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Le blog de Susanna Huygens
Articles récents

Esprit d'Arménie : le souffle de l'infini

14 Octobre 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Esprit d'Arménie

Hespérion XXI - Jordi Savall

Georgi Minassyan, Haïg Sarikouyoumdjian, Guaguik Mouradian, Armen Balalyan

Alia Vox

Dans la présentation de ce nouvel enregistrement, Jordi Savall en quelques mots nous dit tout ce que la musique arménienne, lui a apporté après la disparition de Montserrat Figueras. A travers Esprit d'Arménie, il partage avec son public en compagnie de quelques musiciens d'Hespérion XXI et de quatre musiciens arméniens une part intime et profonde, celle qu'il a trouvé aux sources même d'une civilisation qui a dépassé sa souffrance en trouvant la voix (la voie) de la « consolation ». Il nous invite ici à la découverte de la poésie et de l'harmonie d'un univers étrange et fascinant où la musique pour lutter contre la souffrance, la séparation, la peur, le deuil a tenu un rôle essentiel.

@DR

Et c'est par les vibrations d'un instrument unique qui appartient à l'histoire même de la culture arménienne, le Duduk, que la beauté de cet autre monde nous parvient.

Dès les premières mesures par son chant envoûtant il nous guérit de nos blessures permettant à nos cœurs de nous abandonner à nos émotions sans en souffrir. Il nous suffit d'entendre la douce plainte de cet instrument pour devenir à notre tour, sensible à son univers secret et grave.

Jordi Savall a souhaité rendre un hommage tout particulier à sa muse en enregistrant la musique d'un peuple dont elle a profondément aimé la culture et ses instruments au souffle divin.

La culture fut un lien essentiel pour ce peuple, à qui aucune tragédie ne fut épargnée, pour parvenir à maintenir son unité et ce malgré les massacres, les destructions et la diaspora, sans compter les drames provoqués par les séismes qui secouent cette région du monde.

Si en Europe aujourd'hui, le génocide de 1915 est aujourd'hui connu voir reconnu, l'histoire de cette civilisation vieille de plus de 3000 ans est d'une richesse bien souvent insoupçonnée. Sur le mont Arafat qui domine l'Arménie, la légende veut que Noé vînt s'échouer et que le souffle de Dieu permît aux eaux qui avaient ravagé la terre de diminuer. Depuis l'antiquité entre instabilité géologique et turbulences politiques, l'Arménie même dépouillée de ses terres, a maintenu son unité intellectuelle, son âme, envers et contre tout grâce à sa foi chrétienne et à la magie envoûtante de ses légendes, de ses histoires et de sa musique.

armenie.jpgC'est aux sources même de cette musique arménienne que Jordi Savall, a trouvé son inspiration. Dans un recueil de chansons publiées en 1982 par le musicologue Nigoghos Tahmizian, il a découvert des mélodies dont il offre ici une version instrumentale d'une grande magie. Il en reprend les textes en exergue dans le livret. Issu d'une tradition orale extrêmement éclatée en raison de la diaspora, les thèmes en sont divers. De la chanson de geste à la plainte de l'exilé, des jeux amoureux à l'hommage à la beauté du monde, toutes ses mélodies ont un commun leur identité. Je ne peux que vous conseiller la lecture du livret extrêmement soigné et complet qui accompagne cet enregistrement pour mieux en comprendre la construction.

jordi-savall.jpgQue dire de l'interprétation, si ce n'est que du début à la fin du CD, on se sent emporté dans un autre monde. Celui d'horizons infinis où le regard se perd et où l'âme s'apaise. La fascination ensorcelante qu'exercent les duduks nous emporte aux frontières de la conscience comme aux frontières des mondes connus, avec l'envie de les dépasser sans crainte. Ici le corps oublie et nos esprits peuvent partir en quête d'une vérité qui n'a guère besoin des mots pour s'exprimer. L'on cède et se laisse séduire par l'onirisme de la musique. Jordi Savall sur différents instruments (rebec, dessus de viole, vièle à archet) nous dévoile le monde des "cueilleurs de dragons", celui des "dix mille sources" où nous pouvons désaltérer notre soif d'amour. Son archet ainsi que celui de Guhuik Mouradjan au Kamantcha, comme le souffle des joueurs de duduk (Georgi Minassyan, Haïg Sarikouyoumdjian), ou le rythme des percussions et des tambours laissent "s'épanouir les fleurs". Grâce aux musiciens les pluies dévastatrices deviennent une rosée aussi claire que le cristal. La brise suave, sensuelle et caressante de la musique nous aide à dépasser le chagrin et à poursuivre notre route vers cet inconnu qui nous attend, tout là - bas, loin très loin et où de nouveaux amis sauront nous accueillir.

