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Le blog de Susanna Huygens
Articles récents

Que la vie en vaut la peine - Louis Aragon

5 Juin 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Poésie et Littérature

C'est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d'incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes

Rien n'est si précieux peut-être qu'on le croit
D'autres viennent Ils ont le cœur que j'ai moi-même
Ils savent toucher l'herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s'éteignent les voix

 

 

Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l'aube première
Il y aura toujours l'eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n'est le passant

C'est une chose au fond que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n'était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre

Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu'à qui voudra m'entendre à qui je parle ici
N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

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La Pellegrina

1 Juin 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Dossiers Musique

CE TEXTE EST INACHEVÉ ET DEMANDE UNE RELECTURE. J'ESPÈRE POUVOIR LE TERMINER RAPIDEMENT ET ESPÈRE QUE VOUS VOUS VOUDREZ BIEN, CHER LECTEUR ME PARDONNER.

La ville tout entière m’apparut comme un merveilleux décor aux couleurs inouïes, brillantes de mille formes et de mille promesses, et les actions de cette époque ressemblaient à celles que l’on représente sur scène en plusieurs langues, avec plusieurs personnages […] Et ne me contentant pas d’être devenu spectateur, je voulus devenir l’un de ceux qui jouaient dans la comédie et me mêler à eux » Le Tasse (Il Gianluca overo delle Maschere)

J'ai lu il y a quelques jours l'interview d'un jeune chef, parlant de la Pellegrina comme d'une découverte, une nouvelle œuvre lyrique à l'origine de l'opéra, nimbée de mystères.

S'il existe une œuvre de la fin Renaissance extrêmement bien documentée, lorsqu'on sait combien peu de choses sont, a priori, parvenues jusqu'à nous ou du moins le plus souvent de manière plutôt fragmentaires, c'est pourtant bien La Pellegrina. Et cela, parce que cette pièce de théâtre lyrique, ou plus exactement, cet Intermède (ou ces intermèdes musicaux), fût créée à l'occasion des fêtes du mariage de Ferdinand 1er de Médicis et de Christine de Lorraine en 1589. Les grands - ducs toscans n'avaient pas pour habitude de lésiner en matière de création artistique et savaient donner du lustre à leurs fêtes. Ferdinand n'y manqua pas, jusque dans la publication des "mémoires" de ces fêtes où figurait en bonne place La Pellegrina. Que la Pellegrina soit la "source" de l'opéra, ce serait exagéré de le prétendre, elle en est une étape.

Il s'agit à l'origine d'une pièce de théâtre de Girolamo Bargagli, un poète et homme de loi siennois. Elle fut écrite en 1579, mais lorsqu'en 1589, il s'agit pour les concepteurs des fêtes du mariage du Grand Duc de monter un spectacle à la gloire de la famille régnante de Toscane, ses thèmes retiennent l'attention et des pièces musicales sont donc intégrées. La pièce relate une série d'histoires tirées de la mythologie grecque et les époux vont être identifiés aux déesses et dieux.

Né à Sienne en 1537, Girolamo Bargagli, est l'aîné d'une famille de trois enfants, son père est un juriste. Il reçoit une éducation littéraire et artistique et une formation juridique qui font de lui tant un poète qu'un magistrat, un véritable lettré de la Renaissance.  Il a été membre de l'Académie Intronati, sous le pseudonyme "il Materiale" (le Charnel). C'était une société d'acteurs et d'auteurs humanistes. Toutefois, son activité essentielle est bien celle d'homme de lois. Il meurt en 1586, soit trois ans avant la création de sa pièce mise en musique. Bien évidemment son texte fait l'objet d'une adaptation par deux librettistes Giovanni de'Bardi (1534-1612) et Ottavio Rinuccini (1562-1621). Ce dernier est un poète et dramaturge auteur de nombreuses pièces de cour. Nous reviendrons sur Bardi.

Mariage de Christine de Lorraine et Ferdinand 1er @ BNF

Les fêtes du mariage de Ferdinand 1er de Médicis et de Christine de Lorraine, vont durer deux semaines et vont offrir aux invités et à la ville de Florence un spectacle total.

Ferdinand a d'abord été cardinal. Il hérite en 1587 du Grand - Duché de Toscane. Il est à l'époque connu pour son goût du mécénat, sa collection d'antiques et sa francophilie, alors qu'à l'époque l'influence espagnole est extrêmement prégnante en Toscane, il va encourager l'alliance avec la France, d'où ce mariage avec Christine de Lorraine (souhaité par Catherine de Médicis, dont elle est la petite-fille). On peut d'ailleurs signaler au passage que Ferdinand Ier en prince éclairé, inaugurera une chaire de mathématiques qu'il confiera à Galilée. Son règne débute donc, par des fêtes splendides, qui laisseront dans les mémoires, comme dans les archives, une trace très vive.

Copyright : @ DR

Pour les intermèdes musicaux de la Pellegrina pas moins de sept compositeurs vont être sollicités pour offrir à ce spectacle sa magnificence : Cristofano Malvezzi (1547-1597), Antonio Archilei (1543-1612), Emilio de'Cavalieri (1550-1602), Luca Marenzio (1553-1599), Giulio Caccini (1551-1618), Giovanni de'Bardi (1534-1612) et Jacopo Peri (1561-1633), alors que la scénographie est confiée à Bernardo Buontalenti (1536-1608). Ce dernier est un ingénieur militaire, architecte, peintre au service du Grand-Duc. Il a été recueilli par la famille de ce dernier, dont il a été le compagnon de jeu durant leur enfance. Il est à souligner que Ferdinand Ier fera construire au sein des offices le théâtre Mediceo qu'il confiera à son ami.

