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Le blog de Susanna Huygens

Caminos barrocos : un baroque chaleureux

30 Octobre 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel-copie-7.jpgLe Final des Chemins du Baroque
Caminos barrocos
Réalisation musicale : Gabriel Garrido –
Réalisation : Olivier Simonnet
K617

 

En automne 2011 s'achevait au Paraguay dans une ancienne mission jésuite, une aventure de 25 ans, les Chemins du baroque. Le Dvd que vient de sortir K617, partenaire de cette odyssée, nous permet de découvrir le concert qui fut donné à cette occasion.

Les Chemins du Baroque ont permis à de jeunes musiciens de plusieurs pays d'Amérique du Sud et d'Europe de se rencontrer et de partager non seulement un patrimoine musical méconnu et extrêmement riche, mais également des valeurs humaines faites de tolérance, de curiosité et de découvertes de la diversité qu'a engendré la rencontre des différentes cultures à travers les siècles. Les créateurs de cette épopée leur ont ouvert de nouveaux horizons. Pendant 25 ans, plus de 400 musiciens ont ainsi pu se former à la musique baroque issue des Amériques, dont on a trop longtemps supposé qu'elle devait y être mineure. Ils ont de cette manière pu retrouver le chemin de l'âme indienne qui sommeillait en elle et dont l'exubérance, l'opulence et la tendresse nous éblouit à son écoute.

Dans ce merveilleux DVD que nous offre K617, nous retrouvons le père de cette belle aventure Alain Pacquier sans qui rien n'aurait été possible. Fasciné par ce continent et par ses orgues en ruine, uniques habitants fantomatiques d'églises abandonnées aperçues dans des livres d'art et guidé par l'intuition d'un patrimoine oublié qui devait pouvoir nous raconter une histoire unique, il osa alors que l'Amérique du Sud sortait difficilement de ses dictatures partir à la découverte de mondes perdus. Guidé par un humanisme et une générosité qui émanent ici de chacune ses interventions, il a en 25 ans ouvert des voies multiples aux richesses dont il n'avait peut - être pas lui-même osé imaginer toutes les beautés. Il a ainsi redonné aux populations de ces pays brisés leurs racines les plus profondes leur permettant de se reconstruire un avenir. C'est avec l'un de ses plus fidèles compagnons, le chef argentgroup-photo.jpgin, au tempérament de feu, Gabriel Garrido qu'il a donc monté cette fête destinée à marquer la fin de ce voyage du renouveau... Une fin qui ouvre des perspectives musicales dont on peut tout attendre au vu du résultat qu'offre ce concert hors norme filmé au Paraguay.

La réalisation d'Olivier Simonnet nous livre de ce concert et de ses derniers préparatifs une vision quasi onirique. La lumière et la musique y chantent l'union des hommes et de la nature. Il nous permet de percevoir, par des images d'une somptueuse beauté et une prise de son extrêmement soignée toute la ferveur qui habitent les musiciens et le public de ce concert envoûté. La grâce semble habiter l'ensemble des participants et l'émotion en est si intense qu'elle nous éblouit et nous transporte dans le cœur de ces indiens dont la culture pu en partie survivre grâce à la protection que les jésuites leurs apportèrent.

VISUEL-Garrido-fiesta.jpgLe concert nous permet de découvrir, un opéra sacré du seul compositeur qui a laissé son nom dans l'histoire de la musique baroque sur le continent américain. Il est intimement lié à la sauvegarde des cultures améridiennes. Domenico Zipoli, un missionnaire jésuite d'origine italienne, célèbre le père fondateur de son ordre, dans cette œuvre si particulière, où l'on rencontre aussi bien la lumière de son pays d'origine, l'Italie et ses volutes baroques, que la luxuriance des mélodies amérindiennes. La sensualité qui irradie de sa musique, semble célébrer l'union quasi mystique de deux civilisations que tout semblait opposer. On peut d'ailleurs regretter à cette occasion l'absence d'un livret qui aurait pu nous en dire plus sur ce compositeur.

Je vous invite à découvrir grâce à ce DVD l'enchantement des Chemins du baroque. La parure sonore y est celle d'un oiseau de paradis dont Olivier Simonnet nous donne à voir et à entendre toutes les nuances.