Par Monique Parmentier

1 CD Alia Vox AVSA 9892 Durée : 76'53'' - Code Barre : 7 619986 398921 - Enregistré à la Collégiale de Cardona (Catalogne) les 29 et 30 mars et 8, 9 et 25 avril 2012 par Manuel Mohino

 

Crédit photograpique : Montserrat Figueras, Jordi Savall et le Mont Erevan © DR

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Gli Incogniti : un amour vivaldien

9 Octobre 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

3760009293106.jpgVivaldi - Concerti : Nuova Stagione

Gli Incogniti - Amandine Beyer

Après l'inoubliable enregistrement chez ZZT l'année dernière des Sonates et Partitas de Bach, Amandine Beyer nous revient avec ses ami(e)s Gli Incogniti. C'est avec ces derniers en 2008 qu'elle nous avait offert la version la plus follement baroque des Quatre saisons du Prete Rosso. Elle nous faisait alors redécouvrir un chef-d'œuvre qui avait été voilé par plus de deux siècles de poussières puis d'interprétation romantico-glamour, loin des orchestres symphoniques et des mises en attente téléphoniques. C'est donc tout naturellement qu'elle retrouve en leur compagnie le maître de la lumière italienne. 

Que dire de ce nouveau CD si ce n'est tout d'abord qu'il respire la joie de vivre, l'enthousiasme de musiciens dont la passion est avant tout le maître mot. Certes, certains pourraient être tentés de comparer ce disque avec le Bach et trouveront la musique de Vivaldi bien "faible". Mais c'est là toute la fantaisie et le talent d'Amandine Beyer et de ses amis que de nous persuader sans difficulté combien cette musique pétillante, énergisante et parfois si contemplative est avant tout celle d'un bonheur assumé.
On retrouve toujours avec joie cet ensemble à géométrie variable mais composé de musiciens dont la présence même est liée à sa création. Si tout le monde connaît Amandine Beyer, cette dernière depuis longtemps rêvait de nous faire découvrir combien ses compagnes et compagnons méritaient d'être reconnus pour leurs talents de solistes. Grâce aux choix des 8 concerti (dont deux sont en première mondiale) pour violon, orgue, traverso et violoncelle tous peuvent ainsi nous charmer par les couleurs somptueuses qu'ils déploient.

Ils ont tous si parfaitement assimilé cette liberté extrême que leur offre Vivaldi à travers la structure du concerto, que l'on ne parvient plus à savoir qui du compositeur ou des musiciens est le plus spontané, le plus radieux et au bout du compte si quelque part nous ne sommes pas en présence du Prete Rosso et de ses musiciennes de la Pietà pour qui il composa une part essentielle de ses œuvres 

Le chatoiement des instruments fait de cet enregistrement un véritable joyau. La complicité unique qui lie les musiciens leur permet de faire de ces joutes musicales des instants de grande intensité qui nous emportent dans un mouvement ascendant jubilatoire.

Il n'est que d'entendre dans le concerto d'ouverture pour orgue et clavecin RV 808 le dialogue volubile entre le violon d'Amandine Beyer et l'orgue d'Anna Fontana pour devenir sensible à la sensualité si radieuse du Prete Rosso. Elles nous font percevoir combien cette musique dont l'ambition est de nous emporter dans un tourbillon de virtuosité de couleurs est essentielle à la vie.

Anna Fontana dispose ici d'un rôle de soliste qui lui permet de dépasser son rôle de continuiste en faisant chanter l'orgue et en nous révélant toute la poésie et la légèreté d'un instrument d'habitude relégué à un rôle moins brillant.

Que ce soit ensuite au violoncelle Marco Ceccato un autre habitué des Incogniti ou Manuel Granatiero au traverso, invité pour l'occasion, ainsi que l'ensemble des autres musiciens, tous nous révèlent une personnalité qui leur permet tout à la fois de s'associer pour mieux jouer des couleurs et des rayons de lumière tout en en apportant à la palette vivaldienne un caractère bien affirmé. Tendresse, mélancolie, nostalgie surgissent ainsi de phrasés délicats et pourtant d'une vélocité diabolique. Voici un CD qui balaiera la tristesse de l'automne d'un geste d'archet.