Florence, Firenze, c'est la ville qui a vu naître la monodie accompagnée, la ville des débats passionnés, des grands bouleversements musicaux, où l'on assiste à la "mise en forme" de l'opéra. Et si ces compositeurs qui participent à cette production de la Pellegrina sont parfois en profonds désaccords, tous, ou presque, sont membres de la Camerata fiorentina. Poètes et musiciens cherchent à redonner à la musique, la noblesse présupposée de la Grèce antique. Ils cherchent tous à recréer, retrouver cet art de la déclamation, recitar cantando, un rapport nouveau entre le texte et la musique, afin d'exprimer au mieux les affects. L'aristocratique déclamation de Belli s'oppose au beau chant de la sprezzetura de Peri ou Caccini. 

J Peri Orfeo dans Euridice @Bibliothèque centrale de Florence

Tous ces musiciens sont souvent considérés comme les précurseurs de Monteverdi et si pendant longtemps les historiens n'ont cité que Peri et ses deux opéras considérés comme les premiers du genre (Euridice 1600 et Dafné 1598), la redécouverte grâce à des enregistrements de toute beauté que l'on doit à plusieurs ensembles de musiques anciennes, font que désormais, l'ensemble des compositeurs ayant participé à l'élaboration musicale de la Pellegrina sont connus du public. Jacopo Peri (1561-1633) dont l'année de naissance nous indique qu'à l'époque il n'avait pas 30 ans, publie à cette occasion sa première œuvre, le n° 8 du Vème Intermède. Il s'agit d'un "aria con due rispote" (double écho). Il composa cet aria d'Arion pour une voix de ténor qu'il chanta lui-même. Compositeur, organiste et chanteur, c'est en 1588 qu'il était entré au service de Ferdinand, qu'il quitta en 1600 pour la cour de Mantoue. Il possédait un surnom Il Zazzerino. Monteverdi appartenait à la même génération que Peri, tout comme Emilio De'Cavalieri (1550 ? 1602 ?), instrumentiste, organiste, danseur et chorégraphe qui arriva à Florence en même temps que le duc, au service duquel il se trouvait à Rome durant le séjour de ce dernier auprès du Saint - Siège, en tant que cardinal. Cavalieri fut nommé inspecteur général des arts et des artistes à la cour de Toscane. Lui qui composa pour le mariage de Marie de Médicis et d'Henri IV en 1600, "Il dialogo di Giunone e Minerva" est influencé par les arts français. Le public d'aujourd'hui le connaît surtout pour la Rappresentatione di anima et di Corpo, (teaser enregistrement René Jacobs chez Harmonia Mundi). Il s'agit d'un drame sacré créé en 1600 et plusieurs fois enregistré par nos ensembles baroques et donné à la scène comme à Sablé par l'Arpeggiata en 2009, œuvre qu'avait enregistré cet ensemble chez Alpha en 2004.

Antonio Archilei (1543-1612) arriva de Rome en même temps que le Grand-Duc et Emilio De'Cavalieri, ainsi que son épouse Vittoria Archilei, la Romanina (vers 1555-v 1620), une cantatrice célèbre. Antonio était un luthiste à qui nous devons le madrigal introductif de la Pellegrina, Dalle più alte sfere.

Giulio Caccini (1543-1612) et Jacopo Peri (1561-1633) était tous deux installés Florence, tout comme Cristofano Malvezzi (1547-1599). Tous trois étaient non seulement compositeurs, instrumentistes mais également chanteurs. A Malvezzi nous devons la musique de L'Armonia delle Sfere. Il fût le maître de Jacopo Peri.

@Archiv des Grafen Heinrich Marenzi, Wien und Feldkirchen/Wikipedia

Luca Marenzio (1553-1599). N'est déjà plus à l'époque n'importe qui. Ses madrigaux édités dans toute l'Europe en font un musicien réputé. C'est à Rome qu'il se fait connaître au service du Cardinal Luigi d'Este comme compositeur de madrigaux. Il arrive à Florence en 1587 où il ne reste que peu de temps. Il est alors au service du Grand-duc Ferdinand Ier. Il repartira après le mariage de celui - ci à Rome.

Pour la Pellegrina, chaque intermède est le fruit de deux ou trois compositeurs qui travaillent ensembles : Ainsi Cavalieri travaillent sur le premier avec Malvezzi et le sixième, tandis que Peri travaille avec Marenzio et Malvezzi pour le cinquième et Caccini collabore avec Malvezzi et Bardi pour le quatrième.

 

Avant de vous décrire les intermèdes, ll me reste à vous parler de Giovanni de'Bardi (1534-1612) et Ottavio Rinuccini (1562-1621). Tous deux charger de la conception du programme musical, dont ils sont en somme les grands ordinateurs. Leur place au sein du creuset si ardent de la Florence musicale, mérite que l'on s'arrête sur eux. Comte de Vernio, Giovanni de'Bardi est tout à la fois écrivain, compositeur et critique d'art. Il est surtout le promoteur de la Camerata Fiorentina. Il est celui à qui nous devons le "recitar cantando". Via la Camerata, il va être le mécène qui va favoriser les recherches sur ce nouvel art qui devait aboutir à la naissance de l'opéra.

Ottavio Rinuccini (1562-1621) qui participa au - côté de Giovanni de'Bardi à la mise en forme du livret, était avant tout un poète qui devint librettiste, il participa activement à la vie des Camerate florentines et travailla également pour la cour de France. On lui doit les livrets de la Dafné de Peri en 1598 et de l'Euridice de Peri et plus encore de l'Arianna de Monteverdi, dont la musique, sauf le lamento, a été perdue.

La partition e la Pellegrina sera publiée à Venise en 1591.

Harmonie des sphères célestes, Intermède 1

Les histoires racontées ici vont permettre d'offrir au public des effets spéciaux impressionnants et de toute beauté. Telle l'Intermède 1, l'Armonia delle sphere. Sur des nuages des musiciens figurant les sirènes et les planètes chantent l'harmonie. Tandis qu'au loin apparaît la cité de Pise, au centre trône la Nécessité entourée des trois Parques. La rotation de son fuseau symbolise celle des sphères célestes et donc l'harmonie du monde. Cette vision céleste est accompagnée par le son cristallin du grand luth et le chant de Vittoria Archilei, l'épouse de Jacoppo Peri, deux chitarroni cachés au milieu des nuages se joignant à celle que l'on surnommait La Romanina. Puis entre la sinfonia instrumentale de Malvezzi et le chant polychorale des sirènes se crée un dialogue doux et élégant.

