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Le blog de Susanna Huygens

Venezia, une poésie envoûtante et sensible

27 Janvier 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel_venezia.jpgMax Emanuel Cencic

Venezia

Airs d'opéra de la Serenissime

 

C'est avec un tout jeune ensemble italien, né en 2012 que Max Emanuel Cencic nous revient, Il Pomo d'oro. Et disons le tout de suite cette rencontre est une réussite qui fait de ce CD une magnifique invitation à vivre des instants d'une musicalité et d'une sensibilité rare.

Depuis bientôt trois ans, le talentueux contre-ténor croate, monte des projets qui se sont dans leur grande majorité révélés bien plus que des succès, ce qu'ils ont été, de véritables révélations, redonnant un véritable feu, à une scène lyrique qui s'endormait, en produisant toujours les mêmes opéras. Prenant des risques, aidé en cela par une maison de production, Parnassus Arts Productions et un label Virgin Classics qui ont su accompagner sa créativité, il nous a redonné du plaisir et de la joie à nous rendre à l'opéra pour y découvrir de véritables raretés. Après Faramondo, Farnace et Artaserse, c'est un récital d'une grande poésie qu'il nous offre avec son nouveau CD, Venezia.

Certes nous ne manquons pas de ce type de récital au disque, mais celui - ci n'est pas seulement un exercice de haute virtuosité, il est un théâtre où s'exprime des affects d'une profonde et sublime mélancolie.

Le programme riche et varié est dédié à la musique vénitienne, à ses influences et à sa postérité. Autour d'un Vivaldi, on trouve ici des airs de compositeurs tels que ses maîtres Francesco Gasparini ou Tomaso Albinoni, mais également Antonio Caldara, le piacentais Geminiano Giacomelli, le napolitain Giuseppe Sellito et Giovanni Porta. Beaucoup de maîtres, aujourd'hui oubliés. Dans la Venise de la fin du Seicento et du Settecento, les mille et un reflets de l'Opéra, deviennent le chant du cygne d'une cité qui après avoir rayonnée, se sait condamnée. Cet art unique de la scène s'il est né à Florence, a trouvé au cœur de la Sérénissime, un public qui s'enthousiasme et vie avec intensité les drames qu'on lui propose. Lorsque Vivaldi naît en 1678, Venise compte six salles d'opéra en activité. Toutes appartiennent à des familles patriciennes qui se sont depuis le début du XVIIe siècle emparées de ce qui permet à la ville de briller encore et toujours.

Si bien évidemment Vivaldi ou Caldara semblent ne plus être des inconnus, il restera toujours quelques merveilles qui dorment dans les bibliothèques à redécouvrir, et qui sont la quintessence même de que ce l'auteur du livret, Frédéric Delaméa appelle avec beaucoup de justesse "l'illusion profane". Mais il faut aussi des interprètes de talent, pour rendre vibrante et poignante ces musiques dont certains disent qu'elles furent composées au kilomètre. Et plus que du talent, il faut également de la passion pour nous en faire percevoir, tout ce qui en fait la rareté et la beauté flamboyante et envoûtante.

Ce CD est une de ses rencontres uniques entre un répertoire et des musiciens inspirés.

Le timbre mordoré, la ductilité vocale de Max Emanuel Cencic, font merveille dans ces arias, qui dépassent ici la "simple" virtuosité.  Elle est acquise et dépassée et le contre-ténor nous fait atteindre ici une émotion si profondément bouleversante, par un legato infini, qu'elle nous emporte à la limite de l'inconscience, dans "Dolce mio ben, mia vita" extrait de Flavio Anicio Olibrio de Gasparini ou dans "Sposa... non mi consci" extrait de Merope du même compositeur. Et pas une des pièces de fureur, n'expriment réellement la colère, mais plutôt un désespoir déchirant, où sa tessiture unique et expressive, peint la noirceur du drame avec une gradation des nuances d'une subtilité à couper le souffle. On en veut pour preuve, "Io son rea dell'onor mio" extrait d'Argippo de Vivaldi ou "Mi vuoi tradir, lo so", du même, extrait de La Verità in cimento.

