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Le blog de Susanna Huygens

Giacomo Torelli : un scénographe maître de l'art de l'irrationnel

27 Mai 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Dossiers Musique

carton_invitation.gifDécouvrir un univers où tout est possible, où le merveilleux règne, où musique et arts de la scène vous enchanteront, c'est à cela que vous invite le Signor Torelli, à un voyage au cœur de l'imaginaire baroque.

C'est à la Grèce antique que nous devons l'étymologie du mot "scénographie" : puisque que la "skênegraphia", désignait le décor, réalisé au moyen de panneaux peints, représentants des architectures. Giacomo Torelli fut le créateur de la scénographie "moderne"

 

 

Au XVIIe siècle, la scénographie tant en Italie pour l'opéra qu'en France pour le ballet de cour, tient une place essentielle dans les œuvres proposées au public. Elle lui offre des univers oniriques où l'impossible est roi. Dans ces spectacles, la quintessence de ce goût pour le rare et l'irrationnel qui caractérisent si bien l'esprit baroque s'exprime en une fusion totale de la musique et des arts de la scène, suscitant l'émerveillement, la surprise et l'émotion.

torelli.jpgSi j'ai déjà eu l'occasion de vous parler de certains des compositeurs, tel Francesco Cavalli qui fut à l'origine de l'opéra public à Venise, j'ai eu envie de vous évoquer non seulement celui qui fut l'un des plus grands scénographes du XVIIe siècle, Giacomo Torelli, mais également au passage, d'autres personnages moins connus tel Gissey, le costumier des premiers ballets de cour de Louis XIV.

Torelli avec Cavalli a en commun d'avoir séjourné en France. L'un comme l'autre ont eu une forte influence sur les évolutions du théâtre lyrique. Tous deux après un succès qui fût plus éphémère pour Cavalli regagnèrent l'Italie où ils finirent leurs jours.

 

Epouse-Torelli.jpgGiacomo naquit le 1er octobre 1604 à Fano, ville qui se situe sur les côtes de l'Adriatique où il mourut également en 1678. Il appartenait à une famille de petite noblesse. On ignore encore aujourd'hui dans quelles circonstances il fit le choix de devenir ingénieur. Il épousa le 20 novembre 1660 une parisienne de petite noblesse Francesca Sué.


Programme-fano.jpgSon premier spectacle dont on sait peu de chose date de 1633 à Fano et fut donné à la demande d'un noble répondant au nom de Gabrielli. Deux ans plus tard, il créa sa première société de spectacle avec un certain Giovan Francesco Bertozzi. En 1637, il monte alors la pastorale Filarmindo de Ridolfo Campeggi (1565 - 1624) toujours à Fano.

 

Les années vénitiennes.


IncognitiCrestS.jpgIgnotoDeo.jpgPour des raisons probablement politique, il quitte sa ville natale entre 1639 et 1640 et s'installe à Venise en 1641. Il y ouvre le Teatro Novissimo grâce à l'aide de ses amis de l'Accademia degli Incogniti, dont il est l'un des membres. Ce qui est une des nombreuses singularités de cette salle. Car contrairement à tous les autres opéras vénitiens, elle n'est donc pas le fruit de la volonté de paraître d'une famille patricienne, mais née de la complicité d'un ensemble de jeunes nobles de la Sérénissime. Bien au-delà d'une amitié de confrérie, tous ont en commun la volonté de célébrer la gloire de la Sérénissime.

 

s22torelli1 bellerofonteVenetia-edificata.gifAvant de continuer j'aimerais m'arrêter un cours instant sur l'Accademia degli Incogniti, car son rôle fut vraiment fondamentale dans l'apparition de l'opéra commercial public. Elle fût fondée en 1630 par le patricien Giovanni Francesco Lorédan (1607-1661). Les sujets des discussions entre membres de l'Accademia pouvaient aussi bien porter sur des questions relatives à la relation entre corps et âme, que sur la puissance des larmes à l'opéra, pour mieux en exprimer la puissance des sentiments amoureux. Ils eurent pour objectif de se livrer à une véritable propagande antipapale favorable à Venise.