Apollon et les Muses - Intermède 2 - British Museum

L'intermède 2 : La Gara fra Muse e Pieridi, conte le défi des Muses et Piérides qui s'achève sur le triomphe des premières.

Pour la circonstance Luca Marenzio sur un poème de Rinuccini réalise une "sinfonia" interprété par deux harpes, deux lyres, une basse de viole d'une part et deux luths, un violino, une viole bâtarde et un chitarrone d'autre part. Un triple chœur à six voix chacun en est le point culminant de cet intermède.

L'Intermède 3 : Il combattimento Pitico d'Apollo (Le combat d'Apollon contre le python)

La musique en est attribuée à Marenzio. La scène figure le bois de Delphes. Des couples vêtus à la grecque y chante un double chœur accompagnés de violes, de flûtes et de trombones. Surgit le serpent python. Apollon apparaît pour le combattre. C'est dans cet intermède que la musique tente le plus de retrouver ce style antique, objet de la quête de tous ces compositeurs. Le discours musical et madrigalesque se fait grave. Le combat entre le dieu et le monstre est mimé et dansé, un ballo allegro clame la victoire divine avec un double chœur à huit voix.

Intermède 4 : La regione de' Demoni (L'antre des démons) : La vision céleste fait place aux enfers, ce que nous montre la gravure d'Epifanio d'Alfanio. Les démons y annoncent un nouvel âge d'or. Lucia Caccini qui s'accompagne au luth, personnifie le mariage sur son char. Elle appelle les démons à la sagesse, tandis que Platon apporte aux hommes le monde divin des idées. Lucifer et ses trois faces dévorantes, muni d'énormes ailes de chauve-souris est entouré de personnages infernaux. L'aria qu'interprète Lucia a été écrit pour la musique par Giulio Caccini. Accompagné par une basse continue, il marque une étape importante vers la monodie accompagnée. Nous devons le texte à Giovanbatisto Strozzi

Io che dai ciel cader

Scène des enfers - Intermède 4


farei la luna
a voi ch'in alto sete
e tutt'il ciel vedet'e voi comando
ditene quando il somm'eterno Giove
dal ciel in terra
ogni sua gratia piove.

 

 

Intermède 5 :  Il canto d'Arione (Le chant d'Arion). La musique de cet intermède a été écrit par Malvezzi. Arion dans la mythologie est fils de Poséidon (dieu de la mer) et de Cérès (déesse de l'Agriculture et mère de Proserpine). Cet intermède est donc placé sous le signe de l'eau. Amphitrite est interprétée par Vittoria Archilei, surnommée la Romanina et épouse du compositeur Antonio Archilai.

Elle apparaît en majesté venue des profondeurs, accompagnée de tritons et de nymphes. Elle chante les strophes d'un épithalame (un poème lyrique que l'on composait en l'honneur des mariés). L'on sait que parmi les instrumentistes accompagnant cet intermède l'on pouvait remarquer Alessandro Striggio (vers 1540-1630), futur librettiste de l'Orfeo de Monteverdi, fils du compositeur du même temps, auteur d'une messe à 40 et 60 voix, enregistrée par Hervé Niquet chez Glossa. Le fils s'accompagnait ici d'une se"arciviolata lira".

Amphitrite introduit une scène maritime où s'avance la nef d'Arion, chantant accompagné par sa lyre. Il est vêtu d'une veste rouge filigrané d'or. C'est le chanteur et compositeur Jacopo Peri qui l'interprète. Un chœur de mariniers lui répond célébrant dans l'allégresse sa mission accomplie.

 

 

 

Intermède 6 : La discesa d'Apollo e Bacco col Ritmo e l'Armonia. (La descente d'Apollon et de Bacchus avec le Rythme et l'Harmonie)

Jupiter envoie sur terre Apollon et Bacchus, porteurs du don de l'harmonie et du rythme. La musique se transforme en un hymne de joie. Le ciel s'ouvre sur une couronne de lumière qui laisse apparaître le Conseil des dieux, sous une pluie de fleurs. Divinités et personnages allégoriques reposent sur des nuées alors que sur scène se déroule une fête où dans la danse se rejoignent dieux et mortels. 

 

L'Harmonie préside cet intermède. Ce dernier est dominé par une masse chorale démultipliée, interprétant un madrigal à sept chœurs. Il est exécuté par 60 chanteurs et l'ensemble des instruments de Malvezi suivi par une partie chantée à l'unisson par tous les dieux, exprimant toute la splendeur de cette hyménée célébrer en ce jour glorieux.

Le ballet final d'Emilio Cavalieri, auquel participent les deux grandes interprètes féminines de l'époque - Vittoria Archilei, Lucia Caccin, qui interprètent une aria. Ce dialogue final entre les dieux et les humains, sur des paroles de la poétesse Laura Lucchesini de Guidiccioni parachève en beauté la Pellegrina.

Troisième intermède @ DR

Si celle-ci a marqué les esprits c'est évidemment parce que le spectacle fut magnifique, mais également parce que les archives en ont conservé la trace fastueuse. Il ne fait aucun doute, que la rencontre pour sa réalisation des musiciens et artistes les plus marquants de cette fin de la Renaissance, va influencer leurs recherches, pour recréer cet idéal du chant antique.

Mais il faut savoir qu'avant cela les villes italiennes ont connu le faste de fêtes, dont les archives ont disparu lors des guerres et la destruction totale ou partielle des archives de ces cités. Mantoue, Ferrare en font partie, au même titre que Florence. Il existe pour Ferrare des chroniques contemporaines des évènements qui relatent certaines de ces fêtes en 1561 et 1570. Ces spectacles éphémères qui faisaient de la ville un espace théâtrale ont eu une influence artistique non négligeable sur le travail des générations d'artistes qui les ont suivis. Le mariage d'Hercule 1er avec Eleonore d'Aragon en 1473 fût l'occasion pour la capitale de la famille d'Este d'offrir un espace théâtral d'envergure au faste et à la gloire de cette famille, où tout devenait possible, en particulier les jeux de scène les plus merveilleux. Des fresques aujourd'hui disparues du palais Belfiore devaient permettre d'en conserver la mémoire. 

