Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Susanna Huygens
Articles récents

Scherzi musicali : la lyre d'Orphée

3 Août 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel-copie-13.jpgHenry Purcell (1659-1695) - How pleasant 'tis to Love

Scherzi Musicali - Nicolas Achten

Reinoud Van Mechelen - ténor

 

Après plusieurs enregistrements consacrés au répertoire baroque italien, c'est avec un programme anglais que nous reviennent les Scherzi Musicali et leur talentueux jeune chef, Nicolas Achten.

Eux qui nous ont permis de redécouvrir tout un pan du répertoire baroque italien, tel l'Euridice de Giulio Caccini chez Ricercar ou la Catena d'Adone de Domenico Mazzocchi chez Alpha, prennent le risque de nous proposer aujourd'hui un programme ayant fait l'objet de très nombreux enregistrements, les songs d'Henry Purcell.

 

Les airs chantés sont donc pour l'essentiel tirés des deux volumes de l'Orpheus Britannicus. Ces albums posthumes furent publiées peu de temps après la mort du compositeur par sa veuve. Extraits de sa musique de théâtre (Fairy Queen, King Arthur, Indian Queen, Oedipus, Bonduca, The Tempest,...), elle se prête ici à une version intimiste, où les voix murmurent accompagnés d'instruments. La musique devient ainsi une conversation sensible, diaphane, actrice à part entière, où "la flûte amoureuse et la douce guitare" sont un cœur qui bat et une âme qui s'épanche.

Pour se démarquer de versions dont certaines font références auprès de tous les amateurs d'opéra et partager avec leur public "notre amour de la musique", Nicolas Achten, joue sur deux aspects. Les voix tout d'abord. Il renonce aux contre ténors qui depuis Alfred Deller en ont fait leur cœur de répertoire, mais également aux voix féminines que l'on peut avoir l'habitude d'entendre, en particulier, dans "Let me weet".

C'est en compagnie du Ténor Reinoud Van Mechelen, que le jeune chef/théorbiste belge, lui - même baryton, interprète ces airs du plus célèbre compositeur anglais, Henry Purcell. Parce qu'il est musicien tout autant que chanteur, il peut ainsi également se démarquer des versions précédentes des songs, par un choix soigné d'un instrumentarium d'une grande diversité. S'appuyant tout aussi bien sur certains textes chantés qui célèbrent la musique, tel "Strike the viol, touch the Lute" ou sur "In vain the am'rous Flute", que sur les notes figurant sur le recueil de l'Orpheus Britannicus et sur les écrits du musicologue Tom Mace, Nicolas Achten, nous propose ici une version très personnelle des songs. Entrelacants les couleurs vocales et instrumentales, pour mieux saisir les reflets et les ombres, il nous invite à oublier le réel, pour mieux se laisser séduire par l'onirisme de l'univers de Purcell.

 

Le résultat de cet enregistrement possède un charme indéniable. Ici tout semble couler de source et l'on se laisse envoûter par la beauté sonore d'un univers tout à la fois tendre et féerique, nimbé d'une douce mélancolie, mais où certains pourront toutefois regretter cette absence de voix aiguës. Si le timbre sombre de Nicolas Achten peut surprendre, la souplesse vocale et une diction soignée, nous permettent de découvrir dans la douce pénombre, cet art unique de transformer le chagrin en un instant de sérénité et d'apaisement. "O Solitude", qui se poursuit d'ailleurs par une Allemande au Virginal, est ainsi une grande réussite. Instant de grâce infini, où les larmes qui s'écoulent s'échappent par des notes cristallines. Quant au jeune ténor/haute-contre Reinoud Van Mechelen (que nous venons d'entendre dans les Indes Galantes au Festival de la Chabotterie), il nous enchante tant par son timbre solaire, que par sa diction soignée. Il nous donne à ressentir des sentiments à fleur de peau. Son interprétation tout en nuances élégantes fait de chaque air une pièce de théâtre, où l'amour et la vie se jouent pour le plaisir.

Les instruments parfaitement choisis, nous révèlent cette beauté unique de ces instants d'éternité aux parfums subtiles. Les couleurs des flûtes, théorbe, guitare baroque, harpe triple et virginal participent à ce sentiment de tendres échanges, dont l'amertume n'est certes pas absente, mais où en une pirouette l'acteur/chanteur/musicien retourne la douleur des passions, en un bonheur idyllique, où les "tristes sentiments" n'existent que pour mieux séduire l'objet de ses tourments.

 

Un CD que je ne peux que vous recommander, tant son charme est un plaisir. Le livret écrit par Nicolas Achten vous permettra de mieux percevoir sa démarche artistique. Quant à la prise de son naturelle et équilibrée, elle donne à chacun sa place, dans une représentation intimiste du théâtre des soupirs.


Par Monique Parmentier

1 CD Alpha - Scherzi Musicali - Nicolas Achten ; Reinoud Van Mechelen, ténor. Durée : 73'57- Enregistré du 1er au 4 août 2012 à Flagey, Bruxelles (Belgique) ; Réf : Alpha 192 ; Code barre : 3 760014 191923 - Livret en français et anglais

Lire la suite

Des Indes Galantes tendres et chaleureuses

28 Juillet 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques Concerts

Hugo.jpgFestival Musique à la Chabotterie

17e Festival de musique baroque du 25 juillet au 7 août 2013

Les Indes Galantes - Jean - Philippe Rameau (1683 - 1764)

Hugo Reyne - La Simphonie du Marais

 

Depuis 1997, au cœur du bocage vendéen, se tient un festival merveilleux, plein de charmes et de surprises. Le nom du lieu qui l'accueil, particulièrement lié à la révolte vendéenne, porte un nom qui n'est pas sans rappeler les contes d'autrefois, la Chabotterie. Son directeur artistique, n'est autre que le flûtiste Hugo Reyne. Sa personnalité chaleureuse, son amour sincère du répertoire baroque qu'il défend avec tant de pétulance et d'enthousiasme, porte le public à pousser chaque été les portes du logis pour en découvrir de nouvelles fééries.
Mais pour pouvoir accueillir un public nombreux, friand de divertissements enrichissants, dans des conditions de confort et de sécurité optimum, ce n'est pas à la Chabotterie que nous nous sommes retrouvés, mais dans la Salle Dolia à Saint-Georges-de-Montaigu. Ainsi, nous avons  pu découvrir, dans un lieu certes moins raffiné, mais plus adapté à des conditions météos changeantes, la nouvelle production d'opéra de la Simphonie du Marais, Les Indes Galantes.

Ameriques SpipSans abandonner le barde du Roi Soleil, dont il a porté haut les couleurs pendant de nombreuses années, Hugo Reyne, s'est depuis peu tourné vers Rameau, l'autre grand représentant du baroque français.
La chaleur étouffante du jour accumulée et le temps orageux de la soirée, ont parfois mis à mal le public et les musiciens, surtout les musiciens qui sous les projecteurs, ont malgré tout tenu bon, nous offrant une très belle soirée musicale. Pas de mise en scène, mais une distribution de haute volée, permettant de dévoiler toute la luxuriance festive de ces Indes Galantes.
En un Prologue et quatre entrées, le Turc généreux, les Incas du Pérou, les Fleurs, fête persane et les Sauvages, Rameau joue de sa palette fastueuse, pour créer des univers à l'exotisme exubérant, si chers au XVIIIe siècle. Créées en 1735, les Indes Galantes, ne comprenaient à l'origine que le Prologue et deux entrées. Elles s'enrichiront très vite, en raison du succès des deux entrées manquantes : Les Fleurs, fête persane et les Sauvages. Il n'y a pas de fil conducteur, chaque entrée, célébrant les victoires de l'Amour, dans des petites historiettes délicieuses et enchanteresses.
Hugo Reyne a bénéficié d'une très belle distribution ce soir, pour célébrer cette fête galante du plaisir et de la rêverie.
Les sauvagesSix chanteurs, dont certains jeunes talents, ont fait preuve de beaucoup de témérité et de personnalité, faisant de cette invitation aux voyages une grande réussite. Tous méritent d'être cités, avec pour qualité commune un grand soin apporté à la prononciation. Leur phrasé élégant permettant d'apporter à chaque histoire des nuances d'une extrême subtilité. Chantal Santon, possède une énergie virevoltante dans ses quatre rôles, l'Amour, Phani, Fatime et Zima. Sensuel et insolent, son timbre fruité, nous captive. Le jeune haute-contre Reinoud Van Mechelen, confirme toutes les promesses des réalisations auxquelles il a participé avec Scherzi Musicali ces dernières années. Son timbre solaire s'associe à 
la séduction de sa déclamation. Il nuance avec beaucoup de finesse, de poésie et d'humour, les deux personnages qui lui échoient. Du vaniteux Damon, au tendre amoureux Carlos, il sait nous toucher par sa grâce. Le timbre rond de Stéphanie Révidat et son assurance dramatique lui permettent de nous offrir des personnages aux caractères authentiques et résolus. Le baryton -basse Marc Labonnette, à la voix ample et généreuse, correspond parfaitement à ses personnages et tout particulièrement à Osman et Adario, son inca, Huascar manquant peut-être d'un tout petit peu de férocité. François-Nicolas Geslot au timbre et à la diction d'une rare élégance est tout à la fois aimable et enjôleur en Valère et Tacmas. Enfin dans le rôle d'Alvar dans les Sauvages, Sydney Fierro complète cette distribution et y excelle avec candeur et vigueur.
Photo 1 ensembleL'engagement sans faille du Chœur du Marais est une des belles surprises de cette soirée. Une très belle diction et projection, lui permet un véritable engagement dramatique, évocateur de ces mondes étranges, singuliers et envoûtants.
Si les trompettes de la Simphonie du Marais ont parfois manqué d'un peu de justesse, cet ensemble, nous a offert la plus belle des palettes musicales qui soient. Les flûtes, les hautbois et le basson offrant une suavité charnelle, un velouté sonore, qui s'unie et se conjugue avec gourmandise à l'énergie et à la luminosité des cordes. La direction d'Hugo Reyne ardente, sensible et vivifiante et ses talents de conteurs, amoureux du répertoire qu'il défend, avec passion et sincérité, a mené ces Indes Galantes, au bout du voyage, entraînant les applaudissements enthousiastes d'un public subjugué par cette nuit d'été aux couleurs descostume-des-fleurs.jpg Orients libres et heureux.   