Cette Académie fut fortement influencée par l'enseignement de Cesare Cremonini (1550-1631), professeur de philosophie à l'Université de Padoue. Ce philosophe eut de nombreux problèmes avec l'inquisition. Sa vision aristotélicienne du monde, en faisait un sceptique prêchant l'importance de "l'ici et maintenant" et de la valeur du plaisir qu'il plaçait bien au - dessus de la morale chrétienne.

  Cadmus et HermioneOn comptait parmi les membres de l'Accadémia de nombreux acteurs de la vie politique mais plus encore de la vie musicale vénitienne. Parmi eux Giulio Strozzi ou Gian Francesco Busennelo qui écrivirent de nombreux livrets d'opéra pour tous les compositeurs vénitiens dont Monteverdi. C'est à Busennelo que nous devons le Couronnement de Poppée. On y trouvait également un personnage particulièrement intéressant, le Marquis Pio Enea degli Obizzi (1592-1674) auteur d'un opéra monté à Padoue en 1636 dont le livret repose sur l'histoire de Cadmus et Hermione (que Lully devait mettre en musique en 1672 sur un livret de Philippe Quinault) l'Ermiona (sur une musique de Sances).

L'Accademia degli Incogniti su faire connaître le Novissimo en se donnant des moyens pour le moins moderne. La publicité en faisait partie. Ces membres firent également imprimer les livrets avant chaque représentation. Ils avaient avant tout une vision politique de l'opéra tendant à affirmer la splendeur de Venise par les arts et tout particulièrement la musique.

09farnese-platea_parme.jpgS'il ne nous reste même aucune gravure, ni plan du Novissimo, du moins savons nous un certain nombre de chose de cette salle, notammachine1JPGment qu'elle était en bois et disposait de cinq cent places construite selon les plans de Torelli lui-même. Ce dernier souhaitait y faire la preuve de son génie  et y montrer toutes ses nouvelles inventions en matière de machineries. Contrairement aux trois salles qui l'ont précédé c'est une salle neuve construite pour l'opéra ("eroiche opere, solamente in musica, e non commedie"). D'où son nom, Teatro Novissimo.

Anna Renzi

Elle est inaugurée le 14 janvier de cette année là avec la Finta Pazza (La Folle supposée), un drame de Giulio Strozzi (1583 - 1652) sur une musique de Francesco Sacrati (1567 - 1623). (Signalons au passage que Giulio Strozzi a écrit pour Monteverdi le livret de la Finta Pazza Licori, dont la musique est perdue, mais qui ne fut probablement jamais terminé. Pour cet opéra Monteverdi, avait particulièrement travaillé, l'interprétation de la Folie, pour lui essentielle. Des lettres qu'il a adressé à son librettiste, nous en apportent le témoignage). Des musiciens romains furent embauchés pour l'occasion. Et la première "prima donna" de l'histoire, Anna Renzi (c 1620 - après 1660) faisait partie de la distribution. Elle y tenait le rôle de Deidamia. Elle eut une brillante carrière ("e perfettissima voce") et créa le rôle d'Ottavia dans l'Incoronazione di Poppea. Plusieurs librettistes écrivirent spécialement pour elle, dont Giulio Strozzi avec la Finta Pazza et en 1644. Un livre écrivant ses louanges fut spécialement écrit à sa gloire. 

Livret_Finta_Pazza.gifLa Finta Pazza (voir livret original en ligne) fut donc le premier opéra qui fut monté au Novissimo. On peut le considérer comme le modèle de l'opéra vénitien par excellence. On y trouve tout ce qui caractérise le genre et que l'hiver dernier, l'Egisto de Cavalli dans la mise en scène de Benjamin Lazar avec le Poème Harmonique sous la direction de Vincent Dumestre, nous a rappelé et que la Calisto du même Cavalli, dans la belle mise en scène d'Herbert Wernicke sous la direction de René Jacobs nous avait permis de découvrir en 1993 .