Qu'il soit rendue grâce à la prise de son d'être à ce point ample, naturelle et précise, elle préserve et sert ainsi l'extrême humanisme d'une virtuosité soyeuse et heureuse. 

 

Par Monique Parmentier

1 CD ZZT/Outhere Durée : 73'47'' Réf ZZT310 - Enregistré des 17 au 21 septembre 2011 en l'église romane de S. Pedro de Rates (Pôvoa de Warzim, Portugal)

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La porte de félicité : entre deux mondes

25 Septembre 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel-copie-4La Porte de Félicité

Constantinople 1453, entre Orient et Occident

Doulce Mémoire : Denis Raisin Dadre

Ensemble Kudsi Erguner

 

Les voix s'élèvent a capella, bouleversantes et irradiantes. La douleur et la compassion qu'elles expriment sont si intenses que dès les premières mesures l'on perçoit le déchirement que vécu l'Occident chrétien en ce mois de mai 1453, tandis que Constantinople tombe sous les assauts des troupes ottomanes de Mehmet II. Le monde chrétien vacille, cédant une part de sa place à une civilisation dont tout semble la séparer, y compris sa musique.

Depuis sa création par Denis Raisin Dadre, Doulce Mémoire redonne vie à la musique de la Renaissance tant profane que sacrée. Sans aucune limite de frontières, ces musiciens poursuivent leurs explorations, nous révélant merveille après merveille, des univers où la splendeur vocale et musicale le dispute à la ferveur des sentiments. Ne se contentant plus des musiques françaises et italiennes, Denis Raisin Dadre semble suivre des chemins qui auraient pu être ceux que tous ces grands explorateurs qui partaient à la recherche de nouveaux mondes empruntèrent. La confrontation musicale qu'il nous propose ici, en compagnie de l'ensemble turc Kudsi Erguner (du nom de son créateur) se révèle un dialogue d'autant plus riche entre Orient et Occident, qu'il permet une véritable rencontre de rêves que tout oppose.

Les ottomans eurent l'intelligence et l'ouverture d'esprit nécessaire pour conserver juste à côté de Constantinople une enclave gênoise, Galata, où se côtoyaient toutes les cultures du temps. Français, italiens, grecs, turcs, chrétiens, musulmans et juifs partagèrent ainsi leur goût pour la musique et tout particulièrement pour les musiques de cour.  Ces musiques savantes furent ainsi capables d'engendrer une véritable écoute entre ceux que des différences qui semblaient irrémédiables séparaient.

Ce CD est d'autant plus une grande réussite que, ni Denis Raisin Dadre, ni Kudsi Erguner ne cherchent à fusionner les deux univers musicaux, chrétiens et ottomans, pour mieux plaire aux oreilles des uns ou des autres. Les frottements, les dissonances sont ici d'autant plus expressifs qu'ils proviennent d'une pensée modale si différente propre à chacune des deux cultures. Le dialogue instauré ici est d'une infinie richesse.

Musiciens et chanteurs nous invitent à un voyage mélodique où la richesse instrumentale et vocale superpose deux univers d'une grande beauté. La poésie chrétienne et la poésie ottomane sont aussi raffinées l'une que l'autre. Et l'ensemble des interprètes ne peut qu'être loué. Ils nous font ressentir et vibrer les émotions de ces hommes qui vivent la fin du Moyen-Âge, la fin d'une ère chrétienne où tout et particulièrement la musique, ne devait qu'être harmonie. Pour eux vont s'ouvrir de nouveaux horizons qui remettent en cause bien des certitudes. Voix et instruments s'opposent et pourtant se rencontrent. Les timbres et les techniques vocales pourtant si dissemblables dialoguent. Leur mélancolie nous chavire. La suavité du timbre du contre-ténor Paulin Bündgen ou l'art recherché du chanteur Bora Uymaz, nous envoûtent. Leurs ornementations s'entrelaçent telles des calligraphies savantes et complexes.