 

Par Monique Parmentier

 

Distribution : Chantal Santon Jeffery, soprano : Amour, Phani, Fatime, Zima ; Stéphanie Révidat, soprano : Hébé, Emilie, Zaïre ; Marc Labonnette, baryton-basse, Bellone, Osman, Huascar, Ali, Adario ; François-Nicolas Geslot, haute-contre : Valère, Tacmas ; Reinoud Van Mechelen, haute-contre : Carlos, Damon ; Sydney Fierro, baryton-basse : Alvar.

Le Chœur du Marais et la Simphonie du Marais - Direction, Hugo Reyne

Droits photographiques : Photographies du concert © La Simphonie du Marais. Boiseries l'Amérique © Château de Chantilly ; Costume de ballet© DR

 

 

Lire la suite

Esprit d'Arménie : ombres & lumières de l'harmonie

23 Juillet 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques Concerts

26 MA Savall figuerasVIIIe Festival Musique et Histoire

Pour un dialogue interculturel

Ombres & Lumières, d'une Europe Multiculturelle

Du 15 au 19 juillet 2013

Hespérion XXI La Capella Reial de Catalunya Le Concert des Nations

Musiciens invités d'Arménie, de Grèce, d'Israël, du Maroc, de Syrie & de Turquie

Jordi Savall

 

Le second concert du festival Musique & Histoire, pour un dialogue interculturel, était consacré au programme Esprit d'Arménie qui a fait l'année dernière l'objet d'un enregistrement chez Alia Vox.  

Jamais un projet discographique n'aura été porteur d'une émotion aussi intime et pourtant si universelle. Ce CD était un hommage à celle qui fût la muse de Jordi Savall, bien trop tôt disparue et si regrettée de tous, Montserrat Figueras.    

Au disque la voix s'était tue, laissant aux instruments, et tout particulièrement au Duduk, le soin de libérer le chagrin et de l'apaiser. Au concert, au chant des instruments s'est mêlée la voix d'un jeune chanteur arménien talentueux et ému face au public et à des musiciens aussi chevronnés.   

 

mont-ararat.jpgL'Arménie, terre de rencontre entre l'Orient et l'Occident, a connu une histoire mouvementée. Aucune tragédie ne lui a été épargnée. Face à la guerre, aux massacres et à la diaspora, face aux séismes les plus redoutables, des millions d'hommes et de femmes, n'ont eu que leur culture, leurs traditions, pour survivre.

La musique est un élément essentiel de ce patrimoine intangible qui a guidé ce peuple vers un avenir incertain mais inaliénable. Cette (ces) musique(s), porte(nt) l'empreinte de cette histoire si douloureuse. De ses voisins perses, turcs, des invasions arabes ou mongoles, elle a hérité de ces micro-intervalles des tiers et quart de ton et de ces rythmiques complexes des musiques d'Orient. Mais surtout elle porte en elle une étrange mélancolie, celle de cette âme arménienne, secrète et raffinée, en quête d'une harmonie perdue.
Issue d'une tradition orale extrêmement diverse, les textes sont eux-mêmes de purs chefs-d'œuvre d'expressivité. De l'amour à la plainte de l'exilé, la joie y frémit à fleur de larmes.

 

armenie_personnage_dame__600_.jpgLe concert de ce soir, n'aura pas failli, nous restituant la beauté de ce merveilleux programme que j'avais chroniqué, il y a quelques mois. Sous la direction attentionnée, bienveillante et charismatique de Jordi Savall, les musiciens  d'Hespérion XXI et arméniens, ainsi que le chanteur, nous transportent dans cet univers onirique à la limite de l'inconscience. Le chant des duduks et du kamantcha, ainsi que celui de la viole de Jordi Savall, soutient la voix qui en une lancinante mélopée nous soulage de tout le poids des chagrins. Malgré un trac perceptible Aram Movsisyan, le jeune chanteur arménien nous enchante par une réelle maîtrise des textes et de cet art très particulier entre le dire et le chanter. Tout ici est lié, doux, calme et expressif. On s'émerveille de la virtuosité de Gaguik Mouradyan au kamantcha. Dans Dun en glkhen (Supplique du roi avant l'exil), l'archet devient aile de papillon, larmes qui s'écoulent, plainte douloureuse, poignante. Ce musicien partage avec Jordi Savall, à plusieurs reprises durant le concert, des instants de complicité et des infimes nuances d'une évanescente fulgurance, à la limite du silence. Ils nous font perdre progressivement la perception du temps qui s'écoule. Cette complicité est partagée avec les joueurs de l'instrument roi de la culture arménienne, les duduks.
figuerasConforme à la tradition, ces joueurs, sont deux, le maître - Georgi Minasyan- et l'élève -Haïg Sarikouyoumdjian. Aussi virtuose l'un que l'autre. A tour de rôle, il crée ce bourdon continu qui génère cette atmosphère si chaude, si douce qui nous envoûte, tandis que l'autre développe une mélodie qui nous charme, nous subjugue. Le timbre de ces instruments procure une sensation enivrante, porteuse d'un amour généreux et compassionnel, véritable don de vie.
Quant aux musiciens d'Hespérion XXI, Pedro Estevan aux percussions toujours subtiles, Viva Biancaluna Biffi à la vièle à archet et Daniel Espasa à l'orgue, ils apportent une palette suave, d'une grande justesse et humilité à cette musique si sensible.

Tout au long de la soirée, nous aurons été nombreux à penser à Montserrat Figueras qui a fait découvrir à son mari, cette musique et ces instruments, qui guérissent le corps et l’âme, consolent, abolissent toute les douleurs.  
Entre « Ombres et lumières », thème retenu cette année pour cette manifestation annuelle à Fontfroide, les deux premiers concerts, nous auront permis de partager et de découvrir, cette musique pour la paix, pont entre deux rives, langage commun, qui offre aux hommes la possibilité de se retrouver et de s’accepter.

 

Fontfroide-158.JPGPar Monique Parmentier 

Distribution : Aram Movsisyan, chant ; Georgi Minasyan, duduk ; Hai Sarikouyoumdjian, duduk ; Gaguik Mouradyan, kamantcha.

Hespérion XXI : Viva Biancaluna Biffi, vielle ; Daniel Espasa, orgue ; Pedro Estevan, percussions ; Jordi Savall, direction rebec, dessus de viole et viele à archet.

Droits photographiques : Jordi Savall et Montserrat Figueras © DR : Paysage arménien : © Sandrine Andre ; Danseuse arménienne © DR ; Cloitre de l'Abbaye de Fontfroide © Monique Parmentier

Ce concert peut - être ré-écouté sur Culture Box et sera retransmis en différé sur France Musique 

Lire la suite

Fontfroide : Le dialogue interculturel source d'émotion

21 Juillet 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques Concerts

Jordi-SAVALLVIII' Festival Musique et Histoire : Pour un dialogue interculturel

Ombres & Lumières d'une Europe Multiculturelle

Du 15 au 19 juillet 2013

 

Hespérion XXI La Capella Reial de Catalunya Le Concert des Nations

Musiciens invités d'Arménie, de Grèce, d'Israël, du Maroc, de Syrie & de Turquie

Jordi Savall

C'est dans un lieu presque millénaire, l'Abbaye de Fontfroide, au cœur des Corbières, que Jordi Savall donne rendez - vous, chaque été, à son public pour célébrer et faire vivre le dialogue interculturel, qu'il défend avec ardeur depuis de nombreuses années. Avec son épouse, Montserrat Figueras, il a fondé il y a 8 ans un festival unique dans sa démarche. Ce dernier n'est pas seulement un moment de détente musicale, dans la garrigue, en plein été, au milieu des cigales, permettant à chacun d'oublier le temps d'un ou plusieurs concerts, une année de labeur. Il est aussi, et avant tout, un lieu de rencontres hors du temps, où chacun peut s'arrêter, écouter, découvrir, donner à voir et entendre sa différence. Musiciens, philosophes, conteurs, écrivains, journalistes et le public vivent ainsi des instants d'une insondable ferveur, de générosité et d'émotion. Chacun peut y percevoir la richesse de l'esprit, de ces siècles de cultures qui se sont côtoyées, tout en inventant chacune un langage qui montre combien la diversité est source de joie et d'intelligence. Ici la musique baroque occidentale croise les chemins des musiques du monde.

abbayefontfroideDes 5 concerts donnés du 15 au 19 juillet, j'ai pu en entendre deux. Le concert inaugural tout d'abord, consacré au Millénaire de Grenade, aux terres de tolérance d'Al-Andalus, où juifs, arabes et chrétiens vécurent ensemble, par intervalle, en paix. Puis le lendemain ce fût le concert consacré à "l'Esprit d'Arménie". Celui qui apporte la sérénité par le souffle mystérieux et profond de ces instruments traditionnels, les duduk et qui ouvre des horizons apaisants, balayant doutes et chagrins. 