D'un côté le burlesque, emprunt parfois d'obscénité tient une place non négligeable dans l' œuvre. Par ailleurs, les machines permettent de créer deux niveaux ou hommes et dieux partagent les mêmes affects. Ils se déplaçant tous de l'un à l'autre, semblant ainsi rompre avec les lois d'un monde jusqu'alors en parfaite harmonie. Entre le niveau terrestre qui est le monde des humains et le niveau céleste, celui des divinités, des passages y deviennent possibles, brisant ainsi des lois ancestrales. Enfin la scène de folie tient une place essentielle dans le livret.

s22torelli1 bellerofonteGiacomo Torelli, montre dans cette salle tout un savoir-faire qui prend en compte toutes les contraintes du lieu. A Venise, impossible de faire disparaître les décors sous la scène, c'est de la hauteur et de la profondeur qu'il joue. "Ses inventions sont nombreuses, en particulier sur les machines où son expérience d'ingénieur naval lui permet d'imaginer des systèmes permettant de créer l'illusion, des changements à vue rapides, des effets de perspectives et les "gloires", qui permettent de faire voler et se mouvoir dans les airs les acteurs". Ils sait enfin utiliser les éclairages avec subtilité, permettant des transitions en douceur entre les différentes scènes.

 

s23torelli4-copie-1.jpgS'il ne reste aucune image de la Finta Pazza, Torelli devait par la suite faire imprimer afin de les faire diffuser des gravures des différentes scènes des spectacles, dont celles du Bellerofonte qui suivi la Finta Pazza au Novissimo. Mais l'on sait par une publication de l'époque (Le Cannocchiale de Maiolino Bisaccioni, un noble gênois) qu'elles furent élaborées, riches en effets visuels.

s24torelli2-copie-1.jpgBellerofonte fut l'autre grande production du Novissimo. L'auteur du livret, Vincenzo Nolfi était lui-même un gentilhomme de Fano, la ville natale de Torelli. La musique fut composée par Sacrati. Les toiles furent réalisées par le peintre Domenico Bruni de Brescia (1600 - 1666). Bellerofonte fut conçu pour le théâtre à machines, en fonction des désirs de Torelli. Une distribution à la hauteur de l'événement en provenance de toute l'Italie fut réunie. Pour montrer l'importance de ce grand moment artistique, le prince Matthias de Médicis prêta le contralto Michele Grasseschi. La soprano Anna Renzi faisait bien évidemment partie de la distribution. Avec 8 décors et sept machines, cette production fût somptueuse. Le succès fut immense et Bellerofonte connût plusieurs reprises à travers toute l'Italie et les décors furent gravés par Giovanni Giorgi.

 

s25torelli5-copie-1.jpgUn certain nombre des complices de la création quitte après Bellerofonte le Novissimo pour retourner au Teatro San Giovanni e paolo (Strozzi et Anna Renzi en font partie), mais Torelli y monte encore Venere Gelosa dont il fait publier les images. Cet opéra fut composé par Sacrati sur un livret de Niccolo Enea Bartolini. En un prologue et trois actes, comme son titre l'indique, Vénus amoureuse y perd la raison, constamment sujette à des crises de jalousie.s27torelli6-copie-2.jpg

 

Il réalise également à la même période la scénographie d'un Ulisse Erante pour le San Giovanni.

Il achève son travail pour le Novissimo avec Deidamia. Il s'agissait d'une tragédie dont le livret fut écrit par Scipione Errico (Messine 1592 - 1670), un poète appartenant au courant marriniste et membre de l'Accademia degli Incogniti. La musique était de Francesco Cavalli. Deidamia fut présentée au public du 5 janvier au 30 mai 1644 puis redonnée à Florence le 8 février 1650. Ce fut à l'époque un véritable triomphe pour Torelli. Cette tragédie fut considérée à l'époque comme l'aboutissement de tout le travail réalisé par ce dernier au Novissimo. L'histoire présente des situations à la limite de l'improbable et l'on peut y voir un véritable manifeste de la "bizarrerie baroque". Seul Haendel devait également par la suite reprendre le scénario de cet opéra.

Geant2Le Novissimo qui passait pour le théâtre d'opéra le plus novateur de son époque, dès sa construction, ne connut que cinq saisons et fut fermé en 1645. Les propriétaires du Novissimo n'ayant probablement pas les moyens d'assurer le renflouement de la salle ruinée en partie par les extravagances de Torelli. Détruit, il fût d'abord remplacé par une autre salle de spectacle qui à son tour devait disparaître. Aujourd'hui on trouve sur son emplacement l'Ospedale Civile SS Giovanni e Paolo.

Quant à la carrière de Torelli, elle va connaître un tournant... Il va devenir le Grand Sorcier, au royaume du Roi Soleil.