Les instrumentistes vont au-delà d'un simple accompagnement, ils apportent des lumières et des ombres subtiles et sensibles. Le luth et l'oud, la flûte et le ney, la harpe renaissance et le qanoun, offrent des sonorités d'une rare élégance, laissant filer le temps et les mots, en une intimité où les plus tendres ou douloureux sentiments s'expriment tandis que les bombardes et dulcianes annoncent tout le brillant des fêtes et des défilés à la gloire des souverains terrestres et célestes.

Toutes les pièces nous charment et nous interpellent. Quelles soient issues de la civilisation chrétienne, du motet composé par Guillaume Dufay à l'occasion de la prise de Constantinople qui ouvre ce CD, aux chansons de Gilles Binchois "Adieu mes très belles amours" et de Richard Tocqueville "La doulce Jouvencelle", aux poésies improvisées du monde ottoman, les gazel si évocatrices d'un Orient mystérieux et somptueux.

A l'écoute de ce CD il ne pourra que vous apparaître que la musique rend le partage des rêves possible, surtout lorsque un humaniste respectueux de l'autre et de ses différences guide les intentions. Sans une véritable ouverture d'esprit, sans amitié la musique ne peut vivre.

La magnifique prise de son souple et équilibrée permet de savourer aussi bien les pièces intimes que celles où l'on trouvent dulcianes et bombardes Et si le livret rédigé par Denis Raisin Dadre vous donnera quelques clés clefs historique et musicologique, on aurait peut - être aimé en savoir un peu plus sur toutes les pièces retenues ici. Voici un CD que je vous recommande chaudement. La Porte de Félécité n'a jamais si bien porté son nom.

 

Par Monique Parmentier

1 CD ZZT Enregistré à l'église Arménienne d'Istanbul du 9 au 13 juin 2012 Réf : ZZT314 - Code barre 3 76000 293144

A voir les trois vidéos Outhere consacré à l'enregistrement

- Vidéo 1 ; - Vidéo 2 ; Vidéo 3

- A réécouter et revoir sur France Musique, la Matinale

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Ambronay : une oasis musicale

23 Septembre 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques Concerts

visuel-copie-1.jpgSe rendre à Ambronay, c'est se rendre dans un îlot de verdure, quelque part en un lieu intemporel, mélange d'hier et de demain, entre un ici et un ailleurs celui d'un univers où le TGV nous mène et celui d'une abbaye plus que millénaire, où la musique est reine.

 

Chaque automne, en ce lieu si magique résonnent des musiques que l'on dit anciennes, mais aussi du jazz et de la musique du monde, des musiques que l'on dit romantiques ou contemporaines. Pour sa 33ième édition, le Festival d'Ambronay a retenu le thème des Métamorphoses.

 

Pour le samedi de ce second week-end - sur les quatre que compte le festival - nous avons suivi deux concerts aussi différents et passionnants l'un que l'autre. Certes ils ont un commun de nous laisser le sentiment d'un inabouti, mais avec la certitude que c'est justement ce qui fait le bonheur du spectacle vivant.

desmarets_groupe_Bertrand-Pichene.jpegL'une des plus belles réalisations d'Ambronay est son Académie et tout particulièrement les "résidences jeunes ensembles". Ainsi sont accueillis de jeunes artistes, à l'avenir prometteur mais incertain. Ils trouvent ici auprès d'Alain Brunet et de ses équipes tout un environnement qui leur permet non seulement de progresser dans leur art, mais également d'être entourés et conseillés afin de se préparer à un contexte économique dans lequel être un artiste demande une préparation rigoureuse à l'insertion professionnelle.

Et avant même le concert de 17 heures, certains musiciens de l'ensemble qui devait nous offrir leur première carte blanche, l'Ensemble Desmarets, ont offert aux promeneurs de la visite accompagnée des lieux des surprises musicales. Ainsi les violes de gambes ont fait vibrer les voûtes plusieurs fois séculaires de l'abbaye bénédictine de leur chant mélancolique et automnal.