Al Andalus, a déjà connu sa période de prospérité et son âge d'or, lorsque naît Grenade en 1013. En cette cité créée par les juifs avant l'arrivée des arabes et même des wisigoths, va perdurer jusqu'à la fin du Moyen-Age, tout un art de vivre issu des mondes musulmans, chrétiens et juifs - les civilisations du Livre.

En 1013, Al Andalus se déchire en une multitude de petits royaumes, les taifas, à la suite d'un conflit entre différentes factions musulmanes. Cordoue est réduite en cendres. Ce monde idéal où se croisaient et dialoguaient poètes, musiciens, médecins, philosophes et commerçants, ne va pas disparaître complètement. Il va trouver à Grenade, un refuge, une entité politique et culturelle où va persister pour un temps cette vision humaniste, sensible et épicurienne née au croisement des civilisations et offrant aux hommes une vision de la vie permettant de vivre en harmonie avec leur environnement.

jardins-alhambra.jpgLa diversité trouve à Grenade et chez ses califes une tolérance qui n'a pas peur de la différence. Si les tensions existent et s'entrechoquent, elles fertilisent les débats, colorent et illuminent la vie, favorisent la création et les découvertes grâce à cet exceptionnel esprit d'ouverture qui s'est développé en ce creuset de la pluralité. A Grenade se construit le dernier poème de pierre et d'eau, l'Alhambra : "Mon destin est de briller plus que tout ce qui a brillé dans l'histoire". A l'ombre des broderies de pierre, littérature, sciences et musique brillent comme jamais, d'une spiritualité intense et limpide.

Jordi Savall, a choisi à travers le programme, Grenade Eternelle, de nous raconter l'épopée de ce royaume riche et fastueux. Pour se faire, il a sélectionné des textes et des musiques qui illustrent cette période de sa naissance à sa disparition, de sa splendeur à sa décadence et s'est entouré de musiciens, chanteurs et acteurs de toutes origines et confessions. Ainsi espagnols, marocains, français, grecs, syriens et israéliens, revivent et nous font partager les émotions de ces peuples qui surent instaurer un dialogue et savourer la vie, ses joies et ses souffrances pour mieux s'enrichir au contact de leurs cultures. Tous nous font vibrer et ressentir la peur face à la violence, au déracinement, comme les inquiétudes et les joies de l'amour.

waed-bouhassoun-01.jpgL'extrême sensibilité de chacun trouve grâce au maestro catalan le juste équilibre. La résonance de l'abbatiale et des effets de spatialisation, nous transportent dans un ailleurs où le Ney et l'Oud, font chanter le vent et l'onde. Les deux conteurs René Zosso et Manuel Forcano sont les piliers de cette aventure humaine. Si le premier marque les temps forts d'une voix ample et généreuse, le second se fait poète pour mieux nous faire savourer les textes qui nous dépeignent en trois langues - arabe, castillan et hébreu- cet univers si chatoyant d'Al Andalus. La tragédie qui se noue régulièrement au cœur même de tant de beauté est marquée par les interventions flamboyantes de La Capella Reial de Catalunya. et du Concert des Nations. Tout ici brille et miroite de mille et un reflet. L'érudition de ce monde de rencontres est un trésor commun qui se partage dans ces textes merveilleusement interprétés par les solistes et tout particulièrement la chanteuse syrienne Waed Bouhassoun et le chanteur d'origine israélienne Lior Elmaleh. Leurs voix si mélancoliques, expriment la finesse, la délicatesse, la noblesse de cette cité et des hommes qui permirent aux roses de la connaissance de s'épanouir en toute liberté. Les nuances et les couleurs instrumentales sont d'une suavité fastueuse, fascinante et envoûtante. Des arabesques sonores des ouds, des guitares, de la harpe, des violes et des psaltérions à la brillance de la sacqueboute, de la trompette et du cornet à la finesse des interventions aux percussions de Pedro Estevan, tout participe à ce sentiment de vivre sous le ciel étoilé de Grenade. Et lorsque à la flûte indienne Pierre Hamon intervient, cet appel des Nouveaux Mondes, par ses volutes sensuelles, semble déjà pleurer l'irrationnelle destruction des civilisations que l'Europe chrétienne va découvrir.

repetition-fontfroide.jpgJordi Savall, ambassadeur pour la paix, est un musicien dont la virtuosité est unique. De chacune de ses interventions, à la viole de gambe au rebab et à la vielle, émane un sentiment de plénitude, d'élégante pureté, d'opulente profondeur qui fait résonner les voûtes de Fontfroide et de l'Alhambra comme nos âmes en quête de la source de paix. Sa direction précise, bienveillante, généreuse et fraternelle fait de chacun un acteur essentiel du drame.

A ses côtés, avec l'ensemble des musiciens d'Hespérion XXI, des chanteurs solistes et de la Capella Reial de Catalunya, il donne sens à tout ce qu'Al Andalus nous a transmis. Ce programme nous dit, combien vivre et avancer ensemble, en acceptant chacun en qu'il est, ne peut que nous conduire au respect de l'essentiel : la vie. En conjuguant leurs talents ils nous font découvrir combien le potentiel des valeurs communes est promesse d'avenir.

En cette soirée du 15 juillet, l'œuvre sublime que nous a laissé le royaume d'Al Andaluz, a chanté dans nos cœurs et nous a bouleversé, à l'image des paroles de cette plainte arabo-persanne "Le chemin-l'angoisse", chantée avec des nuances d'une infinie complexité par Waed Bouhassoun. Pourquoi faire subir aux femmes et aux hommes la peur, alors qu'on peut leur donner l'espoir :

 

Olivier.jpg"La couleur de l'inquiétude dans la pierre égarée

La couleur d'une imagination en route

Qui donc est passé par ici et s'est brûlé ?

Ténèbres dans mon horizon

Mon inquiétude.

On a tiré sur ma régénération et l'a lacérée

La tempête l'a emportée et l'a brûlé

Dans ses cendres sans doute

J'inventerai l'aube immaculée".

 

Voici un programme qui nous l'espérons sera redonné afin qu'un large public puisse découvrir que certaines célébrations sont d'autant plus essentielles, qu'elles nous obligent à remettre en question nos peurs et nos rejets.

 

Par Monique Parmentier

 

Musiciens invités :

Waed Bouhassoun, chant et oud ; Lior Elmaleh, chant ; Driss el Maloumi, chant et oud ; Moslem Rahal, ney ; Hakan Güngör, kanun ; Yurdal Tokcan, oud ; Haïg Sarikouyoumdjan, duduk ; Erez Shmuel Mounk, percussion ; Dimitri Psonis, guitare mauresque, santur & cloches ;

Récitants :

René Zozzo et Manuel Forcano (hébreu, arabe et castillan)

La Capella Reial de Catalunya :

Fontfroide-142.JPGRocio de Frutos, soprano ; Carlos Mena, contre-ténor ; Lluis Vilamajo, ténor ; Marc Mauillon, baryton ; Furio Zanasi, baryton ; Daniele Carnovich, basse.

Hesperion XXI :

Andrew Lawrence-King, psaltérion et harpe ; Xavier Diaz-Latorre, vihuela de mano et guitare ; Jordi Savall, rebab, vieille et viole de gambe ; Sergi Casademunt, viole de gambe ténor ; Philippe Pierlot, viole de gambe basse ; Pierre Hamon, gaita, ney et flûtes ; Jean-Pierre Canihac, cornet et trompette, Béatrice Delpierre, chalémie ; Daniel Lassalle, sacqueboute, Pedro Estevan, percussions.

Direction : Jordi Savall
Concert retransmis en replay sur France Musique

 

 

 

Concert visible sur Culture Box pendant un mois 

 

 

Crédit photographique : Jordi Savall © David Ignaszewski ; Abbaye de Fontfroide, jardins de l'Alhambra et Waed Bouhassoun © DR. Répétition émission France Musique à Fontfroide et un olivier à Fontfroide © Monique Parmentier 

Lire la suite

Messe en si par Jordi Savall : D'une inoubliable beauté

6 Juillet 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuelmesseensi.jpgMesse en Si - Jean-Sébastien Bach (1685-1750) - Jordi Savall

Alia Vox

 

Cette version de la Messe en Si fera date. Sa splendeur, sa luminosité, sa générosité, cette vibrante émotion qui l'anime, la porte aux firmaments de la discographie du Maître de Leipzig. 

Beaucoup de chefs n'ont pas hésité à enregistrer plusieurs fois La Messe en Si, l'œuvre quasi ultime, de Bach. Elle reste par son extrême complexité, celle que tous rêvent de dépasser. Le Maestro Catalan aura attendu longtemps pour l'aborder. Lui qui a fait, - avec son épouse trop tôt disparu, Montserrat Figueras, - du dialogue interculturel et inter-générationnel une clé de voûte de son engagement pour la musique, réalise ici bien plus qu'un simple enregistrement, qui de toute manière ne pouvait être qu'une référence sur le plan de la réalisation artistique, tant il nous déjà comblé de merveilles au disque. Le résultat de cette attente, se révèle la plus belle des offrandes. Il nous donne ici la Messe en Si la plus humaine et la plus vrai qui puisse être. Celle qui touche les cœurs pour ne plus être un monument mais un horizon ouvert à tous, une main tendue à l'espérance, au partage, à la vie, à la transcendance des affects, à une spiritualité universelle.