Un second article reviendra sur sa carrière en France. Et j'enrichirais cette première partie avec le temps.

Bateaux_venitiens.jpgSources : 

- Actes du colloque (en italien) consacré à"Giacomo Torelli : L'invenzione scenica nell'Europa barroca" qui s'est tenu à Fano du 8 juillet au 30 septembre 2000

- Per Bjurström (1928) : Giacomo Torelli and stage design

- Jérôme de la Gorce : Divers ouvrages et articles

- Décorations et machines aprestées aux nopces de Tétis, 1654, ballet royal, BNF/Gallica, illustrations Israël Sylvestre

 - Feste theatrali per la Finta pazza, drama del sigr Giulio Strozzi, (texte imprimé et gravures en fin de volume) - 1645, BNF/Gallica, illustrations : Noël Cochin, (1622 - 1695)

- Dessein de la Tragédie d'Andromède de Corneille représenté sur le théâtre royal de Bourbon contenant l'ordre des scènes,la description des théâtres et des machines (de Giacomo Torelli) et les paroles qui se chantent en musique - 1650 - BNF/Gallica

- Olivier Lexa, L'Eveil baroque chez Karéline

 

Iconographie tous Droits réservés sauf indications contraires :

- Carton d'invitationTeatro S. Giovanni Grisostomo. Venice, Biblioteca del Civico Museo Correr

- Portraits de Torelli et de son épouse à la Pinacoteca Civica à Fano. 

- Gravure du fascicule réalisé par Torelli pour Filarmondo à Fano (1637)

- Degli Incogniti - Cantate, Ariete a una, due & tre voce de Barbara Strozzi publié chez Gardana à Venise en 1654

- Gravure Bellerofonte par Giovanni Giorgi avec Venise en toile de fond

- Venetia Edificata par Giulio Strozzi

- Cadmus et Hermione production du Poème Harmonique photo : E. Carecchio

- Théâtre Farnèse à Parme - Modèle pour un triomphe d'Amalia Castelli à Milan à l'Accademia di Belle Arti et Brera

- Anna Renzi, gravure, Venise 1644 extrait du livre Le glorie de la Signora Anna Renzi romana parJacobus PecinusVenetus Venice, Fondazione Scientifica Querini Stampalia

- Frontispice du livret de la Finta Pazza

- Porte de la Cité avec Venise en toile de fonds Acte I, scène 1 et 3 de Bellerofonte - Gravure réalisée par Giovanni Giogi en 1642 - Ile de Magistea (ile de la Chimère) Acte II, scène 3 - Grotte d'Eole Acte 1 - Scène 11

- Venere Gelosa - Peinture à l'huile sur toile anonyme - Cité de Nasso - Acte II, scène 1 à 7 et Acte III, scène 5

- Deidamia - Prologue, Statue d'Hélios à Rhodes - huile sur toile

- Armoiries de Giacomo Torelli

(Les tableaux des scènes de Venere Gelosa et de Deidamia appartiennent à une série offferte au Musée de Fano par le Comte Gregorio Amiani. Elles furent données à sa famille  par les descendants de Torelli).

Armoiries.jpg

 


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Bach drama

20 Mai 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Visuel_drama.jpgJohan Sebastian Bach. Drama

 

Je comprends que certains n’aiment pas Bach. Y a t il un autre génie de cette trempe qui fait mieux que quiconque tout ce qu’il fait ? Cette étrange perfection formelle, alliée à la splendeur de l’écriture virtuose, la richesse des rythmes de danse, les instrumentations variées, l’appui constant sur le texte même dans les da capo tout est proche de la perfection. Aucun genre ne lui est étranger. Ceux qui le cantonnent dans la splendeur du genre sérieux vont en être pour leurs frais avec ce coffret, car le genre sinon comique du moins humoristique tient en trois œuvres des exemples de choix.