@ARTstor Digital Library Costume Pan et sylvains

"Sur la scène était construite une architecture éphémère représentant une ville en perspective constituée de panneaux mobiles peints, démontables à la fin du spectacle. En guise de ciel, une grande voûte céleste reproduisait un ciel étoilé avec les planètes d'où descendait Jupiter sur un nuage grâce à un système mécanique, comme nous l'indique le chroniqueur de l'époque Bernardino Zambotti (fin du XVe siècle -1504/9)Ces décors de scènes étaient favorisés par des automates (inspirés des ouvrages de l'ingénieur grec Héron d'Alexandrie) qui seront utilisés tout au long du XVIe siècle avec une créativité toujours plus débordante. A la fin du spectacle, un feu d'artifice venait susciter l'émerveillement du public". A l'issue de cette fête, l'archiviste et bibliothécaire d'Hercule 1er écrivit un traité Spectacula qui tout au long des décennies suivantes influença les scénographes. Pour la musique, qui forcément devait accompagner ces spectacles, des recherches sont encore à faire. Probablement éphémères, ont - elles seulement été notées ? Ces spectacles étaient des pantomimes accompagnés de musique et de danses. Les années passant ces fêtes prirent de plus en plus de fastuosité.

Les Jardins d'après les cartons B DOSSI atelier H Karcher Les Métamorphoses d'Ovide @ RMN

 

Pour le mariage d'Alphonse 1er d'Este avec Lucrèce Borgia en 1502, l'on sait par un courrier d'Isabelle d'Este que plus de 5000 spectateurs s'émerveillèrent, témoignant ainsi de l'immense succès de ces festivités. Le spectacle devenant global, la musique et la danse y tenaient une place toujours plus importante, le duc décida en 1504 (La sala delle Comedie) de créer un théâtre qui devint la première salle permanente de la Renaissance. Les banquets y deviennent pour les Arts du spectacle des terrains d'expérimentation. Particulièrement raffinés, ils annoncent les grandes mises en scène des années 1560. Le traité que Cristoforo di Messibugo, que ce dernier dédie à Hyppolyte II d'Este nous permet d'en savoir plus sur l'évolution de l'espace théâtral. Toutes ces fêtes empruntent à l'univers carnavalesque son mélange populaire festif venant enrichir l'esprit humaniste antique dont se nourrissent les princes érudits.

Gravée par Orazio Scarabelli. Bataille navale au Palazzo Pitti

Parmi les éléments des festivités du mariage de Ferdinand 1er de Médicis et de Christine de Lorraine, il y eut certes la Pellegrina, mais également des entrées, des tournois et une immense bataille navale. Les moyens financiers sont mis au service de techniques qui doivent faire preuve d'une inventivité sans borne au service de la création artistique. Quoi de plus normal lorsqu'on sait que la magnificence de ces fêtes ont pour objectif de montrer la puissance des Médicis. Et il en est de même dans les autres villes d'Italie ou toutes les

@Metropolitan Museum of Art

familles princières régnantes ont un rôle politique et artistique fondamental. La concurrence que se livre les différents états italiens de l'époque en la matière a intensifié l'émulation de cette créativité qui ne connaît aucun frein, y compris et surtout financier. Les fêtes des Médicis constituent donc la démonstration des pouvoirs du Grand-Duc tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de leurs états. Et c'est l'ensemble de la société toscane qui est ainsi mise à l'honneur. Puisque jamais, le talent des artisans florentins n'aura ainsi été mis en valeur. Ces fêtes montrent à quel point, le pouvoir des Médicis n'est pas seulement politique mais également social, économique et artistique.

@Vienna, Kunsthistorisches Museum

Les défilés militaires, les banquets, les bals, les pièces de théâtre et la musique qui se succèdent sont autant d'affirmation du raffinement d'une société qui veut s'ériger en modèle. Ce tableau de Domenico Cresti Passignano, en est l'un des témoignages. Si les performances techniques ou artistiques sont incontestables, La Pellegrina n'est absolument pas conçue comme un manifeste, affirmant la création d'un art nouveau. C'est avec le recul qu'elle nous apparaît comme l'un des chaînons essentiels dans  cette période si riche devant conduire à l'idée de ce qui sera appelé à devenir l'opéra. Aucun compositeur durant cette période n'aurait probablement oser imaginer pouvoir sans un prince - mécène pouvoir reconduire une telle réalisation. Ni Peri, ni Monteverdi n'ont disposé de tels moyens pour monter leurs oeuvres, réservés aux fêtes princières,.

Entre gravures et dessins ces fêtes nous dévoilent leur splendeur.

Et si "mystères", il y a, c'est à ce brouillard du temps qui nimbe les souvenirs et donnent aux couleurs ce sentiment que nous percevons "d'étrange étrangeté".