C'est à l'occasion de la VIe édition du festival "Musique et Histoire, pour un dialogue interculturel" de Fontfroide, en 2011, que Jordi Savall a organisé une académie de chant, dont l'aboutissement devait être le concert et l'enregistrement en concert de la Messe en Si.

Cette œuvre testament, au - même titre que l'Offrande musicale et l'Art de la Fugue, de Johann Sebastian Bach, ne pouvait que naturellement s'insérer dans la démarche de ce festival, tant elle est comme l'écrit Jordi Savall "l'une des utopies musicales les plus remarquables, une messe catholique composée par un luthérien, qui ne peut s'inscrire dans aucune des liturgies de ces deux croyances mais demeure l'une des œuvres majeures de tous les temps". 

La gestation de la Messe en Si est l'histoire de toute une vie. Si elle fut représentée pour la première fois en 1749, certaines pièces comme le Kyrie et le Gloria furent composées bien plus tôt, 16 ans auparavant pour ces deux dernières. Alors que d'autres comme le Credo (le symbolum nicenum) furent spécialement composées en 1748 pour être intégrées dans la Messe en Si.

L'interprétation de la Messe en Si est au centre de nombreux débats : chœur gigantesque ou intimisme du un par voix, toutes les possibilités en ont été explorées. Jordi Savall en revient quant à lui, à une proposition au plus proche de la réalité historique de l'œuvre. L'ensemble instrumental est celui requis par Bach : 12 instruments à vent et 13 instruments à archet, ainsi que l'organo di legno qui tient la basse continue tout en assurant la fonction "d'honorer dieu et de recréer l'esprit".  Quant au chœur et solistes, il se fonde sur les traditions de distribution qui avaient cours à l'époque de Bach. Ainsi il conjugue le "chœur favori" que l'on trouvait chez Biber, Schütz ou Rosenmüller (de 4 à 10 voix solistes) au grand chœur (celui de la Chapelle). Plutôt que de faire chanter par ce dernier l'ensemble des partis, il fait appel au premier, jouant ainsi sur la profondeur des affects et de l'espace. Comment ne pas être frappé par cette voix claire et solitaire qui ouvre le Credo, comme une source qui jaillit de terre pour mieux se renforcer alors que dans le Et Resurrexit, Jordi Savall choisit, au contraire de ce qui se fait bien souvent de nos jours, de faire chanter par l'ensemble du pupitre des basses, plutôt que par un soliste, le "et iterum venturus", semblant ainsi souligner la puissance de ce mystère qu'est la Résurrection.

Le jeune chœur réuni par Jordi Savall est une des grandes réussites de cet enregistrement. L'homogénéité des pupitres, leur enthousiasme, leur diction parfaite, qui rend avec pertinence et sensibilité toute sa force au verbe, - tandis que le DVD du concert nous restitue leur sourire, leur plénitude, - sont autant de qualités précieuses, qui participent à l'unicité et la magnificence de cet enregistrement. La ferveur des solistes y fait écho. Ici pas de célébrité, mais de jeunes interprètes qui s'engagent avec sincérité et émotion sous la direction charismatique et bienveillante de Jordi Savall avec la même ardeur que le chœur.

Le timbre lumineux et céleste de Céline Scheen s'unit parfaitement dans les ensembles et tout particulièrement avec celui plus sensuel et fruité de la soprano cubaine Yetzabel Arias Fernandez ou avec celui du jeune ténor japonais Makuto Sakurada dans le Domine Deus. Ce dernier est une des très belles découvertes de cet enregistrement. Dans le Benedictus son timbre brillant, sa diction soignée, son agilité vocale, offrent un instant d'enchantement dans son union mystique avec la flûte envoûtante de Marc Hantaï. La basse souple et solide de Stephan MacLeod est une des pierres angulaires de cette cathédrale musicale qu'est la Messe en Si, tandis que l'alto Pascal Bertin à la sensibilité à fleur de peau, nous touche par sa fragilité.

Le Concert des Nations est magnifique. Couleurs, jeux des clairs-obscurs, offrent une architecture vivante, luxuriante, rayonnante aux voix. Les solistes virtuoses nourrissent un dialogue fait de contrastes et d'esprit de la danse qui fait vibrer l'émotion quasi permanente qui émane de cet enregistrement.

De la fine musicalité de Marc Hantaï déjà cité, en passant par les palettes si chatoyantes du violoniste Manfredo Kraemer ou du Cor précis et fiable de Thomas Müller, aux trompettes virtuoses de Guy Ferber, René Maze et Emmanuel Alemany aux hautbois d'amour si délicats et caressants d'Alexandre Pique et Vincent Robin, Jordi Savall dispose des meilleurs musiciens possibles pour l'accompagner dans cette aventure où il ne faut surtout pas oublier Pedro Estevan aux timbales.

L'humanisme de Jordi Savall souligne ce qui fait de la Messe en Si un chef-d'œuvre unique. Fruit d'un long labeur, elle devient ici un don qui apaise, libère, nous invite à dépasser la peur du néant pour mieux percevoir la beauté du monde.

La prise de son du Cd, ainsi que celle du DVD qui l'accompagne, la restitution par l'image d'un concert magnifiquement filmé et le documentaire réalisé dans les jours qui ont précédé le concert à l'abbaye de Fontfroide, ainsi que le très beau et riche livret complètent magnifiquement cet enregistrement. Ils finiront de vous convaincre que vous avez ici un trésor qui vous accompagnera tout au long de votre vie.

Par Monique Parmentier

2 CD + 2 DVD Alia Vox

CD : Enregistrement du Concert réalisé le 19 juillet 2011 à l'Abbaye de Fontfrfroide, Narbonne (France) dans le cadre de la VIe édition du Festival "Musique et Histoire pour un Dialogue Interculturel".

CD1 : Kyrie Eleison - Christe Eleison - Kyrie Eleison ; Gloria - Durée : 50'55''

CD2 : Symbolum Nicenum (Credo) ; Sanctus - Osanna - Benedictus ; Agnus Dei - Dona Nobis Pacem : 51'20''

 

DVD réalisé par Andy Sommer ; Son stéréo 2.0, surround 5.1 ; Encodage Dolby ; Format Pal. Prise de son et montage SACD : Manuel Mohino assisté de Harry Charlier. Prduit par Xavier Dubois. Coproduction : Bel Air Média, Alia Vox et Mezzo.

DVD1 : Messe en si mineur BWV 232 (concert du 19 juillet 2011). Durée 2 h 35'

DVD2 : Jordi Savall, une messe en si à Fontfroide. Durée 51'21''

Lire la suite

John Dowland : La tendre mélancolie de l'éloquence des larmes

16 Juin 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel-dowland.jpgJohn Dowland : Lachrimae

Thomas Dunford - Lute, R. Hugues, R. van Mechelen, P. Agnew, A. Buet - Voix

Voici un CD merveilleux, nous révélant une perception oh combien sensible de la musique de John Dowland. Le jeune luthiste, Thomas Dunford, il n'a que 25 ans, a réuni autour de lui 4 chanteurs : des plus expérimentés, -Paul Agnew et Alain Buet- , aux plus prometteurs de sa génération : Reinoud Van Mechelen (déjà entendu avec Scherzi Musicali) et la révélation de ce CD, la soprano Ruby Hugues.

Certes la musique de Dowland a déjà été maintes fois enregistrée, nous laissant une discographie riche. Mais heureusement, il en est du baroque comme de la musique romantique, chaque nouvelle génération de musiciens peut si la passion l'anime, nous dévoiler une autre facette des perles précieuses que sont les œuvres des compositeurs les plus brillants. Et peut-être cela est -il d'autant plus naturel en musique ancienne qu'en musique romantique, que l'improvisation, et en particulier dans la musique pour cordes pincées, tient une place importante dans l'interprétation.

Fraîcheur et enthousiasme sont les guides de cet enregistrement des Ayres de Dowland. Thomas Dunford maîtrise avec une réelle virtuosité l'instrument des poètes. Mais ce qui nous semble plus important est qu'il en dépasse la technique. Il possède cette rare sensibilité à fleur de peau qui caractérise cet instrument du silence. Le talent des 4 chanteurs qui l'accompagnent mérite d'autant plus d'être souligné, que ces derniers magnifient les textes, avec une émotion tout aussi intense que celle qui émane du luth. Avec un art subtil, ils font apparaître la quintessence des affects en sa flamboyante sensualité.