Ainsi le label Ambronay a fait confiance à sa découverte, le sémillant Leonardo Garcia Alarcon, pour recréer des œuvres profanes de Bach. Ces dernières sont écrites pour des événements « mondains » anniversaires, récompenses ou défis musicaux. Le Café Zimmermann qui avait aussi une salle de concert et un jardin en plein air servant l’été de salon de musique est probablement le lieu dans lequel ces œuvres ont été répétées et données en première audition entre cafés, bières et peut être chocolats et vins. Une ambiance amicale régnait et Bach n’était pas le dernier à trinquer nous assure Gilles Cantagrel qui signe un très beau texte accompagnant. Garcia Alarcon lui, justifie une admiration totale pour ces œuvres du cantor, alors que si tout n’est pas du niveau du sublime, rien n’est en dessous de ce qui est fait à l’époque. Ces trois cantates dramatisées, de style profane, sont composées sur des livrets en allemand pas forcement fins.

La dispute rhétorique entre Pan et Apollon est un peu raide et la victoire de la musique savante sur la musique populaire est abrupte. Car les airs sensés départager les deux divinités musicales sont de grandes qualités chacun. La fausse colère d’Eole est surtout l’occasion d’un chœur virtuose des vents à la riche orchestration du plus bel effet. La troisième cantate se veut édifiante, Hercule expliquant son choix entre Volupté et Vertu. La simplicité des livrets est contrebalancée par la richesse des partitions. Les chœurs sont splendides et les airs parfois d’une beauté saisissante et d’une virtuosité opératique. Les récitatifs sont concis et pas trop convenus. L’orchestration utilise tambours, timbales, trompettes, hautbois, basson, luth et cistre ainsi que nombreuses cordes, orgue et clavecin. C’est une des plus vastes palettes de couleurs envisageable. L’utilisation humoristique du basson est particulièrement réjouissante.

Les jeunes chanteurs choisis sont tous efficaces avec une mention particulière pour le ténor élégant et virtuose de Fabio Trümpy. Le chœur de Chambre de Namur est très à l’aise dans les grands portiques choraux comme dans les moments plus modestes. L’orchestre avec en Concertmeister Patrick Cohën-Akenine est virtuose et sensible. Rien n’a été lésiné afin de permettre une adhésion immédiate à ces récréations généreuses de partitions oubliées d’un Bach plus aimable entouré probablement d’étudiants. L’Abbaye d’Ambronay est le cadre qui a permis l’enregistrement des deux premiers drama mais c’est un concert capté par Arte qui est offert en DVD qui permet le mieux de percevoir l’engagement du chef qui dans un enthousiasme généreux, tous sourires dehors, dirige ses troupes avec gourmandise.

Le charme de Céline Scheen passe très bien à l’écran, son air de la volupté est admirable. Le ténor Fabio Trümpy a un port royal est une sûreté admirable dans les vocalises.

Tout est réuni pour convaincre que Bach a de l’humour et de l’esprit à revendre dans ces pièces de circonstance pour lesquelles il a osé utiliser un orchestre volumineux.

Ancêtre des Singspiel ces Drama sont porteurs d’une véritable théâtralité. Mais des chefs géniaux comme Gardiner nous avaient déjà convaincu dans son intégrale Live des Cantates en 2000 que Bach a écrit, malgré l’interdiction, de la musique d’opéra.

La prise de son fait de son mieux avec l’acoustique un peu floue de la Basilique d’Ambronay.

 

Par H S

 

 

Der Streit zwichen Phöbus und Pan, BWV 201

Der Zufriedengestelle Äolus, BWV. 205.

Die Wahl des Hercules, BWV 213.

Christian Immler, Alejandro Meerapfel, Céline Scheen, Clin Van der Linde, Fabio Trümpy, Makoto Sakurada,

Chœur de Chambre de Namur

Les Agrémens

Direction Leonardo Garcia Alarcon

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Venise, un rêve baroque

13 Mai 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Divers

Venise_visuel-copie-1.jpgVenise, l'éveil du baroque

Olivier Lexa - Karéline

 

Venise a toujours fait rêver. Elle est une ville unique par ses particularités tant géographique, historique que sociale. Ouverte sur le monde, curieuse, c'est une cité libre qui a toujours su revendiquer ses choix, faits au nom d'un sens inné du commerce. Consciente que seul le respect de la diversité pouvait permettre son développement, elle fût un refuge et un univers aux frontières aussi mouvantes que l'eau de sa lagune... Enfin et plus que tout, elle fût un théâtre, une scène à ciel ouvert. Elle sut tirer partie de son décor et de son esprit libre. Car c'est non seulement à Venise que naquit au XVIIe siècle l'opéra public mais également de nombreuses formes musicales qui donneront naissance à la musique moderne.

