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Le blog de Susanna Huygens

Une photo ... comme un souvenir d'enfance

20 Juin 2017 , Rédigé par Parmentier Monique

Copyright : Robert DoisneauJe suis tombée hier sur cette si douce photo de Robert Doisneau. Et les souvenirs d'enfance, d'été, de chaleur, de jeux et d'une fraicheur bienvenue, de jardins, de fourmis, d'abeilles, de papillons me sont revenus. Ce petit bassin de fer que ma mère remplissait d'eau pour nous rafraîchir et la cruche qu'elle nous déversait sur la tête. Dans les années 60 nos piscines et nos jeux étaient modestes. L'air miroitait, vibrait du vol des insectes. Nous pouvions le respirer à pleines gorgées. Merci à la vie de m'avoir donné ces si merveilleux souvenirs. Merci à Robert Doisneau pour ce chef-d'œuvre  de tendresse.

Par Monique Parmentier

Copyright : Robert Doisneau et ses ayants droits.

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L’accord et le silence qui de lui à moi faisait naître l’amour

9 Juin 2017 , Rédigé par Parmentier Monique

"Mer, cam­pagne, silence, parfums de cette terre, je m’emplissais d’une vie odorante et je mordais dans le fruit déjà doré du monde, bouleversé de sen­tir son jus sucré et fort couler le long de mes lèvres. Non, ce n’était pas moi qui comptais, ni le monde, mais seulement l’accord et le silence qui de lui à moi faisait naître l’amour". Albert Camus

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Que la vie en vaut la peine - Louis Aragon

5 Juin 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Poésie et Littérature

C'est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d'incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes

Rien n'est si précieux peut-être qu'on le croit
D'autres viennent Ils ont le cœur que j'ai moi-même
Ils savent toucher l'herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s'éteignent les voix

 

 

Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l'aube première
Il y aura toujours l'eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n'est le passant

C'est une chose au fond que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n'était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre

Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu'à qui voudra m'entendre à qui je parle ici
N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

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La Pellegrina

1 Juin 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Dossiers Musique

CE TEXTE EST INACHEVÉ ET DEMANDE UNE RELECTURE. J'ESPÈRE POUVOIR LE TERMINER RAPIDEMENT ET ESPÈRE QUE VOUS VOUS VOUDREZ BIEN, CHER LECTEUR ME PARDONNER.

La ville tout entière m’apparut comme un merveilleux décor aux couleurs inouïes, brillantes de mille formes et de mille promesses, et les actions de cette époque ressemblaient à celles que l’on représente sur scène en plusieurs langues, avec plusieurs personnages […] Et ne me contentant pas d’être devenu spectateur, je voulus devenir l’un de ceux qui jouaient dans la comédie et me mêler à eux » Le Tasse (Il Gianluca overo delle Maschere)

J'ai lu il y a quelques jours l'interview d'un jeune chef, parlant de la Pellegrina comme d'une découverte, une nouvelle œuvre lyrique à l'origine de l'opéra, nimbée de mystères.

S'il existe une œuvre de la fin Renaissance extrêmement bien documentée, lorsqu'on sait combien peu de choses sont, a priori, parvenues jusqu'à nous ou du moins le plus souvent de manière plutôt fragmentaires, c'est pourtant bien La Pellegrina. Et cela, parce que cette pièce de théâtre lyrique, ou plus exactement, cet Intermède (ou ces intermèdes musicaux), fût créée à l'occasion des fêtes du mariage de Ferdinand 1er de Médicis et de Christine de Lorraine en 1589. Les grands - ducs toscans n'avaient pas pour habitude de lésiner en matière de création artistique et savaient donner du lustre à leurs fêtes. Ferdinand n'y manqua pas, jusque dans la publication des "mémoires" de ces fêtes où figurait en bonne place La Pellegrina. Que la Pellegrina soit la "source" de l'opéra, ce serait exagéré de le prétendre, elle en est une étape.

Il s'agit à l'origine d'une pièce de théâtre de Girolamo Bargagli, un poète et homme de loi siennois. Elle fut écrite en 1579, mais lorsqu'en 1589, il s'agit pour les concepteurs des fêtes du mariage du Grand Duc de monter un spectacle à la gloire de la famille régnante de Toscane, ses thèmes retiennent l'attention et des pièces musicales sont donc intégrées. La pièce relate une série d'histoires tirées de la mythologie grecque et les époux vont être identifiés aux déesses et dieux.