Par Monique Parmentier

 

1 DVD K617 - Code Barre 3 383510 002366 - Réf : K617236 - Durée : 1 H 32'27''

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Les vêpres savantes et austères d'Adriaen Willaert

22 Octobre 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel-copie-6.jpgAdriaen Willaert (c.1490-1562) : Vespro della beata Vergine.

 

La Sérénissime république de Venise a su inviter des grands compositeurs à Saint Marc qui, chapelle du Doge, devait être un modèle indétrônable de splendeur sonore. La postérité a retenu Monteverdi comme parangon de ce génie musical Vénitien, mais il s’était appuyé sur une tradition qui comportait d’autres grand noms. Ainsi Adriaen Willaert venu de Bruges a travaillé à Paris, Ferrare, Este, Milan avant d’arriver à Venise où il a œuvré jusqu’à sa mort. La Capella Flamenca sous l’impulsion de Dirk Snellings a fait un savant travail de reconstitution d‘un service de vêpres de la Vierge qui aurait pu être donné autour des années 1540 à Saint Marc. Le style antique est valorisé par le chant a capella, sans instrumentarium comme cela était l’usage. Seules des voix d’hommes ont été retenues dans cet enregistrement évitant toute féminine rondeur de voix et toute sensualité latine. L’introduction par du chant grégorien est systématique et entre les motets une œuvre à l’orgue semble avoir été de rigueur. Les choix de Joris Verdin, sur l’orgue de la basilique di San Petronio de Bologna, et son interprétation sont excellents. Les œuvres données dans cet enregistrement sont choisies parmi les contemporains de Willaert ; elles sont de belle facture et donnent une certaine unité de ton qui tient lieu de fil rouge. La variété des motets, dont les célèbres premiers doubles chœurs écrits pour Saint Marc, permet de se rendre compte de la virtuosité de Willaert qui a une science de l’écriture hors du commun. De style antique très savant, la complexité des compositions requiert une grande rigueur de la part des chanteurs. On peut compter sur la Capella Flamenca pour offrir une interprétation stylée et impeccable. Les voix sont droites et ductiles faisant honneur par leur précision à la complexité des motets.

 

Le voyage dans le temps fonctionne et la splendeur antique de Saint Marc semble restituée par ces interprètes au sérieux irréprochable. Les textes du livret permettent de comprendre cette période charnière de l’histoire de la musique. Les Vêpres de Monteverdi au siècle suivant seront infiniment baroques chatoyantes et virtuoses, quand celles-ci sont savantes et austères.

La Capella Flamenca propose ici un CD historiquement informé permettant la (re)découverte d’un compositeur majeur.

La prise de son permet une écoute attentive des voix comme de l’orgue.

 

Par H. S.

 

Capilla Flamenca ; Joris Verdin : Organ ; Direction : Dirk Snellings. Un CD Riccercar : Ric325. Enregistrement : Février 2012, chant et mars 2012, orgue ; Durée : 79’30’’.Code barre : 5400439003255

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Esprit d'Arménie : le souffle de l'infini

14 Octobre 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Esprit d'Arménie

Hespérion XXI - Jordi Savall

Georgi Minassyan, Haïg Sarikouyoumdjian, Guaguik Mouradian, Armen Balalyan

Alia Vox

Dans la présentation de ce nouvel enregistrement, Jordi Savall en quelques mots nous dit tout ce que la musique arménienne, lui a apporté après la disparition de Montserrat Figueras. A travers Esprit d'Arménie, il partage avec son public en compagnie de quelques musiciens d'Hespérion XXI et de quatre musiciens arméniens une part intime et profonde, celle qu'il a trouvé aux sources même d'une civilisation qui a dépassé sa souffrance en trouvant la voix (la voie) de la « consolation ». Il nous invite ici à la découverte de la poésie et de l'harmonie d'un univers étrange et fascinant où la musique pour lutter contre la souffrance, la séparation, la peur, le deuil a tenu un rôle essentiel.

@DR

Et c'est par les vibrations d'un instrument unique qui appartient à l'histoire même de la culture arménienne, le Duduk, que la beauté de cet autre monde nous parvient.