Par Monique Parmentier

Les scènes  été gravées par Filippo Succhielli, à Sienne en 1589, d'après un dessin d'Annibale Carracci. -

 

La montagne des hamadryads - La Pellegrina

Sources : Walker, Musique des intermèdes de La Pellegrina, D. P., 1963, CNRS, Paris (réimprimé en 1986), consultable à la BNF

Van Nuffel, Robert O. J. : La Pellegrina, Revue belge de Philologie et d'histoire, année 1976, volume 54, numéro 2, page 667

 

AA.VV. - La scena del Principe - Firenze e la Toscana dei Medici nell'Europa del Cinquecento - Firenze 1980 (in particolare L.Zorzi - Il teatro mediceo degli Uffizi e il teatrino detto della Dogana - F. Berti - I bozzetti per i costumi)

 

La Pellegrina, texte et commentaires publié à Florence en 1971

La Pellegrina, texte édition originale

 

Musique de La Pellegrina à la BNF

 

Estampes par Jacques Callot éditée en 1619/1620 de la vie de Ferdinand Ier de Médicis dont son mariage

actuellement à la BNF - RESERVE BOITE ECU-ED-25 (4)

 

Julie Chaizemartin - Ferrare : joyau de la Renaissance italienne" de Julie Chaizemartin chez Berg international

Copyright : DR

 

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Le songe d'une nuit (d'un vie) ... d'été

18 Mai 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Poésie et Littérature

Plus étrange que vrai. Je ne pourrais jamais croire en ces vieilles fables, à ces contes de fées. Les amoureux et les fous ont des cerveaux bouillants, des fantaisies visionnaires qui perçoivent ce que la froide raison ne pourra jamais comprendre. Le fou, l'amoureux et le poète sont tous faits d'imagination. L'un voit plus de démons que le vaste enfer n'en peut contenir, c'est le fou ; l'amoureux tout aussi frénétique, voit la beauté d'Hélène sur un front égyptien ; le regard du poète animé d'un beau délire, se porte du ciel à la terre et de la terre au ciel ; et comme son imagination donne un corps aux choses inconnues, la plume du poète leur prête une forme et assigne à ces bulles d'air une demeure et un sens"

 

Copyright : DR

La reine Titania endormie par Arthur Rackam

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La vie à en mourir

8 Mai 2017 , Rédigé par Parmentier Monique

Ce 8 mai, est moins que jamais comme les autres. Depuis plusieurs jours, je n'ai cessé de penser à ce Livre "La Vie à en mourir". Paru chez Tallandier, il regroupe Les lettres des fusillés de 1941 à 1944. Ce Livre est un Livre déchirant, qui nous interpelle. Toutes ces femmes et ces hommes, parfois très jeunes, nous ont laissés bien plus que des messages personnels à leurs proches, une conviction, une foi en l'avenir. Nous leur devons d'en avoir un, nous leurs devons notre liberté. Puissions-nous ne jamais oublier ce don de Vie qu'ils nous ont fait... a jamais merci. Voici l'extrait d'une de ces lettres. Je vous souhaite de vous en approprier chaque mot afin que vive en vous les rêves de toutes ces femmes et de tout ces hommes.

"Oh certes, la vie me semble bien belle en ce moment et j'aurais bien voulu moi aussi avoir ma part. C'est que, vois-tu, je n'ai pas encore vécu, Mais tout de même suffisamment pour me rendre compte de ce que peut-être la vie ; oui, je la regrette et surtout je vous regrette, vous qui avez toujours été si bons et si magnifiques pour moi... je rêve aux jours passés, aux jours pleins de soleil. Il me semble que tout à été riant dans mon enfance auprès de vous. Cela aurait été bien bon de vivre, d'aimer. Il me semble que je n'ai jamais été aussi jeune que je le suis en ce moment.... avant ma condamnation, il m'arrivait de pleurer, mais depuis je n'ai pas versé une seule larme. J'ai comme l'impression d'une grande tranquillité d'âme et d'une grande quiétude. .... et pourtant, j'ai toujours eu, de mes plus jeunes années, tellement, tellement peur de mourir.... maintenant, je regarde de haut toutes les petites choses, tous les petits intérêts pour lesquels les hommes se chamaillent et la peur de la mort qui fait agir tant de gens. Il me semble que tout cela est bien insignifiant.... j'ai beaucoup rêvé dans ma vie, je crois que je n'ai fait que rêver et aujourd'hui je fais des rêves pour vous, des rêves plein de bonheur et de gloire. Je suis sûr que ma mort ne sera pas inutile, qu'elle servira à construire le Monde, où il y aura du pain pour tous et aussi des roses... je vais arrêter ma lettre, ma petite Rachel, je voudrais te dire encore des quantités de choses, Mais je ne sais plus. Dans trois heures tout sera terminé, pourvu que je sois fort".

Lettre de Fernand Zalkinow à sa sœur Le 9 mars 1942. Exécuté par les allemands à 19 ans, militant de la jeunesse communiste, résistant de la première heure... extrait de La Vie à en mourir ... jamais notre gratitude ne sera suffisante et le devoir de mémoire aussi nécessaire. Et au delà, Le devoir de réaliser ses rêves à lui et à toutes celles et ceux qui ont donné leur Vie pour bâtir notre avenir

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Les routes de l'esclavage : un chant à la vie

26 Avril 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

La nouvelle fresque musicale que nous offre au CD/DVD Jordi Savall a été créée en 2015 au Festival de Saint-Denis et a été le programme phare de la 10ème édition du Festival Musique et Histoire, pour un dialogue interculturel de Fontfroide. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’a été réalisé l’enregistrement qui fait l’objet de cette nouvelle édition d’Alia Vox.

 

Nous avions pour ODB été sur place à cette occasion et l’émotion qui émane de ce programme est restée si vive que dès les premières secondes d’écoute, on se retrouve transporté bien plus loin que dans l’abbatiale, aux confins des horizons et du temps, au cœur d’une mémoire ensanglantée, fervente et éloquente, véritable ode à la vie.

 

L’esclavage est un véritable fléau qui a ensanglanté l’histoire de l’humanité depuis plusieurs siècles, mais qui a pris au cœur même du continent, où l’humanité à ses racines, un tournant particulièrement violent qui a arraché plusieurs générations des peuples d’Afrique, les condamnant à une vie de souffrances impitoyables. Ces femmes et ces hommes n’avaient aucun autre espoir d’échapper à l’oppression que la mort… Et pourtant tout au long, de ces siècles sans avenir, ils ont pour certains, par la musique opposé un acte de foi absolu en la vie.

 

Que ce soit ces peuples d’Afrique, mais également les amérindiens, tous ont exprimé par cette voie unique, une forme de résistance, qui leur a permis de maintenir vivante la conscience de leur origine, une âme par-delà cette négation même de leur humanité.