contre_tenors_Bertrand-Pichene.jpegNous les avons retrouvés ensuite en concert. Sur un programme de musique anglaise du XVIIe siècle dédié à Purcell, nous avons eu le plaisir d'entendre de jeunes artistes passionnés et plein de fougue. Ils ont proposé au public un concert bien construit et préparé. Le résultat a été un moment radieux et riche d'espérance. Certes le continuo était un peu trop riche et l'un des contre-ténors - Damien Ferrante - encore en devenir. Mais en revanche, le second contre-ténor, Rodriguo Ferreira nous a enchanté, tant par sa présence que par sa diction soignée et par son timbre tout à la fois moiré et rayonnant. Dans Ode on the Death of Mr. Henry Purcell de John Blow, l'hommage à l'Orfeo Britannicus, a été grâce à lui un instant de réelle émotion. Mais il faut également souligner le talent des musiciens et tout particulièrement la sombre beauté des violes, le duo ludique et expressif des flûtes dans le bis extrait de Fairy Queen, le théorbe ardent. Tel le papillon sortant de sa chrysalide l'Ensemble Desmarets, semble avoir trouvé à Ambronay un accompagnement bénéfique, qui lui permet d'aborder l'avenir sereinement.

 

Patricia Petibon Bertrand PichèneLe concert du soir était consacré à un récital, intitulé Amour & Folie. Il était donné par la soprano Patricia Petibon qui fit ses débuts à l'Académie baroque européenne d'Ambronay en 1994. Retour aux sources pour cette dame qui depuis cette époque a offert au public à travers le monde tant de moments prodigieux. Aujourd'hui Patricia Petibon peut s'offrir le luxe de se faire plaisir par le biais du récital et le public venu nombreux pour l'entendre en a été ravi. Un vrai régal d'humour, de sens du théâtre, du don de soi. Que peut-on critiquer lorsqu'au fond ici c'est le bonheur de rire qui compte ? Jamais l'amour n'est vraiment tragique et d'ailleurs la pièce la plus triste un air extrait de l'opéra Arianna de Benedetto Marcello, qui d'après les notes du livret était la pierre d'angle du programme n'a pas été donnée.

 

Le concert était composé en deux partie, la première consacrée aux musiciens allemands et français (Johann Georg Conradi, Marc-Antoine Charpentier et Jean - Philippe Rameau) et l'autre à Antonio Vivaldi et Georg Friedrich Haendel. Difficile de toujours voir un lien entre les morceaux choisis, si ce n'est que d'amour ici il fut question.

 

ppetibon2.jpegPour ce qui est de la folie, elle fut douce sans aucune forme de douleur et si peu de tristesse. Certes quelques moments de grâce et d'émotion comme dans "Tornami a vagheggiar", ont bien émaillé ce programme, mais c'est avant tout dans un délire scénique que Patricia Petibon nous a emporté. Jouant avec les musiciens comme avec le public, elle nous séduit par cette présence unique, véritable tornade de joie. Les bruitages qu'elle réalise dans l'air de Charpentier "Sans frayeur dans ce bois", son petit chapeau rose dans l'air de la folie de Platée sont autant de petits détails soignés et surprenants. Vocalement en très grande forme, Patricia Petibon s'autorise donc des libertés qui participent aux spectacles, avec des prises de risque dont elle se sort avec panache mais parfois à la limite du bon goût. Le public en redemande bissant par deux fois l'artiste et les merveilleux musiciens de l'ensemble Amarillis qui sous la direction de la claveciniste si sensible Violaine Cochard l'on accompagnés avec énergie, délicatesse et drôlerie.

Traversant les vallées bourguignonnes sous un brouillard épais au lendemain de cette belle journée, il nous a semblé que le songe baroque avait métamorphosé nos vies, arrêtant le temps pour mieux le savourer.

Le festival d'Ambronay vous attend encore pour deux week-end qui s'annoncent fort riches. Je ne peux que vous recommander de vous y rendre, afin de laisser derrière vous ce qui vous tourmente. La musique peut transfigurer le temps.

 

Par Monique Parmentier

 

Le festival d'Ambronay

 

Crédit photographique : Ensemble Desmarets et Patricia Petibon©Bertrand Pichène

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Les Nations : une version chambriste et colorée

19 Septembre 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Visuel les ombresFrançois Couperin (1668-1733)

Les Nations

Les Ombres - Margaux Blanchard, Sylvain Sartre

 

Fidèle à sa ligne de conduite Alain Brunet, et à ses côtés les équipes d'Ambronay, apportent leur soutien à de jeunes ensembles prometteurs. Parmi, ceux - ci, les Ombres, qui sous le label Ambronay nous ont déjà offert un précédent CD, consacré à la musique de la Reine Marie Leczinska, l'épouse de Louis XV. Ce CD était déjà une belle réussite, révélant les qualités de chambriste de cet ensemble, si importantes pour cette musique de transition méconnue.