Né à Sienne en 1537, Girolamo Bargagli, est l'aîné d'une famille de trois enfants, son père est un juriste. Il reçoit une éducation littéraire et artistique et une formation juridique qui font de lui tant un poète qu'un magistrat, un véritable lettré de la Renaissance.  Il a été membre de l'Académie Intronati, sous le pseudonyme "il Materiale" (le Charnel). C'était une société d'acteurs et d'auteurs humanistes. Toutefois, son activité essentielle est bien celle d'homme de lois. Il meurt en 1586, soit trois ans avant la création de sa pièce mise en musique. Bien évidemment son texte fait l'objet d'une adaptation par deux librettistes Giovanni de'Bardi (1534-1612) et Ottavio Rinuccini (1562-1621). Ce dernier est un poète et dramaturge auteur de nombreuses pièces de cour. Nous reviendrons sur Bardi.

Mariage de Christine de Lorraine et Ferdinand 1er @ BNF

Les fêtes du mariage de Ferdinand 1er de Médicis et de Christine de Lorraine, vont durer deux semaines et vont offrir aux invités et à la ville de Florence un spectacle total.

Ferdinand a d'abord été cardinal. Il hérite en 1587 du Grand - Duché de Toscane. Il est à l'époque connu pour son goût du mécénat, sa collection d'antiques et sa francophilie, alors qu'à l'époque l'influence espagnole est extrêmement prégnante en Toscane, il va encourager l'alliance avec la France, d'où ce mariage avec Christine de Lorraine (souhaité par Catherine de Médicis, dont elle est la petite-fille). On peut d'ailleurs signaler au passage que Ferdinand Ier en prince éclairé, inaugurera une chaire de mathématiques qu'il confiera à Galilée. Son règne débute donc, par des fêtes splendides, qui laisseront dans les mémoires, comme dans les archives, une trace très vive.

Copyright : @ DR

Pour les intermèdes musicaux de la Pellegrina pas moins de sept compositeurs vont être sollicités pour offrir à ce spectacle sa magnificence : Cristofano Malvezzi (1547-1597), Antonio Archilei (1543-1612), Emilio de'Cavalieri (1550-1602), Luca Marenzio (1553-1599), Giulio Caccini (1551-1618), Giovanni de'Bardi (1534-1612) et Jacopo Peri (1561-1633), alors que la scénographie est confiée à Bernardo Buontalenti (1536-1608). Ce dernier est un ingénieur militaire, architecte, peintre au service du Grand-Duc. Il a été recueilli par la famille de ce dernier, dont il a été le compagnon de jeu durant leur enfance. Il est à souligner que Ferdinand Ier fera construire au sein des offices le théâtre Mediceo qu'il confiera à son ami.

Florence, Firenze, c'est la ville qui a vu naître la monodie accompagnée, la ville des débats passionnés, des grands bouleversements musicaux, où l'on assiste à la "mise en forme" de l'opéra. Et si ces compositeurs qui participent à cette production de la Pellegrina sont parfois en profonds désaccords, tous, ou presque, sont membres de la Camerata fiorentina. Poètes et musiciens cherchent à redonner à la musique, la noblesse présupposée de la Grèce antique. Ils cherchent tous à recréer, retrouver cet art de la déclamation, recitar cantando, un rapport nouveau entre le texte et la musique, afin d'exprimer au mieux les affects. L'aristocratique déclamation de Belli s'oppose au beau chant de la sprezzetura de Peri ou Caccini. 