ricardo minasiIl est accompagné d'un ensemble qui aussi jeune qu'il soit, possède une luminosité et une palette de couleurs somptueuses, qui en fait une bien belle révélation. La direction de Ricardo Minasi est aussi chantante que son violon. Le si sublime dialogue qui s'instaure entre le chanteur, les théorbes et le violon dans "Pianta bella, pianta amata", extrait de Il nascimento de l'Aurora d'Albinoni, est à l'image d'une complicité souriante entre les musiciens et celui dont ils portent le chant au comble de l'émotion, sans jamais céder à la moindre facilité. Ici l'orchestre murmure, gronde, irradie, crée des climats évocateurs de ces univers multiples où se jouent les tragédies. Rien n'est surjoué, tout est d'une délicatesse sans maniérisme, mais à fleur de peau. Les larmes que laisse échapper la colère face à la honte d'y avoir cédé ou à la tromperie, redonnent vie à un théâtre d'une beauté fulgurante.

Le livret soigné et bien écrit, la prise de son moelleuse et d'une belle clarté sont autant d'atouts qui apportent à ce CD, un supplément d'âme, qui vous touchera à jamais.

 

 


 

 

 

 

1 CD Virgin Classics - Durée 63'26'' - Enregistré du 27 août au 3 septembre 2012 à la Villa San Fermo, Lonigo (Vicenza) Code barre 5 099946 454522

 

Riccardo Minasi © DR 

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Hombres de Maiz : les couleurs resplendisantes d'un autre monde

20 Janvier 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

VISUEL.jpgHombres de Maiz : l'âme italienne dans la musique mexicaine

Ensemble Lucidarium

Voici un CD idéal pour les journées d'hiver et dont la beauté et les couleurs resplendissantes enchanteront vos journées si grises et froides.

 

S'il s'agit avant tout d'une proposition artistique, d'une recréation de mondes disparus, Hombres de Maiz, repose sur des travaux de recherche précis qui ont permis de retrouver des sonorités probablement très proche de ces autres mondes disparus à jamais ou qui du moins aurait su plaire aux indiens Yaquis.

Certaines cultures des Amériques résistèrent parfois avec une réelle efficacité aux conquistadors espagnols. Elles furent aidées en cela par les jésuites, qui plutôt que de faire table rase cherchèrent à s'enraciner tout en garantissant à leurs missions une relative liberté. Ce qui ne fut possible qu'en gagnant la confiance des indiens. Ils permirent ainsi à deux civilisations que tout opposait de se rencontrer et de dialoguer. Et c'est la musique qui fut une fois de plus la langue universelle.

L'on sait que par les missionnaires les musiques européennes firent souches sur les territoires conquis et séduisirent les populations locales qui les adoptèrent, les transformant et les enrichissant de leur propre univers sonores. Le mode de transmission orale, propre à ces cultures, oblige toutefois les musiciens d'aujourd'hui à "reconstituer" ces instants uniques de partage et de tolérance, aidés en cela par les témoignages écrit que nous ont laissé les compositeurs jésuites eux-mêmes influencés par les musiques indiennes et les musiques traditionnelles encore vivantes dans les villages.

lucidarium2.1.jpgPar ailleurs des similitudes avec l'histoire d'autres peuples vaincus, du Mondo dei vinti, permet de donner un sens, à ce que nous raconte ici l'ensemble Lucidarium. Ainsi nous assistons à la découverte de la musique populaire italienne du XVIIe par un peuple, les "Yoeme" (le peuple), qui ne fut définitivement brisé que par la Révolution mexicaine, alors qu'il avait su s'opposer à la conquista. Je vous recommande la lecture de l'excellent livret qui accompagne ce CD, il vous donnera forcément envie de partir à la découverte de ces "nouveaux mondes" et des pistes à explorer pour en savoir un peu plus.

Quant aux choix musicaux et à l'instrumatarium retenus, ils sont tout simplement remarquable de sensibilité et de justesse. "Consacré aux musiques dites "mauvaises", aux chants anonymes des peuples d'Amérique latine, ceux qui s'appellent les "hommes de maïs" et aux musiques de leurs alter ego italiens, habitants modestes des campagnes et des villes, et en particulier ceux qui dans la Péninsule adoptèrent le maïs comme base de l'alimentation dès le XVIe siècle", le programme présenté ici se compose en quatre parties : la Bergamasca et ses voyages, les chants des mondes à l'envers ; Matachin, Matzi et autres guerriers et les chants de la Terre. Il nous emmène en un voyage dont l'exotisme n'a rien de pacotille, tant il relève du monde des songes et des légendes, de l'imaginaire fondateur des peuples.