 

Le maestro Catalan a réuni autour de lui, pour rendre vivante et vibrante, cette évocation d’une des pires tragédies humaines, des musiciens d’horizons multiples, tant d’Europe, que d’Afrique et d’Amérique du sud. Faisant appel à des répertoires d’une diversité multiculturelle, dont on ne peut que s’émerveiller de la beauté et de la spiritualité si radieuse. Villancicos dit de negros, de mestisos, … des negrillas, des gugurumbés y côtoient la parole des griots.

 

On oscille ici entre récit tragique et musique exubérante, nimbée d’un mysticisme onirique et instinctif. Le programme est avant tout un récit. Celui de la mise sous domination de l’Afrique et des Amériques, de la déportation des différents peuples soumis à l’esclavage, de leur souffrance et de leur lutte pour reconquérir leur liberté tandis que l’Europe blanche crée des textes de loi tous plus monstrueux les uns que les autres (comme nous le rappelle le texte d’Hans Sloane de 1661 ou le Code Louis XIV qui codifie les sanctions que doivent subir les esclaves qui se révoltent). Puis apparaît, progressivement comme semblant renaître de ses cendres et dont la musique seraient les braises, la lueur de la liberté.

 

Dans la tradition mandingue, la musique est avant tout un réceptacle de l’histoire et de la tradition, une messagère, un souffle qui apporte harmonie et amour, maintenant la paix.

 

Et la présence des artistes maliens au cœur de ce programme lui donne son équilibre et sa force vitale.

 

Comme un appel d’une profondeur insondable résonne d’abord une flûte amérindienne (Pierre Hamon, dont le talent tout au long du programme, fait surgir par le souffle des flûtes, le mystère, la mélancolie ou l’exaltation), puis le rythme lent d’une percussion qui semble murmurer la menace qui se profile. (Signalons au passage l’incroyable richesse des percussions dans ce programme, non seulement celles de Pedro Estevan qui accompagne Jordi Savall régulièrement, mais toutes celles de l’ensemble mexicain Tembembe Ensamble continuo, qui sont une ode à la créativité des peuples les plus démunis).

 

Le récit est confié au comédien français d’origine malienne, sociétaire de la Comédie Française, Bakary Sangaré. Il irradie de son interprétation bien plus qu’un talent de conteur, une émotion douloureuse et fervente, un cri et un chant. Sa voix mélodieuse porte à fleur de mots, la mémoire des larmes et du sang versé.

 

La voix de velours de Kassé Mady et sa gestuelle si gracieuse, accompagné par trois ensorcelantes choristes, fait renaître un monde subtil, poétique, mystique, parfois épique. Il façonne la parole, qui par son pouvoir bénéfique réconcilie et affranchit l’âme de toute douleur.

 

La luxuriance musicale, les couleurs vives des ensembles ici réunies, tant instrumentales que vocales, sont la quintessence même de cette pulsion de vie qui ne se résigne jamais, s’oppose sans arme mais avec conviction à cette Europe ténébreuse qui la nie. Dans la pièce, Bom de Briga, le chant âpre et incandescent de Maria Juliana Linhares, l’exubérance des flûtes et des percussions et du rythme évoquent avec puissance, un monde sensuel, spontané, mais dont semble sourdre une insondable mélancolie. Toutes les autres voix -que ce soit celles de la Capella Reial de Catalunya, de l’ensemble Tembembe, ou des solistes, la soprano Adriana Fernandez ou de la Basse Ivan Garcia ou celle des récitants ou du griot-, toutes viennent enrichir ce son unique, celui de la vie sous toutes ses formes, du vent aux larmes, du rire à l’amour.

 

On tombe sous le charme de 3MA. Dans Vero, le chant captivant des instruments à cordes pincées et des voix de Driss El Maloumi et de ses deux compagnons, Ballaké Sissoko et Rajery, est un instant d’apaisement, qui semble arrêter le temps. Leur virtuosité limpide et leur merveilleuse complicité donnent ses lettres de noblesse à l’improvisation.

 

La direction de Jordi Savall faite d’empathie et de rigueur, lui permet de donner à ce programme d’une extrême densité toute sa noblesse et son élégance, cette force vive qui l’anime de bout en bout.

 

La prise de son, met en valeur les différents plans sonores tandis que le DVD merveilleusement réalisé par Karl More Productions, sous la direction de Benjamin Bleton, nous permet de revivre, par sa captation agréable et équilibrée, l’émotion musicale dans toute son impétuosité et tout son lyrisme tout à la fois tragique et si joyeux.

 

Cette nouvelle fresque du maestro catalan est à mettre entre toutes les mains, afin que la mémoire de cette tragédie et cette capacité des êtres humains à surpasser sa douleur, nous portent vers de nouveaux horizons, aussi généreux que la musique qui nous est offerte ici.

 

Vous trouverez ici le teaser de l'album : https://www.youtube.com/watch?v=ujKJe6l2cvA

 

Pour prolonger cette écoute, n'hésitez pas à écouter l'interview de Jordi Savall  en compagnie du chercheur anthropologue franco-sénégalais Tidiane N'Diaye sur Public Sénat

 

Récitant : Bakary Sangaré

Chant griote : Kassé Mady Diabaté

Basse : Ivan Garcia

Voix : Maria Juliana Linhares

3MA : Driss El Maloum, oud. Ballaké Sissoko, Kora. Rahery, valiha.

Tembembe ensamble contino

La Capella Reial de Catalunya. Musiciens d’Hespérion XXI, Direction, rabec, rebab, vielle : Jordi Savall

 

2 CD et 1 DVD ALIA VOX Durée du CD1 60’17 et du CD2 : 67’08. Durée DVD : 2h08’30’’ Livret : Catalan/Français/Anglais/Castillan/Allemand/Italien. Enregistrement réalisé à l’abbaye de Fontfroide, Narbonne, le 17 juillet 2015, en collaboration avec Karl More Productions. Producteur et réalisateur : Benjamin Bleton

 

Par Monique Parmentier

 

Crédit photographique : Hervé Pouyfourcat que je remercie de m'avoir autorisé à utiliser les superbes photos prisent lors du concert à l'abbaye de Fontfroide, dont certaines illustrent l'album d'Alia Vox. Merci pour toute reproduction de ces photos de lui demander son autorisation.