J Peri Orfeo dans Euridice @Bibliothèque centrale de Florence

Tous ces musiciens sont souvent considérés comme les précurseurs de Monteverdi et si pendant longtemps les historiens n'ont cité que Peri et ses deux opéras considérés comme les premiers du genre (Euridice 1600 et Dafné 1598), la redécouverte grâce à des enregistrements de toute beauté que l'on doit à plusieurs ensembles de musiques anciennes, font que désormais, l'ensemble des compositeurs ayant participé à l'élaboration musicale de la Pellegrina sont connus du public. Jacopo Peri (1561-1633) dont l'année de naissance nous indique qu'à l'époque il n'avait pas 30 ans, publie à cette occasion sa première œuvre, le n° 8 du Vème Intermède. Il s'agit d'un "aria con due rispote" (double écho). Il composa cet aria d'Arion pour une voix de ténor qu'il chanta lui-même. Compositeur, organiste et chanteur, c'est en 1588 qu'il était entré au service de Ferdinand, qu'il quitta en 1600 pour la cour de Mantoue. Il possédait un surnom Il Zazzerino. Monteverdi appartenait à la même génération que Peri, tout comme Emilio De'Cavalieri (1550 ? 1602 ?), instrumentiste, organiste, danseur et chorégraphe qui arriva à Florence en même temps que le duc, au service duquel il se trouvait à Rome durant le séjour de ce dernier auprès du Saint - Siège, en tant que cardinal. Cavalieri fut nommé inspecteur général des arts et des artistes à la cour de Toscane. Lui qui composa pour le mariage de Marie de Médicis et d'Henri IV en 1600, "Il dialogo di Giunone e Minerva" est influencé par les arts français. Le public d'aujourd'hui le connaît surtout pour la Rappresentatione di anima et di Corpo, (teaser enregistrement René Jacobs chez Harmonia Mundi). Il s'agit d'un drame sacré créé en 1600 et plusieurs fois enregistré par nos ensembles baroques et donné à la scène comme à Sablé par l'Arpeggiata en 2009, œuvre qu'avait enregistré cet ensemble chez Alpha en 2004.

Antonio Archilei (1543-1612) arriva de Rome en même temps que le Grand-Duc et Emilio De'Cavalieri, ainsi que son épouse Vittoria Archilei, la Romanina (vers 1555-v 1620), une cantatrice célèbre. Antonio était un luthiste à qui nous devons le madrigal introductif de la Pellegrina, Dalle più alte sfere.

Giulio Caccini (1543-1612) et Jacopo Peri (1561-1633) était tous deux installés Florence, tout comme Cristofano Malvezzi (1547-1599). Tous trois étaient non seulement compositeurs, instrumentistes mais également chanteurs. A Malvezzi nous devons la musique de L'Armonia delle Sfere. Il fût le maître de Jacopo Peri.

@Archiv des Grafen Heinrich Marenzi, Wien und Feldkirchen/Wikipedia

Luca Marenzio (1553-1599). N'est déjà plus à l'époque n'importe qui. Ses madrigaux édités dans toute l'Europe en font un musicien réputé. C'est à Rome qu'il se fait connaître au service du Cardinal Luigi d'Este comme compositeur de madrigaux. Il arrive à Florence en 1587 où il ne reste que peu de temps. Il est alors au service du Grand-duc Ferdinand Ier. Il repartira après le mariage de celui - ci à Rome.

Pour la Pellegrina, chaque intermède est le fruit de deux ou trois compositeurs qui travaillent ensembles : Ainsi Cavalieri travaillent sur le premier avec Malvezzi et le sixième, tandis que Peri travaille avec Marenzio et Malvezzi pour le cinquième et Caccini collabore avec Malvezzi et Bardi pour le quatrième.

 

Avant de vous décrire les intermèdes, ll me reste à vous parler de Giovanni de'Bardi (1534-1612) et Ottavio Rinuccini (1562-1621). Tous deux charger de la conception du programme musical, dont ils sont en somme les grands ordinateurs. Leur place au sein du creuset si ardent de la Florence musicale, mérite que l'on s'arrête sur eux. Comte de Vernio, Giovanni de'Bardi est tout à la fois écrivain, compositeur et critique d'art. Il est surtout le promoteur de la Camerata Fiorentina. Il est celui à qui nous devons le "recitar cantando". Via la Camerata, il va être le mécène qui va favoriser les recherches sur ce nouvel art qui devait aboutir à la naissance de l'opéra.

Ottavio Rinuccini (1562-1621) qui participa au - côté de Giovanni de'Bardi à la mise en forme du livret, était avant tout un poète qui devint librettiste, il participa activement à la vie des Camerate florentines et travailla également pour la cour de France. On lui doit les livrets de la Dafné de Peri en 1598 et de l'Euridice de Peri et plus encore de l'Arianna de Monteverdi, dont la musique, sauf le lamento, a été perdue.

La partition e la Pellegrina sera publiée à Venise en 1591.