Le siècle élisabéthain est celui de la mélancolie, et jamais une musique n'en aura si bien révéler les tourments que celle de Dowland. Ce compositeur qui lui - même se considérait comme incompris et infortuné "Semper Dowland, Semper Dolens", ne trouva une charge de musiciens à la cour d'Angleterre, que bien après la mort de la Reine Vierge, après avoir beaucoup voyagé en Europe. Représentant majeur de l'école anglaise du luth pour son époque, il est aussi connu pour ses Ayres et la valeur des textes de ces derniers, d'auteurs anonymes, qui lui ont parfois été attribués. Il en a écrit quatre livres pour voix et luth parus entre 1597 et 1612. Thomas Dunford fait appel en partie à deux de ces livres pour composer le programme de ce CD. Du premier livre, qui bien que composé au Danemark où il résidait fut publié en Angleterre, on retrouve ici Come again, Can she excuse, Go Crystal Teares et Now o now, du second livre proviennent : I saw my Lady weep, Flow my tears, Sorrow stay

L'un des motifs essentiels chez Dowland est celui de la larme, qui est évoqué ici dans Flow my tears ou dans le Lachrimae pour luth seul. Ces notes descendantes sont à la musique ce que la gestuelle est au théâtre. Qui d'entre nous n'a pas été gagné par les larmes en écoutant la musique de Dowland ? Ici impossible de ne pas y être sensible tant le talent des interprètes joue sur cette infinie délicatesse de la blessure d'amour. La transparence de ce cristal si vivant, si fluide, nous apparaît dans cet enregistrement, avec une ivresse retenue, légère et lumineuse. Elle irradie de ces instants suspendus où la confidence se murmure. Ce silence mélodieux s'y incarne en des clairs-obscurs - les mots - d'une indicible profondeur. Entre le désespoir de la séparation et la joie des retrouvailles, la vie vibre en une corde sensible. Les doigts chantent le plaisir et la douleur d'aimer, tandis que les voix invitent à s'abandonner aux songes. Les chanteurs et le musicien savourent les mots. L'union des timbres, tous plus splendides les uns que les autres, est d'une infinie mélancolie comme dans Flow my teares ou dans Now, O now. Leur complicité amicale et chaleureuse est une évidence qui donne à ce Dowland un sentiment de vulnérabilité au bonheur grave et radieux.

Ce CD est une bien belle réussite. Il en émane un étrange sentiment de plénitude, dans ce renoncement du "triste désespoir", qui vous ravira. La prise de son naturelle, un livret soigné illustré par de très belles photos de l'enregistrement réalisées par Julien Dubois, nous confirme combien le label Alpha, prend encore le temps de donner à de jeunes talents les moyens de se révéler au public.

1 CD Alpha - Durée : 64'46'' Enregistrement des pièces vocales les 11 et 12 juillet 2012 à l'église Evangélique Luthérienne de l'Ascension, Paris 17, France et des pièces pour luth les 21 & 22 août 2012 au Studio 4, Flagey, Belgique. Code Barre 3 760014 191879 - Ref Alph 187

Lire la suite

Alessandro... une version vivifiante

19 Mai 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Alessandro.jpgAlessandro, George Frideric Haendel

Opéra en trois actes sur livret de Paolo Antonio Rolli, d'après celui d'Ortensio Mauro

Decca

Cet enregistrement est un petit joyau qui scintille sous toutes ses facettes. Ici tout est joie de chanter et de vivre. On se laisse volontiers emporter par la fougue des interprètes que le jeune prodige, devenu un des plus éminents et créatifs contre-ténor du moment, Max Emanuel Cencic a réuni autour de lui.

Enregistré avant Artaserse, l'autre production que le contre-ténor croate a révélé au public cet hiver et qui a connu un grand succès, cet Alessandro de Haendel, n'est arrivé dans les bacs qu'après ce dernier. Certes, l'œuvre du Caro Sassone, n'est peut - être pas totalement aussi passionnante que celle de Leonardo Vinci, mais elle ne manque pas de charmes et de qualités, qu'une distribution sans faille relève avec panache.

Lorsqu'il écrit Alessandro en 1726, Haendel est au fait de sa gloire londonienne. Il dispose des meilleurs chanteurs, formant une troupe flamboyante, qui se produit jusqu'à cinquante soirées par an : la Royal Academy of Music. Parmi ses vedettes le castrat alto Senesino et la soprano italienne Francesca Cuzzoni. Mais comme le public en demande toujours plus, il n'hésite pas à faire venir une autre soprano transalpine, Faustina Bordoni à l'occasion de la création d'Alessandro. Il demande à son librettiste Paolo Antonio Rolli, de réadapter le livret d'origine d'Ortensio Mauro, pour favoriser des joutes vocales entre ses deux vedettes féminines. Joutes qui se poursuivirent bien au-delà de la scène alimentant ainsi le goût du scandale et de la fureur d'un public dont la passion pour l'opéra, le portait à toutes les extravagances possibles.

Autour du personnage d'Alexandre, deux princesses, l'une scythe et l'autre perse se disputent son cœur : Rossane et Lisaura. Allant de victoire en victoire à travers l'Asie Alexandre se trouve mis en difficulté devant la ville d'Oxydraque. Mais grâce à sa vaillance et à la fidélité du Général Clito, le seul qui ose par ailleurs lui tenir tête, il finit par triompher. Au camp des armées, l'attendent les deux princesses rivales qui s'inquiètent pour lui, tandis qu'Alexandre va de l'une à l'autre, leur déclarant une flamme identique avec une insouciance digne de celui qui se prend désormais pour le fils de Jupiter. Le roi de l'Inde Tassile, est quant à lui amoureux de la fière Lisaura, mais il doit la vie à Alexandre à qui il voue une sincère amitié et ne peut donc déclarer à cette princesse sa flamme. Le général Leonato jaloux d'Alexandre n'hésite pas à tenter de le faire tuer, mais ce complot échoue, renforçant l'Empereur dans sa conviction d'être de nature divine. Cela le persuade également, que le seul coupable possible de cette tentative de meurtre, est aussi celui qui lui a toujours dignement tenu tête, le général Clito. Il demande à Cleone, un autre général macédonien de l'arrêter.

Il finit par comprendre qu'il est sincèrement amoureux de Rossane. Il en fait part à Lisaura, lui annonçant qu'il ne souhaite pas s'opposer à l'amour du fidèle roi des Indes Tassile pour cette dernière. Les conspirateurs qui se sont réunis, décident d'affronter Alexandre et son ami fidèle, après avoir rallié Clito. Battus ils demandent leur grâce à Alexandre qui l'a leur accorde bien volontiers. Lisaura accepte enfin l'union avec Tassile, tandis que Rossane et Alexandre s'unissent.

C'est un plateau vocal somptueux que Max Emanuel Cencic et Parnassus Arts Productions ont rassemblé pour défendre cette œuvre, qui n'est pas totalement inconnu et à déjà bénéficié d'autres enregistrements.

L'enthousiasme et sa maîtrise technique de Max Emanuel Cencic, lui permettent d'aborder le rôle de l'empereur macédonien avec une facilité désarmante. Son timbre sensuel, sa virtuosité, sa grande sensibilité créent un personnage bien plus complexe qu'il ne peut paraître de prime abord. Son Alexandre est tout à la fois démesure et générosité, vaillance, tendresse et folie. Il souligne avec acuité les faiblesses d'un souverain absolu, le rendant plus humain, peut-être plus adolescent que ridicule dans sa quête d'une paternité divine. Rien ne lui fait peur, et c'est avec beaucoup d'intelligence qu'il nous offre un Alexandre séduisant au possible.

Quant au duo féminin, j'avouerai une petite préférence pour la jeune soprano russe Julia Lezheneva.

Son timbre lumineux qui irradie, sa dextérité technique qui s'écoule comme une onde vive, que ce soit dans "Alla sua gabia d'oro" ou dans  "Lusinghiero dolce pensiero" où elle se régale de chaque mot et de chaque note, font de chacune de ses interventions des instants vraiment jubilatoires. Elle est une héroïne douce et fragile, constante et résolue, qui ne peut que séduire le plus puissant des rois. Sa technique impeccable et son magnifique phrasé se retrouvent également chez Karina Gauvin. La soprano canadienne à la voix flexible et charnue est une rivale digne et royale. Elle donne à ressentir dans "Che tirannia d'amor", toutes les souffrances d'un amour non partagé et la noblesse déchirante d'une femme blessée qui se refuse aux effets pervers de la jalousie. Les duos entre les deux soprani permettent une fusion des timbres d'une grande séduction.

Le reste de la distribution est tout aussi exceptionnel, avec en particulier le contre-ténor Xavier Xabata, -dans le rôle de Tassile, le roi des Indes-, dont la rondeur et la suavité du timbre font de son "Vibra cortese d'amor" certainement l'un des plus beaux moments de cette version d'Alessandro. In-Sung Sim offre à son Clito, ce général qui au nom de sa fidélité au roi Philippe, lutte contre la folie son fils, une belle autorité, tandis que Juan Sancho, est un traître vaillant à la voix homogène et agile. Enfin dans le petit rôle du serviteur attentif et ambitieux, Cleone, Vasily Khoroshev ne démérite pas bien au contraire. Il fait preuve de mordant dans son air "Saro qual vento che nell'incendio spira".

La direction tout à la fois élégante et dynamique de George Petrou, soigne les couleurs, offrant une palette chatoyante aux chanteurs. L'ensemble Armonia Atenea, sur instruments d'époque, par sa palette et une belle énergie, aussi bien dans les arie que dans les récitatifs accompagnés, révèle tout à la fois la fureur et la poésie élégiaque de la partition de Haendel.

La musique est avant tout un plaisir que l'on partage pour rendre la vie plus belle. C'est bel et bien ici le cas lorsque s'achève Alessandro, une folle envie de le découvrir à la scène nous accompagne. Pas de doute, la passion de Max Emanuel Cencic pour des partitions rares ou oubliés et le soutien sans faille de Parnassus Arts Productions offrent au public un renouvellement du répertoire plein de vitalité.