Dès les premières mesures par son chant envoûtant il nous guérit de nos blessures permettant à nos cœurs de nous abandonner à nos émotions sans en souffrir. Il nous suffit d'entendre la douce plainte de cet instrument pour devenir à notre tour, sensible à son univers secret et grave.

Jordi Savall a souhaité rendre un hommage tout particulier à sa muse en enregistrant la musique d'un peuple dont elle a profondément aimé la culture et ses instruments au souffle divin.

La culture fut un lien essentiel pour ce peuple, à qui aucune tragédie ne fut épargnée, pour parvenir à maintenir son unité et ce malgré les massacres, les destructions et la diaspora, sans compter les drames provoqués par les séismes qui secouent cette région du monde.

Si en Europe aujourd'hui, le génocide de 1915 est aujourd'hui connu voir reconnu, l'histoire de cette civilisation vieille de plus de 3000 ans est d'une richesse bien souvent insoupçonnée. Sur le mont Arafat qui domine l'Arménie, la légende veut que Noé vînt s'échouer et que le souffle de Dieu permît aux eaux qui avaient ravagé la terre de diminuer. Depuis l'antiquité entre instabilité géologique et turbulences politiques, l'Arménie même dépouillée de ses terres, a maintenu son unité intellectuelle, son âme, envers et contre tout grâce à sa foi chrétienne et à la magie envoûtante de ses légendes, de ses histoires et de sa musique.

armenie.jpgC'est aux sources même de cette musique arménienne que Jordi Savall, a trouvé son inspiration. Dans un recueil de chansons publiées en 1982 par le musicologue Nigoghos Tahmizian, il a découvert des mélodies dont il offre ici une version instrumentale d'une grande magie. Il en reprend les textes en exergue dans le livret. Issu d'une tradition orale extrêmement éclatée en raison de la diaspora, les thèmes en sont divers. De la chanson de geste à la plainte de l'exilé, des jeux amoureux à l'hommage à la beauté du monde, toutes ses mélodies ont un commun leur identité. Je ne peux que vous conseiller la lecture du livret extrêmement soigné et complet qui accompagne cet enregistrement pour mieux en comprendre la construction.

jordi-savall.jpgQue dire de l'interprétation, si ce n'est que du début à la fin du CD, on se sent emporté dans un autre monde. Celui d'horizons infinis où le regard se perd et où l'âme s'apaise. La fascination ensorcelante qu'exercent les duduks nous emporte aux frontières de la conscience comme aux frontières des mondes connus, avec l'envie de les dépasser sans crainte. Ici le corps oublie et nos esprits peuvent partir en quête d'une vérité qui n'a guère besoin des mots pour s'exprimer. L'on cède et se laisse séduire par l'onirisme de la musique. Jordi Savall sur différents instruments (rebec, dessus de viole, vièle à archet) nous dévoile le monde des "cueilleurs de dragons", celui des "dix mille sources" où nous pouvons désaltérer notre soif d'amour. Son archet ainsi que celui de Guhuik Mouradjan au Kamantcha, comme le souffle des joueurs de duduk (Georgi Minassyan, Haïg Sarikouyoumdjian), ou le rythme des percussions et des tambours laissent "s'épanouir les fleurs". Grâce aux musiciens les pluies dévastatrices deviennent une rosée aussi claire que le cristal. La brise suave, sensuelle et caressante de la musique nous aide à dépasser le chagrin et à poursuivre notre route vers cet inconnu qui nous attend, tout là - bas, loin très loin et où de nouveaux amis sauront nous accueillir.

