti

Voilà, je reviendrais sur mes promenades et surtout sur les illustratrices. Je n'en ai pas fini. A 64 ans, dans ce monde si violent, le rêve, l'empathie, la beauté sont essentielles. Me suivrez - vous dans mes passeggiata... Livresques. Ma bibliothèque idéale est si riche. Chaque livre, est une invitation onirique aux voyages.

@ DR - Florence Harrison - Raiponce

Where sunless rivers weep
Their waves into the deep
She sleeps a charmed sleep :
Awake her not.
Led by a single star,
She came from very far
To seek where shadows are
Her pleasant lot.

Où pleurent les rivières sans soleil
Leurs vagues dans les profondeurs
Elle dort d'un sommeil enchanté :
Ne l'a réveille pas
Menée par une seule étoile
Elle venait de très loin
Pour chercher où sont les ombres
Son sort agréable.

Christina Rossetti

Par Monique Parmentier

 

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Lullabies : rêve poétique

1 Octobre 2023 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Poésie et Littérature

Depuis quelque temps, je me promène dans ma bibliothèque idéale. Celle qui a tout à la fois le goût de l'enfance perdue et d'une vie où le beau a heureusement réussi à se préserver, un refuge. J'aime la poésie, la musique. J'aime les beaux livres et les mots qui chantent. Il est des poèmes, des illustrations qui toujours me ramènent à un rêve musical. En suivant ainsi les mots, j'ai retrouvé celle qui m'a toujours apaisé. Qu'importe la berceuse, le murmure s'insinue en un souffle léger, parfum de jasmin, de roses aeterna... Montserrat Figueras me manque depuis que les étoiles l'ont rappelé si loin de nous.

@ Alia vox

Lorsque j'ai commencé à feuilleter les pages virtuelles de ce livre si précieux, dont les mots et les mélodies ont accompagné tant de mamans, tant de nouveaux nés dans leurs premiers rêves, j'ai perçu sa présence, comme une évidence,  me ramenant à ce jour où discutant avec elle, elle posa ses mains sur mon bras droit, pour me réconforter et m'encourager à poursuivre ma route sur les chemins de la musique et de la poésie.

@ DR

Lullabies... Berceuses... la berceuse rite universel, musique de l'origine, rendant soutenable à l’aube de la vie la première séparation. Elle est ainsi chantée par Montserrat Figueras, une main tendue entre la douleur infinie et l’amour à jamais.

@ DR - Illustration Grèce

Les vers, ci-dessous, sont issus d’une berceuse irlandaise, qu’elle aurait pu chanter. Certains me diront, que cela ne vaut pas un poème de Baudelaire ou de Yeats... mais la comparaison en matière de poésie me semble absurde. Les textes de ces berceuses, portent en eux, une musique du coeur et des émotions, envoûtante, ensorcelante. Une musique qui n'est pas seulement celle des nouveaux nés, mais celle qui toujours nous trouve reclus sur nos douleurs pour mieux nous donner à voir l’indicible lumière, d'un lien plus fort que tout, qui nous relie à tous ceux que nous avons aimé et qui nous aiment par delà le temps et l'espace :

@ DR

"On a bed of fragrant roses asleep the morning lies. And the quiet evening sleepeth where the dusky hilltops rise ;
Then sleep, my child, my darling — do thou, too, close thine eyes.
In a rock-bound hollow lying, the winds sleep 'neath the hill;
With feathery clouds for pillow, the stars sleep calm and still ;

Then sleep, my child, my darling — do thou, too, sleep thy fill."

@ DR

"Sur un lit de roses parfumées, le matin est endormi. Et le soir tranquille dort là où s'élèvent les sommets sombres des collines ; 
Alors dors, mon enfant, ma chérie ; toi aussi, ferme les yeux.
Dans un creux rocheux, les vents dorment « sous la colline » ;
Avec des nuages plumeux pour oreiller, les étoiles dorment calmes et immobiles ; Alors dors, mon enfant, ma chérie, et toi aussi, dors à ta faim."

@ DR

La berceuse, est la musique des rencontres, des apprentissages, des premiers chants partagés des jeux d’enfants, souvenirs ineffables de l'innocence perdue. Mais y sourde, ces menaces sombres et tout juste ébauchées, qui bientôt nous rattrapent sur le chemin de la vie : les référence à la vie et à la mort, aux larmes, à la pluie et aux orages, aux chagrins qui nous frapperont tôt ou tard…Parfois chant marial, la Vierge est une maman qui sait que la vie est un cadeau et un don de soi, un don qui conduit à l’abandon absolu.