Par Monique Parmentier 

Distribution : Alessandro Mago, Max Emanuel Cencic ; Rossane, Julia Lezneva ; Lisaura, Karina Gauvin ; Tassile, Xavier Sabata ; Leonato, Juan Sancho ; Clito, In-Sung Sim ; Cleone, Vasily Khoroshev.

3 CD Decca - Durée : CD1, 78'07 ; CD 2, 66'04 ; CD 3, 45'55. Enregistré à Athènes  du 2 au 5 et du 9 au 15 septembre 2011 au Dimitris Mitropoulos Hall, Megaron, The Athens Concert Hall, Athènes. Livret en français, anglais, allemand. Réf : 478 4699. Code Barre : 28947 8499

Lire la suite

L'innefable mélancolie de la viole

12 Mai 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel_couperin_jordi-copie-1.jpgAlia Vox Héritage - François Couperin - Pièces de violes 1728 (réédition)

Jordi Savall - Ton Koopman - Arianne Maurette

Ce Cd est en fait une réédition d'un enregistrement réalisé pour le label Astrée en 1975. Celui qui porte le n° 1 de sa collection. A son écoute, on ne peut s'empêcher de penser, qu'il est certains enregistrements, comme celui-ci, qui ont une âme si intense, si fulgurante qu'ils rendent quasi impossible toute autre proposition.

En 1975, Jordi Savall n'a encore jamais joué sur un instrument d'époque, uniquement sur une copie. Et pourtant il dépasse, transcende immédiatement la technique instrumentale, redonne un souffle de vie à un instrument dont la voix s'était tue depuis bien longtemps. Il nous émerveille, en nous révélant la grâce ineffable, qui émane des pièces de violes de François Couperin qui elles aussi avaient été réduites au silence et à la poussière.

Mais doit-on s'étonner de la maturité de cet artiste dès cette époque, quand on sait combien tout au long de sa vie, il a su reconnaître l'importance et la valeur des rencontres qui lui ont permis d'avancer. Et c'est à ces rencontres qu'il dédie cette réédition.

Il évoque dans le superbe livret qui accompagne ce CD avec beaucoup de chaleur, d'amitié, d'amour et d'humanisme, ces êtres exceptionnels qu'il a croisé tout au long de sa vie. Sans eux, ce n'est pas seulement sa carrière et sa vie qui eurent peut-être pris d'autres chemins, mais plus encore tout le mouvement baroque qui n'aurait probablement été qu'un épiphénomène élitiste, comme certains de ses détracteurs à l'époque l'avancèrent.

Après une évocation de celle qui fut sa muse et notre amie à tous, Montserrat Figueras, il rend ici hommage à celle sans qui cet enregistrement n'aurait jamais vu le jour : Geneviève Thibault, Comtesse de Chambure. Cette dernière tint un rôle essentiel auprès de la génération baroque à laquelle appartient Jordi Savall. Cette grande collectionneuse d'instruments anciens, savait être généreuse et loin de vouloir se contenter d'accrocher ses trésors sur des cimaises ou de les enfermer à double tour, elle les prêtait bien volontiers. Et c'est ainsi que  le jeune musicien catalan pu disposer d'une belle basse de viole à sept cordes d'un facteur anonyme de la fin du XVIIe siècle, pour travailler. Et c'est cette basse de viole au "son chaleureux et ample" que nous entendons ici.

C'est par la Comtesse de Chambure qu'il rencontra l'autre personnage essentiel, à cette belle aventure : le fondateur du label Astrée qui devait l'accompagner durant 25 ans, Michel Bernstein. Ces pièces de violes de François Couperin avec celles de Marin Marais, signèrent la naissance de ce label. L'ensemble de ces enregistrements sont devenus des références, malheureusement disparues des linéaires. A tous ceux qui aiment cet instrument si sensible, à fleur d'émotions qu'est la viole, Jordi Savall fait don de cette réédition indispensable, ainsi qu'à tous ceux qui contribuèrent à la "Deffence & Illustration de la Musique Française".

François Couperin a 60 ans lorsqu'il compose ces deux Pièces de violes. Certains ont avancé qu'elles l'ont été en hommage à Marin Marais qui vient de mourir. Mais il n'en est rien. Ses pièces testamentaires, François Couperin, alors totalement retiré de la vie musicale, devait disparaître cinq ans après les avoir composées, ne nous sont parvenues qu'en un seul exemplaire. Celui-ci dormait à la BNF, sous le couvert d'un quasi anonymat, qui réduit la signature de Couperin à des initiales: "M.F.C." Cet unique exemplaire porte la date de publication de 1728. Modeste et discret, Couperin ne connut jamais la gloire, mais une belle carrière, recueillant l'estime de tous.

Sa musique est à son image comme l'écrit si justement Harry Halbreich dans le livret : "il ne quitte qu'exceptionnellement ce domaine de la confidence où l'esprit se borne à être le serviteur efficace du cœur et des sens réconciliés". Il précise également, nous permettant ainsi de mieux cerner encore cette personnalité attachante, mélancolique et douce, à propos de sa fameuse devise  "J'aime mieux ce qui me touche que ce qui me surprend", "qu'elle implique toute une esthétique accordant la primauté à l'expression naturelle, et qui, loin d'exclure la recherche l'exalte au contraire, au service exigeant de cette juste expression".

Je vous invite très chaleureusement à lire ce livret composé de trois textes admirables, l'un de Jordi Savall, l'autre de Michel Bernstein et le dernier de Harry Halbreich. Il nous rappelle par sa qualité tant esthétique que rédactionnelle qu'un CD, ce n'est pas seulement "une galette" sur laquelle on grave de la musique, mais également et surtout un objet précieux et intelligent qui redonne vie à des univers musicaux dans toute leur contextualité.

Outre la viole historique dont dispose ici Jordi Savall, Ton Koopman bénéficie d'un clavecin Gilbert des Ruisseaux, conçu du temps de la jeunesse de François Couperin et Arianne Maurette d'un Barak Norman de 1697 qui lui fût prêté par Jordi Savall.

La complicité entre les trois musiciens ne fait aucun doute et si la basse de viole de Jordi Savall est certes dominante, faisant chanter les ombres et les reflets, il est magnifiquement accompagné par Ton Koopman et Arianne Maurette. La luxuriance instrumentale dans la Passacaille de la Première Suite est envoûtante et fascinante, tant elle semble habitée la danse d'une nostalgie lumineuse.

Ici les voix murmurent leur douloureuse et pourtant si sereine mélancolie. Jordi Savall fait chatoyer toute la gamme expressive de la viole. En un soupir, en une caresse, ils redonnent vie à ces fantômes et souvenirs qui nous entourent. Les Préludes de la Première et Deuxième suite, sont des invitations à la méditation qui suspendent le temps. La Pompe Funèbre de la Seconde Suite, est comme un chant ensorcelant qui nous emporte vers cet autre monde où le cœur s'apaise en toute confiance tandis que la Chemise blanche semble danser tel un papillon virevoltant suivant cet enterrement en une folle ascension.

Entre rigueur et imagination, la fine sensualité de la musique nous enveloppe ici, nous apaisant, en faisant de l'instant fugace, un pur joyaux de virtuosité et d'humanité.

Cet enregistrement ne peut que trouver une place d'honneur dans votre discothèque. Il nous offre un instant de vérité, d'une spiritualité à l'universalité généreuse et bouleversante.

Par Monique Parmentier

 

1 CD Alia Vox - Durée : 43'43'' - Enregistrement réalisé en l'église de Saint Lambert des Bois, Yvelines, en décembre 1975 par les soins du Dr Thomas Gallia, Milan -Réf ALIA VOX AVS 9893 - code barre : 7 619986 398938

Lire la suite

Torelli en France : des débuts difficiles

9 Mai 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Dossiers Musique

cadredescene_petit-Bourbon.jpgJe vous invite à me suivre et à pousser les portes d'un théâtre aujourd'hui disparu, qui avait pour nom le Petit Bourbon. Situé face à Saint-Germain l'Auxerrois, en lieu et place de la Colonnade de Perrault que nous connaissons tous aujourd'hui. Il va accueillir, ce "Grand Sorcier", que j'avais laissé il y a quelques mois, alors qu'il s'apprêtait à quitter Venise, ville du songe baroque par excellence, qui vit naître grâce à lui en partie, l'opéra public, tel que nous le connaissons aujourd'hui. Voici un dessin, qu'il réalisa de la salle, aujourd'hui conservé dans le fond des Menus Plaisirs, aux Archives Nationales, fond documenté par Jérôme de la Gorce.

Torelli arrive en France en juin 1645 persuadé que la Cour de France va être fasciné par ses dons et qu'il va y acquérir une renommée internationale. Les débuts difficiles qu'il va y connaître, sont en partie du à une erreur d'interprétation de sa part quant à celui qui le recrute. Non la Reine de France comme il le pense mais les Comédiens italiens.

Anne d'Autriche recherche en fait un machiniste et un maître de ballet pour ces derniers. anne-autriche-rubens.jpgElle a pour cela écrit à Odoardo Farnèse (1622-1646), duc de Parme, son interlocuteur habituel en Italie pour ce type de question.

Dans son courrier elle ne lui demande pas de faire venir Torelli, mais le chorégraphe Giovan Battista Balbi (date sous réserve 1617-1657, on le sait actif dans la première moitié du XVIIe siècle), dit Tasquin. Balbi et Torelli se connaissent. Balbi étant empêché, le duc de Parme ne peut immédiatement répondre à la demande de la Reine de France. Voulant la satisfaire, il contacte Giacomo Torelli, dont on pense qu'il l'a connu alors que ce dernier faisait son apprentissage auprès de l'architecte du Teatro Farnese, Giavan Battista Aleotti (1546-1636). 