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La peste... Albert Camus toujours

24 Avril 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Poésie et Littérature

"Écoutant, en effet, les cris d'allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette... foule en joie ignorait, et qu'on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu'il peut rester pendant des dizaines d'années endormi dans les meubles et le linge, qu'il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l'enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse".
---- Albert Camus, "La Peste" (1947)

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Fernando Pessoa - Le Livre de l'intranquillité

14 Avril 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Poésie et Littérature

Rencontre poétique du jour, citation de la page Face Book, Littérature et Poésie:

« Et s'il se trouve que je parle à un être distant, et si, aujourd'hui nuage du possible, demain tu tombes, pluie du réel sur la terre --- n'oublie jamais que ta divinité, c'est d'être née de mon rêve. Sois toujours dans la vie ce qui peut être le rêve d'un solitaire, et non pas le refuge d'un amoureux. Fais ton devoir de simple calice. Accomplis ton mystère d'inutile amphore. Que personne ne puisse dire de toi ce que le fleuve peut dire de ses rives : qu'elles existent pour le borner. Plutôt ne jamais couler de sa vie entière, plutôt tarir, à force de rêver.
Que ta vocation soit d'être superflue, que ta vie soit ton art de la regarder, ton art aussi d'être la regardée, la jamais semblable. Ne sois jamais rien d'autre. »

Fernando Pessoa - Le Livre de l'intranquillité
Traduction de Françoise Laye

 

Photographie personnelle

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Noces à Tipassa

9 Avril 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Poésie et Littérature

Tandis que je travaille à ma chronique des Routes de l'esclavage me revient soudain en mémoire, à fleur de peau ce merveilleux texte d'Albert Camus :

"Que d'heures passées à écraser les absinthes, à caresser les ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du monde ! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes somnolents, j'ouvre les yeux et mon cœur à la grandeur insoutenable de ce ciel gorgé de chaleur. Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde."...

"La basilique Sainte-Salsa est chrétienne, mais à chaque fois qu'on regarde par une ouverture, c'est la mélodie du monde qui parvient jusqu'à nous"

Qu'est-ce que le bonheur, sinon l'accord vrai entre un homme et l'existence qu'il mène."

Puisse un jour l'humanité retrouver la paix dans cette sensualité infinie, de l'instant gorgé de lumière et du chant du monde.

Copyright photo : DR

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Orpheus XXI : Musique pour la vie et la dignité

8 Mars 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Dossiers Musique

Mon texte sur la conférence de presse de Jordi Savall...consacrée à Orpheus XXI, un projet à l'humanisme exaltant :) ... un projet dont l'humanisme rare est d'autant plus précieux ... Merci à Jordi Savall, de redonner du sens ...
 
Merci à Jérôme pour sa confiance.
 
Copyright photo : DR
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Le livre Vermell par Jordi Savall, une merveille

1 Mars 2017 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Vous trouverez sur ODB ma chronique du CD/DVD Llibre Vermell par Jordi Savall, également :

Llibre Vermell (ou Livre Vermeil) de Montserrat. Chants et danses en l’honneur de la Vierge noire du Monastère de Montserrat (XIVe siècle)

Sopranos : Maria Christina Kiehr, Elisabetta Tiso, Rocío de Frutos, Aina Martins
Mezzosopranos : Kadri Hunt, Viva Biancaluna Biffi
Contre-ténor : David Sagastume
Ténor : Lluis Vilamajó, Francesc Garrigosa, Marco Scavazza
Basse : Daniel Carnovich

Musiciens d’Hespérion XXI, Direction, rabec, rebab, vielle : Jordi Savall

1 CD et 1 DVD ALIA VOX Durée du CD 71’43. Durée DVD : 1h13’45’’ Livret : Catalan/Français/Anglais/Castillan/Allemand/Italien. Enregistrement réalisé en direct à Barcelone à Santa Maria del Pi le 25 novembre 2013 en collaboration avec Karl More Productions. Producteur et réalisateur : Benjamin Bleton


Jordi Savall nous avait déjà offert une version de référence du Livre Vermeil, à la fin des années 70. Plutôt que de la rééditer simplement, il en a enregistré une nouvelle version en concert à Barcelone en 2013, qu’il nous propose aujourd’hui chez Alia Vox, sa maison d’édition. C’est pour rendre hommage à celle qui illuminait cette version originale si précieuse, considérée par beaucoup comme une version de référence, qu’il a choisi de revenir à cet ouvrage, témoignage assez unique de la musique médiévale. Il perpétue par ces chants, dédiés à une mère, à une femme, la Vierge Marie, l’âme si radieuse de Montserrat Figueras que reflétait sa voix, son timbre de lumière. Cette nouvelle version, par ces choix interprétatifs, comme la première, mérite toute votre attention. Les émotions qui en émanent plus terrestres nous touchent, par cette humilité, cette quête d’apaisement et de partage, ce don d’amour qui transcende le chagrin, cet horizon dont la clarté invite à la contemplation et à la joie.

Le Livre Vermeil est un survivant de l’histoire et de la folie humaine. Il ne nous est parvenu qu’en partie, puisque sur 172 pages doubles in-Folio, seules 137 existent encore, soit 10 compositions, que l’on suppose avoir été au nombre de 12. Il a échappé de peu à l’incendie qui ravagea le monastère de Montserrat en 1811 durant les guerres napoléoniennes, mais aussi à l’éparpillement des feuillets dans les ventes aux enchères de manuscrits rares. Il est le témoin d’un art musical médiéval, dédié à la dévotion. Le chant grégorien issu de l’époque gothique y flamboie avec ferveur, tandis que l’Ars nova qui naît au XIVe siècle y exprime ses premiers tressaillements. Entre science des chiffres et musique populaire, la musique savante y chante et danse avec une ardeur empreinte d’une poésie naïve et sensible.