Dès les premières mesures le charme agit... de la bergamasque à la tarentelle, de la poésie sensuelle la plus raffinée des chansons d'amours à la plus grivoise, mélodies et rythmes nous ensorcellent. Les harpes si fluides, les voix de caractères utilisent toutes les facettes de l'envoûtement avec un art consommé. Les trois chanteuses Gloria Moretti, Barbara Ceron Olvera et Marie-Pierre Duceau, nous invitent à à ouvrir les yeux de l'autre côté du miroir. Elles métamorphosent la réalité, aidés en cela par des musiciens engagés et talentueux, nous offrant des instants d'un onirisme tendre. Le mélange savamment dosé d'instruments occidentaux et d'Amérique (harpe veracruzienne, percussions), populaire ou de cours, donnent un sentiment de luxuriance irrésistiblement joyeuse. La cohérence du groupe respire le plaisir de jouer, exorcisant les peurs, les douleurs, la mélancolie. Flûtes, violons, instruments à cordes pincés de l'Ensemble Lucidarium illuminent la musique avec une rare ferveur.

Le prise de son naturelle est un vrai bonheur. Voici donc un CD que je vous recommande plus que chaudement, il fera fondre les cœurs les plus endurcis, les entraînant dans une folle danse, celle de la vie. Cette rencontre de l'Italie et du Mexique est pur bonheur.

Par Monique Parmentier

1 CD K617 - Durée : 64'23'' - Enregistrement réalisé du 9 au 14 avril 2011 à l'auditorium de Pinia (Corse) - REF K617228

 

Crédit photographique pour la photo de l'Ensemble Lucidarium : DR

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Plorer, Gémir, crier... Une interprétation vibrante et vivante

12 Janvier 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel2.jpgHommage à la "voix d'or", de Johannes  Ockeghem

De son vivant il connut la gloire et lorsqu'il disparut, ils furent nombreux à le pleurer. Un jeune poète, Guillaume Crétin, en appela à tous ses contemporains pour en célébrer l'éclat. Le plus grand humaniste de son temps, Erasme écrivit en son honneur, un poème mis en musique par un compositeur dont on sait peu de choses et qui conclut ce CD.

Johannes Ockeghem fut un maître du contrepoint, et la beauté de sa musique a traversé les siècles, faisant oublier sa personnalité controversée aussi bien de son vivant qu'après sa mort. Il servit trois rois de France et se vit attribuer par Charles VII la charge particulièrement importante, de trésorier de la collégiale Saint-Martin de Tours. C'était un personnage chicaneur et guère très sympathique. Qu'importe et c'est ce que démontre ce CD, son œuvre unique a profondément marqué son temps.

Pour nous faire ressentir à quel point la musique d'Ockeghem influença son époque et bien au-delà tous ceux qui le suivirent, Antoine Guerber a regroupé ici des œuvres composées en son honneur, avec une grande intelligence et élégance. Il redonne vie à cet hommage qui lui fut rendu longtemps encore après sa mort par le monde de la culture et des arts.

Et reconnaissons que ce CD ne pourra que vous faire aimer cette musique de la fin de l'époque médiévale, qui fait régner un doux apaisement et offre la consolation par sa luminosité si fervente. Bien souvent le public hésite à écouter de la musique médiévale, car c'est une musique que l'on dit "savante". Mais qu'elle le soit dans sa technique de composition, n'en fait pas moins d'elle une musique qui joue avec nos émotions, surtout lorsqu'elle est comme ici interprétée avec talent.

Les plus grands compositeurs, les plus grands poètes offrirent donc leur plume pour que vive la mémoire d'Ockeghem. Parmi eux l'on trouve Jacob Obrecht, connus avant tout pour son œuvre sacrée et dont vous entendrez ici la Missa sicut spina rosam qui peut avoir été composée avant la mort d'Ockeghem, mais en pensant et en s'inspirant de lui, puisqu'il intégra, dans sa totalité, la voix de basse du kyrie de la Missa Mi-mi dans la Missa sicut spina rosam et qui lui sert également de deuxième cantus firmus dans l'Agnus Dei.

Josquin des Près écrivit quant à lui sur un texte de Molinet le motet -chanson, Nymphes des bois/ Requiem, reprenant une déploration écrite par Ockeghem en l'honneur de Gilles Binchois à la mort de ce dernier.