Harmonie des sphères célestes, Intermède 1

Les histoires racontées ici vont permettre d'offrir au public des effets spéciaux impressionnants et de toute beauté. Telle l'Intermède 1, l'Armonia delle sphere. Sur des nuages des musiciens figurant les sirènes et les planètes chantent l'harmonie. Tandis qu'au loin apparaît la cité de Pise, au centre trône la Nécessité entourée des trois Parques. La rotation de son fuseau symbolise celle des sphères célestes et donc l'harmonie du monde. Cette vision céleste est accompagnée par le son cristallin du grand luth et le chant de Vittoria Archilei, l'épouse de Jacoppo Peri, deux chitarroni cachés au milieu des nuages se joignant à celle que l'on surnommait La Romanina. Puis entre la sinfonia instrumentale de Malvezzi et le chant polychorale des sirènes se crée un dialogue doux et élégant.

Apollon et les Muses - Intermède 2 - British Museum

L'intermède 2 : La Gara fra Muse e Pieridi, conte le défi des Muses et Piérides qui s'achève sur le triomphe des premières.

Pour la circonstance Luca Marenzio sur un poème de Rinuccini réalise une "sinfonia" interprété par deux harpes, deux lyres, une basse de viole d'une part et deux luths, un violino, une viole bâtarde et un chitarrone d'autre part. Un triple chœur à six voix chacun en est le point culminant de cet intermède.

L'Intermède 3 : Il combattimento Pitico d'Apollo (Le combat d'Apollon contre le python)

La musique en est attribuée à Marenzio. La scène figure le bois de Delphes. Des couples vêtus à la grecque y chante un double chœur accompagnés de violes, de flûtes et de trombones. Surgit le serpent python. Apollon apparaît pour le combattre. C'est dans cet intermède que la musique tente le plus de retrouver ce style antique, objet de la quête de tous ces compositeurs. Le discours musical et madrigalesque se fait grave. Le combat entre le dieu et le monstre est mimé et dansé, un ballo allegro clame la victoire divine avec un double chœur à huit voix.

Intermède 4 : La regione de' Demoni (L'antre des démons) : La vision céleste fait place aux enfers, ce que nous montre la gravure d'Epifanio d'Alfanio. Les démons y annoncent un nouvel âge d'or. Lucia Caccini qui s'accompagne au luth, personnifie le mariage sur son char. Elle appelle les démons à la sagesse, tandis que Platon apporte aux hommes le monde divin des idées. Lucifer et ses trois faces dévorantes, muni d'énormes ailes de chauve-souris est entouré de personnages infernaux. L'aria qu'interprète Lucia a été écrit pour la musique par Giulio Caccini. Accompagné par une basse continue, il marque une étape importante vers la monodie accompagnée. Nous devons le texte à Giovanbatisto Strozzi

Io che dai ciel cader

Scène des enfers - Intermède 4


farei la luna
a voi ch'in alto sete
e tutt'il ciel vedet'e voi comando
ditene quando il somm'eterno Giove
dal ciel in terra
ogni sua gratia piove.

 

 

Intermède 5 :  Il canto d'Arione (Le chant d'Arion). La musique de cet intermède a été écrit par Malvezzi. Arion dans la mythologie est fils de Poséidon (dieu de la mer) et de Cérès (déesse de l'Agriculture et mère de Proserpine). Cet intermède est donc placé sous le signe de l'eau. Amphitrite est interprétée par Vittoria Archilei, surnommée la Romanina et épouse du compositeur Antonio Archilai.

Elle apparaît en majesté venue des profondeurs, accompagnée de tritons et de nymphes. Elle chante les strophes d'un épithalame (un poème lyrique que l'on composait en l'honneur des mariés). L'on sait que parmi les instrumentistes accompagnant cet intermède l'on pouvait remarquer Alessandro Striggio (vers 1540-1630), futur librettiste de l'Orfeo de Monteverdi, fils du compositeur du même temps, auteur d'une messe à 40 et 60 voix, enregistrée par Hervé Niquet chez Glossa. Le fils s'accompagnait ici d'une se"arciviolata lira".

Amphitrite introduit une scène maritime où s'avance la nef d'Arion, chantant accompagné par sa lyre. Il est vêtu d'une veste rouge filigrané d'or. C'est le chanteur et compositeur Jacopo Peri qui l'interprète. Un chœur de mariniers lui répond célébrant dans l'allégresse sa mission accomplie.