 

Olivier_lexa.jpgAlors que le Festival qu'organise le Venetian Centre for Baroque Music va entamer sa deuxième saison et que certains d'entre vous se rendront peut-être dans la Cité des Doges à cette occasion, il nous paraît opportun de revenir sur le livre/guide qu'Olivier Lexa, le musicologue français créateur et directeur artistique du Centre a publié l'année dernière pour accompagner et expliquer sa démarche. (Voir l'article sur la conférence qu'il a donné le mois dernier à la librairie de l'Autre Monde à Paris).

Grâce à ce guide vous pourrez visiter la Sérénissime avec un autre regard, une autre écoute de cet univers fait pour la fête, le songe baroque par excellence : l'opéra vénitien.


Dans Venise, l'éveil du baroque, Olivier Lexa vous adresse une invitation au voyage tout à la fois onirique et particulièrement bien documentée.

image2.jpegEmpruntant deux itinéraires musicaux, profanes et sacrés, il vous permet de découvrir à ses côtés cette ville aimée dont il partage l'âme. Les lieux qu'il vous révèle sont à la fois secrets et publics, ouverts à tous et pourtant bien souvent perdus. Ils en illustrent cette flamme ardente, cette vie qui se consume et qui au XVIIe et XVIIIe siècles embrasse en un dernier feu celle qui sera la Sérénissime pour l'éternité. Des photographies personnelles en noir et blanc réalisées par l'auteur, belles et mystérieuses, oscillent entre tableaux dont la palette n'est que reflets, courbes et mystifications.

 

Olivier Lexa vous retrace plus qu'une histoire, une vie intense, mouvementée dans ces lieux où vécurent, Monteverdi, les Gabrieli, Marini, Castello et jusqu'à Vivaldi dont il n'était plus joué dans les rues que les Quatre Saisons, il y a encore deux ans, tandis que tous les autres devaient compter sur les scènes du monde entier pour se faire entendre, alors que Venise leur préférait des musiques venues d'ailleurs et de périodes plus récentes.

 

image4.jpegDans cette ville où naquit également l'édition musicale contre-partie d'une liberté affichée de penser, l'opéra  connut donc ses premiers feux, tandis que la barcarolle fait chanter et miroiter ses canaux.

Ses théâtres d'opéra aujourd'hui disparus firent travailler des machinistes venu des arsenaux, qui redonnèrent plus que jamais le goût de la vie aux habitants de la Cité après plusieurs épidémies de peste mais également une passion immodérée pour la fête tandis que la découverte du Nouveau Monde et "le déplacement à l'ouest du centre géopolitique de l'Europe" avait amorcé son irrémédiable déclin économique.

s22torelli1 bellerofonteVenise vit et vibre, se passionne pour l'opéra. Tout d'abord celui des machines, que le Grand Sorcier Torelli a mis au service de la musique poétique et raffinée de Monteverdi et Cavalli, puis les exploits vocaux des castrats virtuoses et l'opéra seria. Mais Venise et ses théâtres qui à  tous les coins de rue se livraient à une surenchère qu'entretenaient les grandes familles patriciennes, aiment  également la musique sacrée, celle qui permet aux femmes dans les os pedali de créer l'illusion d'un paradis où des voix d'anges sensuelles transcendent la musique de Vivaldi.

Image5Vous lirez ce livre en vous promenant, que ce soit dans les rues et ruelles, et en suivant les canaux, de cette cité hors du commun, mais aussi chez vous, en imaginant et en écoutant ce monde enchanteur du théâtre en musique.

Je ne peux que vous recommander sa lecture, bien des mystères s'y dévoileront, rendant indispensable ce voyage unique. De ses palazzi à ses églises, de ses théâtres d'opéra à ses casinos, Venise y renaît à chaque instant de ses cendres.

 

 

 

Par Monique Parmentier

Karéline - ISBN 978-2-357-48-080-3 - 24  Euros

 

Photos de Venise réalisées par Olivier Lexa, reproduite ici avec son aimable autorisation et tous droits réservés pour le visuel du livre et la photographie d'Olivier Lexa, ainsi que pour le visuel du Bellerophon mis en en scène par Giacomo Torelli

 

Pour le programme du festival n'hésitez à vous rendre sur le site du Venetian Centre for Baroque Music, il se déroulera de juin à septembre 2012.