C'est d'ailleurs un autre motet-chanson qui donne son titre à ce CD. Ecrit par Pierre de la Rue, Plorer, gemir, crier, donne libre court au chagrin et se révèle un hommage un peu plus intime, laissant les émotions les plus vrais s'exprimer. Et c'est aussi ce que révèle non la musique mais les paroles d'Erasme dans son poème, intitulé In Joannem Okegi musicorum principem Naenia, lui qui fait d'Ockeghem, « la voix d'or » de son époque. Entre la musique virtuose d'Antoine Busnoys, composée peu de temps après la mort d'Ockeghem et celle plus sage de Johannes Lupus, plus de 10 ans se sont écoulés et pourtant, la ferveur est toujours bien vivante.

L'interprétation incandescente de Diabolus in Musica rend à toutes ces musiques leur chaleur et leur naturel. L'alliage subtil des timbres, dont deux voix de mezzo-sopranos dans le credo de la Missa sicut rosa spinam, offre une palette sonore d'une richesse harmonique rare. Les dictions et articulations soignées transcendent les textes et nous emportent vers l'oubli des sphères célestes où l'âme s'apaise.

La prise de son irréprochable favorise un fort sentiment d'intériorité envoûtant.

Il n'y a que quelques ensembles de musique ancienne et tout particulièrement médiévale, qui parviennent à un tel sentiment de plénitude. Diabolus in Musica a toujours su mener ses projets dans un profond respect des sources, mais en sachant garder à l'esprit que la musique est avant tout un art vivant et vibrant. N'hésitez donc pas à découvrir avec eux ces répertoires trop rarement défendus.

Par Monique Parmentier

DIABOLUS IN MUSICA. 1 CD AEON/Outhere - Durée 57'22'' - Code barre : 3 760058 360262

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Pro Pacem, un appel au désarmement et à la paix

5 Janvier 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

propacemPro Pacem

Textes, art & Musiques pour la Paix

Lorsque vient le moment d'écrire la chronique d'un tel livre / cd, on se sent bien petit, en raison même des enjeux qui en sont à l'origine. Jordi Savall, comme l'était d'ailleurs également sa muse, Montserrat Figueras, trop tôt disparue l'année dernière, est ambassadeur de bonne volonté pour la Paix à l'Unesco. Depuis plusieurs années, par le biais de la musique et des rencontres interculturelles qu'ils ont organisées à Fontfroide tous les étés depuis un peu moins de 10 ans, ils ont entrepris un travail de redécouverte et d'écoute unique qui enchante les festivaliers et au-delà tous les publics à travers le monde.

L'Europe occidentale tend à oublier qu'elle a la chance de vivre en paix depuis un peu plus de 50 ans. Cette paix est d'autant plus exceptionnelle lorsque l'on regarde son histoire et elle pourrait bien, n'être qu'une parenthèse si l'on n'y prend pas garde. Lorsque l'on sait que dans le monde, au moment où ces mots s'écrivent des millions d'hommes, de femmes et d'enfants souffrent encore de la violence, de la guerre, de la famine et des épidémies, toute initiative est vitale. Jusque sous nos fenêtres, la pauvreté fait des ravages et la peur du lendemain, permet tous les jours à de nouveaux pervers de semer l'ivraie de la haine dans les cœurs.

Tandis qu'en Occident, on se querelle pour savoir qui paie ou non trop d'impôts, surtout les plus riches, -et où il devient comme un jeu de tromper le fisc pour des gens qui ne manquent de rien mais n'ont jamais assez -, la souffrance et le déracinement abandonnent sur les routes des êtres qui ne demandent qu'à vivre décemment en paix. Tout vient nous rappeler combien l'homme est peu de chose s'il n'est solidaire.

La liste serait longue de ces pays où la paix n'existe pas et où à force de déplacements, les populations perdent leurs repères, leurs racines, lorsqu'elles survivent aux conflits qui les dévorent. Le texte d'Antonio Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés qui conclut le passionnant livret qui accompagne cette nouvelle édition d'Alia Vox vient nous rappeler l'état du monde, celui où il devient urgent de rétablir la parole et de redonner un sens à la vie, afin de lui redonner l'espoir.

hans-memling-ange-rameau-olivier_1_609432.jpgCet Occident où la misère règne au côté de la plus grande des richesses est devenu incapable d'accepter d'accueillir la détresse, d'accepter la différence. Par ces méthodes de standardisation, de normalisation, tant industrielles, agricoles que culturelles, sous le prétexte obsédant de la sécurité, il génère la peur de l'autre tout en s'imposant (consciemment ou non) comme la seule option de civilisation, générant ainsi le terrorisme pour unique réaction. En faisant peser sur des classes moyennes de plus en plus effrayées par la peur de tout perdre, tout le poids des remboursements des dettes colossales des états, il a oublié ce sens de l'hospitalité qui permet la rencontre et le dialogue. Lui qui a écrit la déclaration universelle des droits de l'homme, livre son âme à des dictateurs qui sont à l'origine d'une misère grandissante de par le monde.