@ DR

Que de berceuses, j'ai souvent aimé écouter, particulièrement bien sur celles interprétées par Montse, mais aussi par Arianna sa fille et Petter Udland Johansen. Dans les programmes d'Hirundo Marris, leur ensemble, on retrouve ce répertoire si tendre, qui s'apparie si bien avec la Harpe céleste, instrument dont Arianna est une si merveilleuse interprète, mais également avec leur timbre. Un timbre dont la clarté éloigne la nuit, la peur, la méchanceté qui nous environnent. 

@ DR

Bien sûr la musique classique, mais également le jazz et la variété se sont emparés de ce répertoire. Certains instruments, comme le duduk arménien (le programme/Cd, Esprit d'Arménie de Jordi Savall, est en cela, une magnifique continuité des programmes sur les berceuses. que le maestro a enregistré avec son épouse. Une musique du deuil, quête de l’apaisement), ou les mélodies de Debussy au piano ont cette faculté de m'emmener sur les voies de la paix intérieure, de la sérénité, ou comme Sospiri d'Elgar. En vieillissant, on découvre que la beauté idéale, est probablement, celle qui comme dans ces berceuses, ne recherche que cette sensation à fleur de peau, cette petite chose indéfini et poignante, qui nous inquiète toute notre vie, pour mieux l'apaiser. Sans effets grandiloquents, avec douceur et empathie, la berceuse est la poésie de l'éphémère. Je n'ai jamais été aussi bouleversée qu'en entendant Arianna Savall, interpréter des berceuses au côté de sa mère ou de Petter ou l'adieu ou Gracias a la vida et sa maman toutes ces merveilleuses berceuses de l'album Ninna nanna. Des chants qui nous disent, sans cesse la fragilité et la beauté de tout ce que la vie nous offre mais nous reprendra.

@ Hirundo Marris

Ce sont les voix de Montse, Arianna et Petter, qui ont surgi des pages, de ce magnifique recueil de Lullabies (berceuses) datant de 1894. Les poèmes qui le composent, sont tous issus de traditions populaires européennes. Ils ont été recueillis, rassemblés et traduit par Alma Strettell (1853-1939). Traductrice et poétesse anglaise, qui s'est passionnée pour le folklore et les contes populaires. Sa maîtrise des langues, lui permettait de faire chanter les mots, issus du roumain, de l'italien, du français, du grec, de l'espagnol, de l'allemand ou du vieil anglais dans sa propre langue, l’anglais contemporain, avec un talent de musicienne, qui explique peut être, l'étrange résonance à la lecture de ce livret magique. 

@ DR

Les illustrations ici, ont été réalisées par une autre femme, Emily J. Harding (1850-1940). Artiste, illustratrice... et suffragette britannique. D'elle, l'histoire a surtout retenu son combat pour la place et les droits des femmes. Mais c'était une artiste qui s'est construit son propre style. Si certaines illustrations à ses débuts sont autant influencées par le mouvement Art & Craft que par les écoles de peintures plus classiques du 19e siècle britannique, elle trouve comme ici, ce mouvement, cette épure qui suggère les mouvements de l'âme et des émotions, tout en évoquant le contexte de naissance de chaque berceuse illustrée, d’un trait maîtrisé et pourtant évanescent. Et les différences entre les différentes cultures, n'en sont que plus belles. L’art du dessin, célèbre ici aussi bien le folklore dans ce qu'il a de plus beau et l'universalité dont chaque culture est porteuse.

@ DR

Le travail d’une si belle sensibilité, réalisé par ces deux femmes à la fin du XIXe siècle et leur éditeur, George Allen mérite d’être souligné. Combien de livres aujourd'hui, sont encore ainsi imprégnés de leur propre musique, de leurs murmures, de leurs larmes et leurs rires ? Combien de livres aujourd'hui, pourraient ainsi, nous apporter un tel sentiment d'harmonie ?

En dehors des oeuvres de Tolkien, qui bénéficient des talents d'illustrateurs saisissant et singulier comme John Howe et Alan Lee, le monde de l'édition a renoncé à s'engager sur de tels chemins. Et pourtant, réseaux sociaux ou pas... Rien n'est plus beau qu'un livre qui chante, lorsque le lecteur s'abandonne, et livre son âme à l’infini beauté des mots et des dessins, d’un art où tout est musique.

Par Monique Parmentier

 

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