 

 

 

Intermède 6 : La discesa d'Apollo e Bacco col Ritmo e l'Armonia. (La descente d'Apollon et de Bacchus avec le Rythme et l'Harmonie)

Jupiter envoie sur terre Apollon et Bacchus, porteurs du don de l'harmonie et du rythme. La musique se transforme en un hymne de joie. Le ciel s'ouvre sur une couronne de lumière qui laisse apparaître le Conseil des dieux, sous une pluie de fleurs. Divinités et personnages allégoriques reposent sur des nuées alors que sur scène se déroule une fête où dans la danse se rejoignent dieux et mortels. 

 

L'Harmonie préside cet intermède. Ce dernier est dominé par une masse chorale démultipliée, interprétant un madrigal à sept chœurs. Il est exécuté par 60 chanteurs et l'ensemble des instruments de Malvezi suivi par une partie chantée à l'unisson par tous les dieux, exprimant toute la splendeur de cette hyménée célébrer en ce jour glorieux.

Le ballet final d'Emilio Cavalieri, auquel participent les deux grandes interprètes féminines de l'époque - Vittoria Archilei, Lucia Caccin, qui interprètent une aria. Ce dialogue final entre les dieux et les humains, sur des paroles de la poétesse Laura Lucchesini de Guidiccioni parachève en beauté la Pellegrina.

Troisième intermède @ DR

Si celle-ci a marqué les esprits c'est évidemment parce que le spectacle fut magnifique, mais également parce que les archives en ont conservé la trace fastueuse. Il ne fait aucun doute, que la rencontre pour sa réalisation des musiciens et artistes les plus marquants de cette fin de la Renaissance, va influencer leurs recherches, pour recréer cet idéal du chant antique.

Mais il faut savoir qu'avant cela les villes italiennes ont connu le faste de fêtes, dont les archives ont disparu lors des guerres et la destruction totale ou partielle des archives de ces cités. Mantoue, Ferrare en font partie, au même titre que Florence. Il existe pour Ferrare des chroniques contemporaines des évènements qui relatent certaines de ces fêtes en 1561 et 1570. Ces spectacles éphémères qui faisaient de la ville un espace théâtrale ont eu une influence artistique non négligeable sur le travail des générations d'artistes qui les ont suivis. Le mariage d'Hercule 1er avec Eleonore d'Aragon en 1473 fût l'occasion pour la capitale de la famille d'Este d'offrir un espace théâtral d'envergure au faste et à la gloire de cette famille, où tout devenait possible, en particulier les jeux de scène les plus merveilleux. Des fresques aujourd'hui disparues du palais Belfiore devaient permettre d'en conserver la mémoire. 

@ARTstor Digital Library Costume Pan et sylvains

"Sur la scène était construite une architecture éphémère représentant une ville en perspective constituée de panneaux mobiles peints, démontables à la fin du spectacle. En guise de ciel, une grande voûte céleste reproduisait un ciel étoilé avec les planètes d'où descendait Jupiter sur un nuage grâce à un système mécanique, comme nous l'indique le chroniqueur de l'époque Bernardino Zambotti (fin du XVe siècle -1504/9)Ces décors de scènes étaient favorisés par des automates (inspirés des ouvrages de l'ingénieur grec Héron d'Alexandrie) qui seront utilisés tout au long du XVIe siècle avec une créativité toujours plus débordante. A la fin du spectacle, un feu d'artifice venait susciter l'émerveillement du public". A l'issue de cette fête, l'archiviste et bibliothécaire d'Hercule 1er écrivit un traité Spectacula qui tout au long des décennies suivantes influença les scénographes. Pour la musique, qui forcément devait accompagner ces spectacles, des recherches sont encore à faire. Probablement éphémères, ont - elles seulement été notées ? Ces spectacles étaient des pantomimes accompagnés de musique et de danses. Les années passant ces fêtes prirent de plus en plus de fastuosité.