Par Monique Parmentier

1 CD Alia Vox AVSA 9892 Durée : 76'53'' - Code Barre : 7 619986 398921 - Enregistré à la Collégiale de Cardona (Catalogne) les 29 et 30 mars et 8, 9 et 25 avril 2012 par Manuel Mohino

 

Crédit photograpique : Montserrat Figueras, Jordi Savall et le Mont Erevan © DR

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Gli Incogniti : un amour vivaldien

9 Octobre 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

3760009293106.jpgVivaldi - Concerti : Nuova Stagione

Gli Incogniti - Amandine Beyer

Après l'inoubliable enregistrement chez ZZT l'année dernière des Sonates et Partitas de Bach, Amandine Beyer nous revient avec ses ami(e)s Gli Incogniti. C'est avec ces derniers en 2008 qu'elle nous avait offert la version la plus follement baroque des Quatre saisons du Prete Rosso. Elle nous faisait alors redécouvrir un chef-d'œuvre qui avait été voilé par plus de deux siècles de poussières puis d'interprétation romantico-glamour, loin des orchestres symphoniques et des mises en attente téléphoniques. C'est donc tout naturellement qu'elle retrouve en leur compagnie le maître de la lumière italienne. 

Que dire de ce nouveau CD si ce n'est tout d'abord qu'il respire la joie de vivre, l'enthousiasme de musiciens dont la passion est avant tout le maître mot. Certes, certains pourraient être tentés de comparer ce disque avec le Bach et trouveront la musique de Vivaldi bien "faible". Mais c'est là toute la fantaisie et le talent d'Amandine Beyer et de ses amis que de nous persuader sans difficulté combien cette musique pétillante, énergisante et parfois si contemplative est avant tout celle d'un bonheur assumé.
On retrouve toujours avec joie cet ensemble à géométrie variable mais composé de musiciens dont la présence même est liée à sa création. Si tout le monde connaît Amandine Beyer, cette dernière depuis longtemps rêvait de nous faire découvrir combien ses compagnes et compagnons méritaient d'être reconnus pour leurs talents de solistes. Grâce aux choix des 8 concerti (dont deux sont en première mondiale) pour violon, orgue, traverso et violoncelle tous peuvent ainsi nous charmer par les couleurs somptueuses qu'ils déploient.

Ils ont tous si parfaitement assimilé cette liberté extrême que leur offre Vivaldi à travers la structure du concerto, que l'on ne parvient plus à savoir qui du compositeur ou des musiciens est le plus spontané, le plus radieux et au bout du compte si quelque part nous ne sommes pas en présence du Prete Rosso et de ses musiciennes de la Pietà pour qui il composa une part essentielle de ses œuvres 

Le chatoiement des instruments fait de cet enregistrement un véritable joyau. La complicité unique qui lie les musiciens leur permet de faire de ces joutes musicales des instants de grande intensité qui nous emportent dans un mouvement ascendant jubilatoire.

Il n'est que d'entendre dans le concerto d'ouverture pour orgue et clavecin RV 808 le dialogue volubile entre le violon d'Amandine Beyer et l'orgue d'Anna Fontana pour devenir sensible à la sensualité si radieuse du Prete Rosso. Elles nous font percevoir combien cette musique dont l'ambition est de nous emporter dans un tourbillon de virtuosité de couleurs est essentielle à la vie.

Anna Fontana dispose ici d'un rôle de soliste qui lui permet de dépasser son rôle de continuiste en faisant chanter l'orgue et en nous révélant toute la poésie et la légèreté d'un instrument d'habitude relégué à un rôle moins brillant.

Que ce soit ensuite au violoncelle Marco Ceccato un autre habitué des Incogniti ou Manuel Granatiero au traverso, invité pour l'occasion, ainsi que l'ensemble des autres musiciens, tous nous révèlent une personnalité qui leur permet tout à la fois de s'associer pour mieux jouer des couleurs et des rayons de lumière tout en en apportant à la palette vivaldienne un caractère bien affirmé. Tendresse, mélancolie, nostalgie surgissent ainsi de phrasés délicats et pourtant d'une vélocité diabolique. Voici un CD qui balaiera la tristesse de l'automne d'un geste d'archet.

Qu'il soit rendue grâce à la prise de son d'être à ce point ample, naturelle et précise, elle préserve et sert ainsi l'extrême humanisme d'une virtuosité soyeuse et heureuse. 

 

Par Monique Parmentier

1 CD ZZT/Outhere Durée : 73'47'' Réf ZZT310 - Enregistré des 17 au 21 septembre 2011 en l'église romane de S. Pedro de Rates (Pôvoa de Warzim, Portugal)

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