Jamais il n'a été aussi urgent, devant tant de souffrances, mais aussi devant la prolifération des armes de destructions massives - tant nucléaire que chimique ou biologique-, d'agir pour l'humanité. Reprendre en main la destinée humaine, demandent aujourd'hui à ce que ceux qui peuvent être entendu portent un message de paix, de réconciliation, d'espoir et d'écoute. Jordi Savall dont le renom artistique et l'humanisme sont reconnus de par le monde, est un intercesseur évident.

Ce livre /cd est un de ces témoignages rares et précieux qui vient nous rappeler combien l'homme est capable du meilleur à côté du pire qui ravage la planète. C'est aussi un appel engagé: "Pro Pacem est un nouveau projet de livre/cd qui plaide pour un monde sans guerre ni terrorisme et pour un désarmement nucléaire total".

Et c'est parce que ce meilleur existe que le travail de Jordi Savall mérite plus qu'un hommage. Le livret a été extrêmement soigné tant dans la présentation, de gros caractères en facilitent la lecture et le papier bible si translucide choisit pour recueillir les textes, porte l'évanescence des mots vers l'éternité.

Il réunit des textes de deux philosophe, le français Edgar Morin et le catalan Raimon Panikkar, d'un artiste peintre catalan, Antoni Tàpies et d'une sociologue marocaine Fatema Mernissi. D'un autre côté, les musiques issues des cultures d'Orient et d'Occident, fruit d'une mosaïque sonore sont autant d'appels à la paix.

Il réussit à nous toucher tout aussi bien par la pureté de ses intentions, que par l'extrême nécessité de sa mission, et la manière dont il l'a conduit. Ces répertoires de culture dont les hommes aujourd'hui sont persuadés être les pires ennemies se rencontrent, s'écoutent et se découvrent ici dans leurs formes si différentes. Ces cultures ont un point commun, celui de ce message qu'elles portent. Il est celui de nos affects, de nos espérances et désespérances, de nos rires et de nos pleurs, de nos joies et de nos chagrins. Il n'a qu'un nom, celui que le poète écrit, celui de la force de vie, la paix dans une liberté et une dignité retrouvées pour tous.

Mellin PaixLes musiques s'inspirent des anciens oracles sybillins, de prières du Coran, de la liturgie hébraïque et des pièces vocales basées sur l'un des plus anciens chants chrétiens d'invocation à la paix : Da Pacem Domine (Donne moi seigneur la paix). Ce chant s'est répété à travers les siècles. Cette prière, devient ici un ostinato qui contre vents et marées, tient bon, ne cessent de dire et de redire, "Donne moi la paix", faisant de ces paroles une ligne d'horizon pour tous ceux qui souffrent. Ici plusieurs versions nous en sont données, une grégorienne, celle à trois voix de Gilles Binchois, celle d'Arvo Pärt, mais aussi celle de Josquin des Prés, de Hieronimus Parabosco, d'Orlando di Lasso et un lamento sépharade El Pan De La Aflicción. On trouve également d'autres œuvres vocales comme le motet Flavit auster du Monastère de Las Huelgas, dont un manuscrit tient une place essentielle dans la connaissance du chant médiéval, un villancico portugais ou un autre de Francisco Guerrero, un compositeur espagnol de la Renaissance. Enfin nous sont proposés des improvisations de Ferran Savall, des pièces instrumentales de Christopher Tye, d'Henry Purcell et de Jordi Savall (Planctus Caravaggio). Toutes ont en commun un caractère spirituel d'une ineffable beauté. Parfois fruits d'enregistrements précédents, elles sont réunis avec une telle cohérence qu'elles nous saisissent par leur force de conviction. Elles redonnent la voix aux damnés, à tous ceux que les manipulateurs pervers écrasent et conduisent au désespoir et qui pourtant toujours se relèvent. L'empathie et la compassion qui émanent de la voix de Montserrat Figueras, surgit toujours telle une lumière des nuits les plus froides et les plus sombres. Ce livre Cd, ne saurait se passer d'elle, tant elle nous semble la voix de l'ange, cette lueur qui toujours nous guide. 