Voici cette lettre qui devait tout changer et dans laquelle Torelli n'est pas cité :

"... Mon cousin, la troupe des Comédiens italiens estant retenue en France et entretenue par le Roy, Monsieur mon fils, ne se trouve pas si complète que l'on a besoing de quelques acteurs de vos états. C'est ce qui m'oblige à vous faire ce billet pour vous briller de vouloir permettre au nommé Buffette1 de venir en France avec Anjuline, femme de Fabriccio, napolitain ; et si elle ne pouvait pas venir Ipolita ou Diana pourront prendre la place. Je vous demande aussi Jean Baptiste Balbi, dit Tasquin, danseur et décorateur de Téatre appelé Camillo [...]. Paris, le 12ième jour de mars 1645. Anne2.

Torelli 5059C'est en fait à l'initiative des Comédiens Italiens que le scénographe vénitien doit son invitation à venir à Paris. Ce sont eux qui ont permis à Anne d'Autriche de rédiger ce courrier. Ce qu'il ignore apparemment de toute bonne foi et qui va provoquer chez lui une réaction de rejet et de nombreux soucis avec les Comici. Ces derniers sont à l'époque connus non seulement pour leur talent en matière d'improvisation et de sens du comique, mais également pour les tragédies qu'ils montent régulièrement. Leur vaste répertoire demande à développer des moyens scénographiques. Si bien souvent c'est à l'intérieur de la troupe qu'ils trouvent les ressources nécessaires pour y faire face, il arrive aussi que les problématiques en matière de mise en scène nécessitent de vrais spécialistes. Deux de leurs comédiens viennent de rentrer en Italie et ils doivent les remplacer. Ils savent que de son côté Mazarin s'apprête à embaucher sa propre troupe d'Italiens tout en étant également en pleine querelle avec les Comédiens français de l'hôtel de Bourgogne. Faire connaître aux Français les spectacles vénitiens dont la splendeur a acquis une certaine réputation est donc pour eux une manière certaine de se renouveler et de faire face à la concurrence.

La Cour de France est friande d'intermèdes dansés et des divertissements intégrés dans les pièces de théâtre. Quant au public, que ce soit celui de la Cour ou de la ville, il aime la féérie et les enchantements que l'on retrouve dans la littérature de l'époque. De plus il souhaite désormais voire dépasser la splendeur des costumes et est donc prêt à se laisser emporter par des effets de machinerie vers ces "autres mondes" où règnent les sortilèges et la folie, le songe, les dieux et le romanesque.  Les Comédiens Italiens souhaitent donc monter la Finta Pazza pour s'assurer ce public exigeant.

Particulièrement déçu à son arrivée de découvrir qu'il n'est donc pas directement employé par la Reine de France, lui qui est issu de la noblesse, Torelli rechigne très sérieusement à travailler pour les Comici. Et ses regrets sont d'autant plus accentués qu'il apprend qu'un spectacle se prépare à la Cour, dont la machinerie est confiée à un français. Il se plaint amèrement de cette situation au duc de Parme, en écrivant en juin 1645 et janvier 1646, au secrétaire de ce dernier le marquis Gaufredi. Il souligne entre autre qu'un homme "exerçant une profession aussi honorable et relevée que la sienne soit au gage d'une troupe d'acteurs". Il menace d'ailleurs à plusieurs reprises de rentrer en Italie. Et c'est l'intervention directe de la Reine qui va l'obliger à se mettre au travail. Cette dernière lui demande expressément "de ne pas porter préjudice aux entreprises des Comici"

.

Après une période d'inactivité, il comprend qu'il ne peut faire autrement quFinta-Pazza.jpge d'éblouir Paris, pour parvenir à toucher la Cour de France et il se met donc au travail. Les Comédiens Italiens lui ont commandé la Finta Pazza qu'il a créé en 1641 au Teatro Novissimo. Il dispose de la grande salle du Petit-Bourbon. Pour réaliser ses mouvements de machine et construit un cadre de scène qui paraît aux contemporains aussi élevé que les églises voisines.

L'œuvre est adaptée au goût français, des coupures sont effectuées, les récitatifs remplacés par des dialogues, des ballets rajoutés, ainsi qu'un Prologue. Comme à Venise, Torelli se préoccupe de la publicité de son travail et fait graver en taille-douce par Nicolas Cochin les dessins de ses décors, bien avant même les représentations

Transporté dans le jardin de Flore, dès le lever de rideau (usage déjà en pratique à Paris), le public découvre les effets de la perspective créées par trois allées de cyprès qui aboutissent à un palais. Puis surgit la première machine de la droite de la scène : un char portant l'Aurore, tiré par deux génies brandissant des flambeaux. Prologue.jpgLes lumières tiennent également une place importante dans le travail de Torelli. On pense qu'il s'est pour cela inspiré du traité Pratica di fabricar scene e macchine ne' teatri de Nicola Sabbattini (1574 - 1664). Après avoir reçu trois lys d'or d'esprits ailés, le char de Flore quitte sans bruit la scène par la gauche, tandis que le décor de l'Acte 1 remplace tout aussi silencieusement celui du Prologue. Pour plaire aux parisiens Torelli remplace le Port de Venise par l'île de la Cité en fond de décor. Vous pouvez retrouver la description de ce ballet dans le livre de Marie-Françoise Christout : Le ballet de cour de Louis XIV. La représentation eut lieu le 14 décembre 1645 devant la Régente et fût un succès. 

Dans ces décors imprégnés de l'esprit baroque, tout est mouvement et surcharge décorative. Si les parisiens ont déjà bénéficié du travail de décorateurs imaginatifs, le luxe des costumes palliait bien souvent à l'absence réelle de machinerie et de décors et les moyens mis en œuvre par Torelli, ne font preuve d'aucune modestie, bien au contraire. Les changements à vue, ne laissent aucun temps morts. L'extravagance va même jusqu'à inclure des ballets à entrées d'ours, de perroquets et autres animaux destinés à amuser le roi (rappelons qu'à l'époque Louis XIV n'a que 7 ans) et dont la chorégraphie est due à Giovan Battista Balbi. Les ours sont fait de carapaces en osier cousues de fourrure portées par des enfants et les perroquets des figurines manipulées par les indiens (voir ci-dessus) à l'extrémité de bâtons. Valerio Spada en a gravé les figures, à la demande de ce dernier. Balbi BruxellesVoiture et Maynard dédièrent des sonnets enthousiastes à Mazarin. Quant au sévère Olivier Lefèvre d'Ormesson, il écrivit dans son journal : " Entre toutes ces faces différentes la perspective était si bien observée que toutes ces allées paraissaient à perte de vue quoique le théâtre n’eust que quatre ou cinq pieds de profondeur... L’aurore s’élevait de terre sur un char insensiblement et traversait ensuite le théâtre avec une vitesse merveilleuse. Quatre zéphirs étaient enlevés du ciel de mesme tandis que quatre descendaient du ciel et remontaient avec la mesme vitesse. Ces machines méritaient d’être vues"

Mais rappelons tout de même que Torelli n'est pas seul, même si dès cette époque, c'est son nom que l'on retient. La Finta Pazza (la Folle supposée) est une comédie lyrique en un prologue et trois actes qui requiert de gros moyens. La musique composée par Francesco Paolo Sacrati (1602-1650), retient l'attention et plus encore les chorégraphies de Balbi, l'autre nom que l'histoire va retenir.

 

La troupe des italiens, dont certains noms apparaissaient dans le courrier d'Anne d'Autriche, s'est en partie recomposée en même temps que l'arrivée de Torelli.

dellabella02 Le célèbre zanni Buffetto, acteur et musicien, Carlo Cantù (1609-1664), - dont l'image gravée ci-dessus le représente avec la guitare et des instruments musicaux à ses pieds dont il sait jouer, sur le fond de la vue de Paris avec le Pont Neuf qui évoque la scène réalisée par Torelli, dans la Finta Pazza- qui était auparavant au service des Farnese, est une recrue de choix. Torelli rendit malgré ses relations difficiles avec les Comici, hommage au travail des chanteuses dans son Explication des décors du théâtre et les arguments de la Pièce : à la Lucilla qui tenait le rôle de Flora (Luisa Gabrielli), à la Diana (Giulia Gabrielli) qui tenait les rôles de Teti et de Deidamia et à  Margherita Bertolazzi qui chanta le Prologue dans le rôle d'Aurora ("dont la voix est si ravissante que je ne puis la louer assez dignement"). On trouve également dans la distribution Anna Francesca Costa, dite "la Checca". Le succès italien puis français de la Finta Pazza montre combien "cette œuvre joua un rôle premier dans la mise en place du circuit qui, à partir de la première moitié du XVIIe siècle, unifia durablement le marché de l'opéra, de Milan à Naples, avec son centre propulseur à Venise".

Torelli retrouvera les Comici en 1658, pour "Rosaure, Impératrice de Constantinople". Mais nous y reviendrons.