Montserrat est avec Saint Jacques de Compostelle, l’un des deux hauts lieux de pèlerinage en Espagne, au Moyen-âge. Afin de canaliser les pèlerins nombreux qui venaient y honorer une Vierge noire et qui restaient de longues heures, nuit et jour dans l’abbatiale, les moines eurent l’idée de composer des textes « chastes et pieux » pour accroître la piété de ces voyageurs de la foi. Ce qui rend si inestimable ce codex, ce sont également ces courtes « didascalies » qui nous précisent les intentions des auteurs de ces pièces : « les pèlerins veillant la nuit dans l’église… voulaient chanter et danser… ce qui n’était permis que pour des cantiques... Quelques œuvres ont été écrites à cette intention ». On bénéficie également de quelques témoignages de certains visiteurs d’époque plus tardives, ainsi désormais que des analyses récentes des musicologues sur les valeurs rythmiques et des indications chorégraphiques qui avaient échappé aux premières études, confirmant que les pèlerins dansaient dans l’église. Ainsi sur l’ensemble des pièces que contenait le livre, « cinq furent composées pour être dansées, dont quatre d’entre elles en rond en se tenant la main ». Les pièces destinées à être chantées le sont soit en latin, catalan ou occitan.

Son nom de Livre Vermeil (Llibre Vermell), qui semble en faire un bijou rappelant la calligraphie et les miniatures si délicates de l’époque gothique, ne lui a en fait été donné qu’au XIXe siècle par sa reliure. Dans le superbe livret qui accompagne ce nouvel enregistrement, le musicologue Josep Maria Gregori I Cifré, nous en dévoile toute la complexité et les « secrets ».

Si la musique du XIVe siècle peut à un auditeur du XXIe siècle paraître aride, en devenir, ce sont les musiciens qui peuvent nous y rendre sensibles par leurs choix interprétatifs, qui doivent concilier tout à la fois la rigueur musicologique et la recherche de sublimation, d’ivresse, d’abandon si propre à une écoute moderne.

Cette nouvelle version de Jordi Savall du Livre Vermeil rassemble toutes ces qualités. Elle est une fois de plus, une merveille tant par sa réalisation que par tout le travail de préparation que l’on ne peut que deviner mais qui s’efface de la réalité pour un simple auditeur. La beauté intemporelle du résultat final est tout simplement d’une générosité confondante. La palette des couleurs instrumentales, l’homogénéité vocale, non pas en quête de virtuosité pure mais d’un chemin de lumières chatoyantes, sont une magnifique offrande au public et à la mémoire de Montserrat Figueras.

L’orchestration nous offre une nouvelle écoute. Elle nous rappelle combien les voies qu’empruntaient les pèlerins, étaient multiples, venant de toute l’Europe. La proximité d’Al Andalus aurait pu favoriser ce dialogue et ces rencontres, si chères au maestro catalan. La présence de certains instruments, comme l’Oud, le Kanun ou le Duduk, contribue a apporter à ce nouvel enregistrement, une aura de mystère et une spiritualité universelle.

Des improvisations instrumentales viennent s’intercaler entre chaque pièce du livre, permettant à l’ensemble des instrumentistes de créer ce sentiment de plénitude, de gravité et de joie mêlées. Le souffle du duduk d’Haïg Sarikouyoumdjian semble surgir de la nuit comme une caresse apaisante, tandis que l’onde cristalline qui file en scintillant de milles reflets argentés du Kanun d’Hakan Güngör soulage les âmes égarées. La harpe d’Andrew Lawrence-King, l’oud de Yurdal Tokcan, le santur de Dimitri Psonis, les percussions de Pedro Estevan, l’ensemble des instruments à vents, dont la flûte de Sébastien Marcq ou la cornemuse de Christophe Tellart et cornets et autres trompettes et sacqueboutes des Sacqueboutiers toulousains (Jean-Pierre Canihac, Daniel Lassalle, Béatrice Delpierre) sont autant de couleurs qui resplendissent dans la nuit des cœurs et de l’église. La complicité entre musiciens est tellement radieuse qu’elle nous semble une évidence, faite d’empathie, de compassion, d’amitié, que vient confirmer le superbe DVD qui accompagne ce nouvel enregistrement. La direction de Jordi Savall d’un regard, d’un sourire, dans une économie de gestes, maintient l’harmonie qui règne sur le plateau.

De la distribution vocale où ne figure aucune véritable star du chant, l’on retiendra tout particulièrement Marie Cristina Kiehr, qui est pour les habitués des distributions de musique ancienne, la mieux connue. Travaillant régulièrement avec Jordi Savall, son timbre tout à la fois clair et opulent, sa diction soignée, sa noblesse de ton, apporte une note enchanteresse dans Polorum Regina ou Mariam matrem Virginen, auquel contribue l’ensemble des interprètes féminines, avec une humilité et un talent évocateur de ces nuits hors du temps qui rassemblaient des milliers d’hommes et de femmes autour d’une espérance commune.
Les pupitres masculins ténors (Lluis Vilamajó, Francesc Garrigosa, Marco Scavazza), contre-ténor (David Sagastume) et basse (Daniel Carnovich) bien connus des plateaux du maestro catalan, sont tout simplement magnifiques d’équilibre et de puissance. Ils sont les colonnes dont la force soutiennent voûtes en ogive et vitraux de cette cathédrale du chant.

L’excellente prise de son favorise la mise en espace et la profondeur du son, tandis que le DVD réalisé par Karl More Productions nous permet de mieux percevoir ces échanges et ce partage tant sur scènes que vers le public. Les images soignées, les très beaux cadrages nous permettent de vivre et ressentir toutes les sensations du concert, nous permettant de nous abandonner à l’émotion.

Monique Parmentier

 

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