figuerasParmi les pièces les plus marquantes de ce CD, il y a bien sûr Da Pacem Domine d'Arvo Part, dont l'onirisme mystique conduit à la limite du silence. Chanté a capella, sa beauté repose sur ce cri du cœur d'une humanité épuisée, qui pourtant dit sa sérénité et son espérance. Des variations infimes de couleurs, des interprètes à la sérenité quasi mystique conduisent à un hypnotique recueillement. Destiné à commémorer les victimes des attentats terroristes qu'a connu Madrid en 2004, Da Pacem Domine rend un hommage inspiré à toutes les victimes de l'ignorance et du fanatisme.

Ce livre / Cd ne peut que vous aider à trouver le chemin de la paix intérieure qui vous permettra de prendre conscience de "ce mal absolu que l'homme inflige à l'homme", qui asservit, brutalise, assourdit, aveugle et brise les rêves, les civilisations, vos amis, ou ces innombrables inconnus qui ne sont bien souvent pour nous que des chiffres dans des statistiques.


Rien que dans les guerres contemporaines ils furent plus de 13 millions de victimes durant la première guerre mondiale. Le chiffre aberrant de 60 millions de morts fut atteint à l'issue du second conflit mondial. Plus de 12,5 millions de personnes durant la guerre civile Russe furent anéanties. Et depuis la longue liste des conflits n'a cessé de s'allonger guerres civiles en Chine ou de Corée, du Vietnam, au Nigéria, au Bangladesh, en Afghanistan, en Angola, au Soudan, au Zaïre, en Palestine, en Israël, au Liban, en Syrie... et toutes ces victimes des guerres économiques qui mènent au suicide, tous ces morts dont le cri, l'appel au secours, semblent portés par cette plainte des Duduks qui conclut ce livre Cd, toutes avaient un nom. Ces voix que portent les vents avaient des rêves, des joies, des peines, aimaient le goût de la vie, sa saveur, ses parfums, ses instants de grâces... Entendons-les, osons remettre en cause un système qui donne le pouvoir "à ce mal absolu", celui que nous refusons de voir et qui nous conduit à la guerre en flattant nos peurs les plus insidieuses, celles que bien souvent nous n'osons nous avouer. Ce « mal absolu » qui ronge nos âmes, séduit les plus faibles, ceux qui n'ont pas eu accès à la culture, à l'éducation, mais aussi tous ceux qui pourtant se sont crus protégés par leur savoir et qui n'ont pas vu venir les manipulateurs

26 MA Savall figuerasLaissez-vous conduire par Hespérion XXI, la Capella Reial de Catalunya, la voix de cette émotion si douce et lumineuse de Montserrat Figueras et par Jordi Savall. Lisez ces textes admirables qui vous permettront également de prendre le recul nécessaire face à l'agitation de la vie, à ce manque de temps qui parfois nous sert d'excuse pour ne pas se laisser atteindre par toute cette violence qui nous tétanise. Quant aux tableaux du peintre catalan Antoni Tapies, leur minimalisme fortement expressif, évoquent avec une émotion infinie, la fragilité de l'homme qui se veut fort et sa quête d'un monde où règnerait enfin une harmonie profonde.

Osez vous relever et dire "non" à la tyrannie, car comme l'écrivait Gandhi " :"Dès que quelqu'un comprend qu'il est contraire à sa dignité d'hommes d'obéir à des lois injustes, aucune tyrannie ne peut l'asservir".

Fatema Mernissi ; Edgar Morin ; Raimon Panikkar ; Antoni Tàpies

Hespérion XXI - La Capella Reial de Catalunya

Montserrat Figueras, Jordi Savall

1 LIVRE /CD - Ref Alia Vox : AVSA 9894 - Textes : Français, Anglais, Allemand, Castillan, Catalan, Italien, Arabe et Hébreu - Supplément : 3 reproductions de tableaux d'Antoni Tàpies

Durée du CD : 78'20''

 

Droits photographiques : pour l'ange de la paix de Hans Memling Louvre/RMN - Tableau de Charles Mellin : la Paix et les arts, Rome, Galleria Nazional d'Arte Antica di Roma, Palazzo Barberini ; Montserrat Figuerras et Jordi Savall, DR.

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