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For ever fortune

8 Mai 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Visuel.jpgFor ever fortune

Scottish Music in the 18th Century

Les Musiciens de Saint-Julien - Direction et flûtes : François Lazarevitch

Robert Getchell - ténor

 

La collection les Chants de la Terre chez Alpha, nous a déjà offert quelques merveilles. Que ce soit en musique contemporaine (Joël Grare avec Follow ou Paris Istanboul Shangaï, ou le Poème Harmonique interprétant la musique de Daniel Brel dans Quatre Chemins de mélancolie) ou en musique traditionnelle (comme avec les superbes albums du Poème Harmonique consacrés aux romances et complaintes de la France d'autrefois, Les Marches du Palais et Plaisirs d'amour, ou les albums de Tarentelle de Christina Pluhar).  

Ces musiques traditionnelles sont à nouveau à l'honneur, dans le CD, For ever Fortune, qu'ont sorti récemment les Musiciens de Saint - Julien. Cet ensemble qui n'a cessé depuis sa création par le flûtiste François Lazarevitch de s'intéresser à un répertoire d'autant plus délicat dans la restitution de son interprétation que sa notation et sa connaissance ne reposent bien souvent que sur des sources indirectes.  

Toutes les pièces que vous entendrez ici sont nées ou ont été notées entre le début du XVIIe siècle et la fin du XVIIIe siècle et en particulier par James Oswald compositeur de la chambre de George III qui fonda la société du temple d'Apollon à Londres. Il chercha à promouvoir cette musique traditionnelle écossaise où l'instrument de Pan trouve à côté de la lyre d'Apollon ses lettres de noblesse que les dieux lui refusèrent.

 

Invitation à danser, à s'enivrer de joie de vivre dans un compagnonnage amical, le répertoire proposé dans ce nouveau CD, est d'autant plus irrésistible, que les musiciens sont inspirés.

Aucune morosité ne résistera au charme qui émane de cet enregistrement. Les couleurs parfois rugueuses mais si vives de l'ensemble nous envoûtent par leur richesse éclatante et opulente. Violons, viole de gambe, Archiluth, théorbe, cistre et harpe nous ouvrent des horizons parfois tourmentés, d'une douceur quasi irréelle, ou d'une énergie vivifiante sans pareil. La flûte de François Lazarevitch nous ensorcelle et nous entraîne dans un rêve, quelque part hors du temps pour notre plus grand bonheur, et à l'Hümelchen (petite cornemuse) il évoque cette Ecosse où se mêlent des paysages arides au parfum des fleurs de bruyère avec une virtuosité enchantée. 

 

Les émotions qui naissent ainsi se mêlent en une subtile harmonie. Plaisir intense du violon dans Kennet's Dream où la scordatura en la mi fa, permet d'utiliser les effets en bourdon et d'augmenter les résonances de l'instrument, nous offrant une étrange mélodie, celle d'un songe inquiétant. Plaisir de l'onde qui court dans Benney side sous les doigts de la harpiste et les sonorités si sensuelles de la flûte. Mais également douleur dans la plainte de la viole, du théorbe et de la Harpe dans Moc Donogh's Willie au caractère si sombre et si intime.

Quant au ténor Robert Getchell, il savoure cette langue écossaise qu'il défend avec ardeur pour mieux, non pas la "restituer" (prononciation historiée) comme une sorte de monument, mais pour nous en offrir les délices ou l'âpre poésie.

Vous aimerez écouter et réécouter ces pièces qui chantent et dansent l'amour et ses revers (For ever Fortune), l'ivresse, la pauvreté et l'envie de s'enrichir, la vie et la mort, en vous donnant le sentiment d'entendre le vent souffler, tandis qu'au coin du feu, on se rassemble pour partager des moments d'intime bonheur.

Par Monique Parmentier

1 CD Alpha - Durée : 66'05 - Réf : Alpha 531

 

Pour vous procurer ce Cd, vous pouvez soit vous rendre à l'Autre Monde à Paris ou sur le site internet Outhere

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