Les Jardins d'après les cartons B DOSSI atelier H Karcher Les Métamorphoses d'Ovide @ RMN

 

Pour le mariage d'Alphonse 1er d'Este avec Lucrèce Borgia en 1502, l'on sait par un courrier d'Isabelle d'Este que plus de 5000 spectateurs s'émerveillèrent, témoignant ainsi de l'immense succès de ces festivités. Le spectacle devenant global, la musique et la danse y tenaient une place toujours plus importante, le duc décida en 1504 (La sala delle Comedie) de créer un théâtre qui devint la première salle permanente de la Renaissance. Les banquets y deviennent pour les Arts du spectacle des terrains d'expérimentation. Particulièrement raffinés, ils annoncent les grandes mises en scène des années 1560. Le traité que Cristoforo di Messibugo, que ce dernier dédie à Hyppolyte II d'Este nous permet d'en savoir plus sur l'évolution de l'espace théâtral. Toutes ces fêtes empruntent à l'univers carnavalesque son mélange populaire festif venant enrichir l'esprit humaniste antique dont se nourrissent les princes érudits.

Gravée par Orazio Scarabelli. Bataille navale au Palazzo Pitti

Parmi les éléments des festivités du mariage de Ferdinand 1er de Médicis et de Christine de Lorraine, il y eut certes la Pellegrina, mais également des entrées, des tournois et une immense bataille navale. Les moyens financiers sont mis au service de techniques qui doivent faire preuve d'une inventivité sans borne au service de la création artistique. Quoi de plus normal lorsqu'on sait que la magnificence de ces fêtes ont pour objectif de montrer la puissance des Médicis. Et il en est de même dans les autres villes d'Italie ou toutes les

@Metropolitan Museum of Art

familles princières régnantes ont un rôle politique et artistique fondamental. La concurrence que se livre les différents états italiens de l'époque en la matière a intensifié l'émulation de cette créativité qui ne connaît aucun frein, y compris et surtout financier. Les fêtes des Médicis constituent donc la démonstration des pouvoirs du Grand-Duc tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de leurs états. Et c'est l'ensemble de la société toscane qui est ainsi mise à l'honneur. Puisque jamais, le talent des artisans florentins n'aura ainsi été mis en valeur. Ces fêtes montrent à quel point, le pouvoir des Médicis n'est pas seulement politique mais également social, économique et artistique.

@Vienna, Kunsthistorisches Museum

Les défilés militaires, les banquets, les bals, les pièces de théâtre et la musique qui se succèdent sont autant d'affirmation du raffinement d'une société qui veut s'ériger en modèle. Ce tableau de Domenico Cresti Passignano, en est l'un des témoignages. Si les performances techniques ou artistiques sont incontestables, La Pellegrina n'est absolument pas conçue comme un manifeste, affirmant la création d'un art nouveau. C'est avec le recul qu'elle nous apparaît comme l'un des chaînons essentiels dans  cette période si riche devant conduire à l'idée de ce qui sera appelé à devenir l'opéra. Aucun compositeur durant cette période n'aurait probablement oser imaginer pouvoir sans un prince - mécène pouvoir reconduire une telle réalisation. Ni Peri, ni Monteverdi n'ont disposé de tels moyens pour monter leurs oeuvres, réservés aux fêtes princières,.

Entre gravures et dessins ces fêtes nous dévoilent leur splendeur.

Et si "mystères", il y a, c'est à ce brouillard du temps qui nimbe les souvenirs et donnent aux couleurs ce sentiment que nous percevons "d'étrange étrangeté".

Par Monique Parmentier

Les scènes  été gravées par Filippo Succhielli, à Sienne en 1589, d'après un dessin d'Annibale Carracci. -

 

La montagne des hamadryads - La Pellegrina

Sources : Walker, Musique des intermèdes de La Pellegrina, D. P., 1963, CNRS, Paris (réimprimé en 1986), consultable à la BNF

Van Nuffel, Robert O. J. : La Pellegrina, Revue belge de Philologie et d'histoire, année 1976, volume 54, numéro 2, page 667

 

AA.VV. - La scena del Principe - Firenze e la Toscana dei Medici nell'Europa del Cinquecento - Firenze 1980 (in particolare L.Zorzi - Il teatro mediceo degli Uffizi e il teatrino detto della Dogana - F. Berti - I bozzetti per i costumi)

 

La Pellegrina, texte et commentaires publié à Florence en 1971

La Pellegrina, texte édition originale

 

Musique de La Pellegrina à la BNF

 

Estampes par Jacques Callot éditée en 1619/1620 de la vie de Ferdinand Ier de Médicis dont son mariage

actuellement à la BNF - RESERVE BOITE ECU-ED-25 (4)

 

Julie Chaizemartin - Ferrare : joyau de la Renaissance italienne" de Julie Chaizemartin chez Berg international

Copyright : DR

 

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