En attendant et fort de ce succès de Torelli que confirme toutes les gazettes de l'époque, la Reine décide de l'adjoindre au Duc D'Enghien pour l'organisation de ce fameux grand ballet de cour, qu'il a cru devoir lui échapper et qui doit se dérouler durant l'année 1646. Dès le 11 janvier de cette année toutefois, il doit s'occuper de monter Egisto. Non celui de Cavalli comme on l'a longtemps cru, mais celui de Marazzoli donné en l'honneur du Cardinal Antonio Barberini de passage à Paris. La première représentation en a lieu le 13 février en présence d'une Madame de Motteville qui s'y ennuie. C'est le cardinal romain qui suggère à Mazarin de faire venir d'Italie, le compositeur Luigi Rossi. Toute une équipe de chanteurs et d'artistes arrive en même temps que lui. Ils vont tenter avec l'Orfeo de faire découvrir et aimer l'opéra italien au public français.

 

Acte1_scene3.jpg

 

CE DOSSIER ETANT EN COURS DE REDACTION, J'ESPÈRE QUE VOUS ME PARDONNEREZ LES ERREURS ET FAUTES QUI PEUVENT S'Y TROUVER

 

Sources :

- Giacomo Torelli, l'invenzione scenica nell'Europa barocca

- Les lieux de spectacle dans l'Europe du XVIIe siècle : actes du colloque du Centre de recherches sur le XVIIe siècle européen, Université Michel de Montaigne-Bordeaux III, 11-13 mars 2004 / édités par Charles Mazouer

- Marie-Françoise Christout : Le ballet de cour de Louis XIV.

 

Iconographie :

- Petit Bourbon, dessin de Giacomo Torelli - 1660 - Archives Nationales - Fond des Menus Plaisirs

- Portrait de la Reine Anne d'Autriche par Pierre Paul Rubens (1577-1640) au Musée du Louvre

-Jardin de la cour Royale, Acte II, scène 5 et 8, Dessin préparatoire, Paris, BNF, Bibliothèque, Musée de l'Opéra

- La Finta Pazza, dessin de Giacomo Torelli et Nicolas Cochin, Archives Nationales, Fond des Menus Plaisirs

- Prologue, jardin de Flore, dessin de Giacomo Torelli, Bibliotheca Federiciana,  Fano, Italie

- Ballet des perroquets - Gravure de Valerio Spada (Bruxelles, 1649), Bruxelles, Archives de la ville. Un exemplaire est conservé en France à l'INHA

- Carlo Cantu dit Buffeto par Stefano Della Bella et Jean Couvay. Da Cicalamento in caazonete ridicolose o vero trattato di matrimoni tra Buffetto e Colombina comici. Firenze, Massi 1646

- Palais de Licomède, Acte 1, Scène 3, Peinture sur toile réalisée au XVIIIe siècle, sans attribution. Pinacoteca Civica, Fano, Italie

Armoiries

Lire la suite

Histoires sacrées : la sensualité italienne,le cœur qui bat de la Chapelle Royale

27 Avril 2013 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

judith_ou_bethulie_liberee_le_massacre_des_innocents.jpgMarc Antoine Charpentier (1643 - 1704) : Judith ou Béthulie libérée et le Massacre des Innocents
Les Pages, les Chantres & les Symphonistes du Centre de musique baroque de Versailles (CMBV), direction, Olivier Schneebeli
Si ce CD ne nous offre qu'une partie d'un concert  de la saison d'automne 2012 du CMBV, ce que d'aucuns pourront toujours regretter, il n'en est pas moins la preuve du travail remarquable réalisé par Olivier Schneebeli à la tête de la meilleure maîtrise de France : les Pages et les Chantres de cette institution fondamentale pour la redécouverte du répertoire baroque français.
Dans les deux œuvres figurant ici, c'est tout l'art de Marc-Antoine Charpentier que l'on retrouve. Ce disciple de Carissimi, représentant du style italien en France, nous offre dans Judith comme dans le Massacre des Innocents un langage musical dissonant et très dense du point de vue contrapuntique, en total opposition au style français de Lully.
Ce sont deux des histoires sacrées qu'il a composé, dans sa riche production, que l'on découvre dans ce programme de concert. Tout d'abord, Judith sive Bethulia liberata, datant de 1660, époque où Charpentier revient de Rome. Le texte en est adapté de l'Ancien Testament. Elle comporte deux parties, la première se passant dans la Cité de Béthulie dont Holopherne et les Assyriens font le siège en privant d'eau ses habitants. La seconde se déroule dans le camp d'Holopherne où Judith, une veuve d'une grande beauté, se rend pour les délivrer. Elle parvient à mettre en confiance et à faire boire, le chef des Assyriens puis lui tranche la tête pendant son sommeil. Elle retourne alors parmi les siens pour leur annoncer leur délivrance.
angesvCaedes Sanctorum Innocentium daterait de 1683. Cette histoire sacrée relate une histoire sombre et terrifiante, qui démontre que le pouvoir peut conduire aux pires exactions : le massacre des enfants de Béthléem ordonné par Hérode. Le texte ne provient pas de fragments bibliques, mais recourt à l'Evangile selon Saint Mathieu pour l'exorde de l'Ange qui vient demander à Joseph et Marie de fuir en Egypte. Charpentier y déploie tour à tour un style aussi bien guerrier ou plaintif, mêlant la terreur et l'espérance, l'abjection et le divin.
Ces histoires sacrées trouvent leur filiation dans les grands oratorios romains et sont un genre très prisé au XVIIe siècle. Elles témoignent d'une spiritualité exaltée, toute en ombre et lumière, dignes filles musicales du caravagisme.
La première qualité de l'interprétation que l'on remarque d'emblée, c'est la déclamation soignée, tout aussi bien du chœur que des solistes. Elle relève la dimension tragique des textes chantés. L'équilibre entre les différents pupitres, la grande opulence des couleurs et des ornementations, l'engagement dramatique de tous, y compris des musiciens, nous racontent des histoires, qui vibrent dans toute leur passion et leur théâtralité.
Deux des solistes, sont issus de la maîtrise versaillaise, le jeune haute-contre Erwin Aros et la soprano tchèque Dagmar Sasková. Tous deux possèdent des timbres lumineux, fruités et inspirés, une projection soignée et claire. La Judith de Dagmar Sasková, possède l'autorité naturelle et l'abattage de ce personnage, qui ne recule devant rien pour sauver son peuple, soutenue par une foi absolue. L'ange d'Erwin Aros est un messager convaincant et apaisant.
angev2Dans les rôles d'Holopherne et d'Hérode, la souplesse vocale d'Arnaud Richard caractérise ses personnages avec puissance tout en en soulignant les failles qui finissent par les anéantir. Jean-François Novelli manie l'expressivité avec subtilité et un sens du pathétique qui révèle tant la faiblesse que l'accablement qui sourde d'Ozias.
Du chœur émane tout à la fois la noblesse et la sensibilité, une lumière qui enveloppe, un désespoir qui poignarde, une espérance qui irradie, une sensualité baroque que caresse le soleil à son coucher.
Les musiciens réunies pour ce concert, apportent des couleurs et des contrastes tout en clairs-obscurs. La direction attentive et souple, aristocratique et généreuse d'Olivier Schneebeli dessine avec conviction des univers à la spiritualité incandescente. Il met en gloire ce style unique, qui permet à la Chapelle Royale de retrouver sa musique et de donner aux anges d'or et de pierre un coeur qui bat. La prise de son naturelle et chaleureuse, met en valeur l'acoustique idéale, pour ce répertoire, de la Chapelle Royale, tandis que le livret s'il n'évite pas quelques coquilles dans le texte, illustre et documente avec beaucoup de soin, le caractère vibrant et à fleur de peau de cet enregistrement.

Judith sive Bethulia liberata H391 
(Judith ou Béthulie libérée), solistes :
Dagmar Sasková, Judith ; 
Erwin Aros, historicus et ex Israel I ; Jean-François Novelli, Ozias, 
historicus ex Israel II ; Arnaud Richard, Holofernes,
 historicus ex Assyriis, historicus ex filiis Israël ; Marie Favier, (Chantre), Ancilla 
; Jozsef Gal, (Chantre), soliste in historici ex filiis Israel ;
 Hugo Vincent, (Page), soliste in chorus ex Israel

Caedes Sanctorum Innocentium H411 
(Le Massacre des Innocents),  Solistes
Erwin Aros, Angelus
 ;
 Jean-François Novelli, Historicus ; Arnaud Richard, Herodes

Dagmar Sasková, Mylène Bourbeau (Chantre), Marie Favier (Chantre), chorus matrum A -
Paul Figuier (Chantre), Alix de la Motte de Broöns et Hugo Vincent (Pages), chorus matrum B
1 CD K617 durée : 59'19 - Enrigistré en public à la Chapelle Royale à Versailles les 5 et 6 octobre 2012 dans le cadre des concerts des journées d'automne co-réalisées par le CMBV et Château de Versailles Spectacles - Réf K617242 - Code barre : 3 383510 002427
 
Les Pages, les Chantres & les Symphonistes du Centre de musique baroque de Versailles - Direction, Olivier Schneebeli
 
Les Symphonistes : Benjamin Chénier, violon 1 ; 
Léonor de Recondo, violon 2 ; 
Pierre Boragno, flûte 1
 ; Jean-Pierre Nicolas, flûte 2
 ; Krzysztof Lewandowski, basson
 ; Sylvia Abramowicz, viole de gambe ; 
Eric Bellocq, théorbe
 ; Fabien Armengaud, orgue positif et clavecin
Droits photographiques : photos prises par mes soins à la Chapelle Royale/Château de Versailles
Lire la suite
<< < 10 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 > >>