Ces deux directeurs artistiques Margaux Blanchard (violiste) et Sylvain Sartre (flûtiste), avec cette nouvelle version des Nations de François Couperin, confirment ici cette grande qualité qui en font des interprètes tout à la fois attachants et talentueux pour ces œuvres qui pourraient paraître parfois trop connues et qui pourtant ne demandent qu'à se laisser redécouvrir. Ils y font merveille apportant une touche personnelle, sensible et intimiste.

C'est peut - être François Couperin par Les Goûts Réunis qui a imaginé la plus belle des Europe : celle de ces nations et leurs peuples se rencontrant par la musique et la beauté plus que par des intérêts économiques et administratifs. L'Europe de Couperin est bien plus humaine, humaniste et onirique que celle des hauts fonctionnaires et autres lobbyistes actuels. Elle ne peut qu'inspirer tous ceux qui rêvent à la concorde des peuples.

Cela dit, il ne faut pas croire que cela fut plus facile à François Couperin de défendre sa vision de la musique que de continuer aujourd'hui à rêver à cette Europe idéale. Il dût même à ses débuts utiliser un pseudonyme pour signer une sonate en trio qui clamait son admiration pour Corelli.

En 1726, Couperin publie les Nations en reprenant trois sonates de jeunesse, qu'il nomme alors la Française, l'Espagnole, la Piémontaise et en y rajoutant l'Impériale. Chacun de ces quatre "ordres" est introduit par une sonate, chacune augmentée de suites de danses.

Si la version des Nations de Jordi Savall est pour tous une version de référence, les Ombres nous en proposent une vision nouvelle, exaltante et poétique. Sereine et lumineuse, elle est un véritable enchantement. La grande cohésion dont fait preuve cet ensemble et la sensibilité à fleur de peau de chaque instrumentiste s'unissent pour faire virevolter les couleurs soyeuses et vives de la musique de Couperin. Tout ici danse. Les flûtes élégiaques nous envoûtent de leur chant mélodieux, tandis que le basson sensuel et ardent semble jouer avec les hautbois agiles et brillants. Les violons fougueux et sémillant éclairent la douce et tendre mélancolie de la viole, tandis que la guitare (ou le théorbe suivant les pièces) nous séduit pour sa tendre ferveur et que le clavecin éloquent fait scintiller la danse. Enfin la courte intervention de Benjamin Alard qui conclue cet enregistrement, à l'orgue dans la transcription par Bach de la "Légèrement" de la Sonate de l'Impériale, crée un instant fait d'une délicatesse évanescente.

Voici donc un double CD à recommander vivement. Mélange de passion et de précision, il est un instant de délice. Le livret soigné et la prise de son claire et chaleureuse participent au plaisir des Goûts réunis.

2 CD Ambronay - Enregistré à l'Eglise St Rémy, Dieppe (France), le 6 juin 2012 - Ref : AMY035

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Le vol de l'hirondelle : Chants des horizons

13 Septembre 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel-copie-2.jpgHirundo Maris, Chants du Sud et du Nord

Arianna Savall/Petter Udland Johansen

 

En cette rentrée discographique fort riche, c'est par un CD qui peut paraître "modeste" que j'ai choisi de revenir vers vous mais c'est un CD qui murmure aux coeurs meurtris la sérénité et la tolérance.
Ariana Savall poursuit son chemin, trouvant sa voie loin d'Alia Vox et de l'ombre tutélaire de des parents. Et c'est avec le label ECM qu'elle propose, en compagnie du ténor norvégien Petter Udland Johansen qui s'accompagne ici au violon, ce nouvel enregistrement, Hirundi Maris, Chants du Sud et du Nord. C'est un de ces CD que l'on reçoit comme un don du ciel, parce qu'il vous emporte en douceur vers des horizons aux confins de la conscience et vous libère de la mélancolie.

Tout deux ont conçu ce projet comme une invitation aux voyages entre la Méditerranée et la Mer du Nord. Hirundo Marris est en fait le nom latin de l'Hirondelle des mers. Tel cet oiseau délicat et gracieux qui fend l'air avec agilité et se joue des courants avec virtuosité nos deux chantres nous enchantent dans ce répertoire ancien issu des folklores catalan et norvégien, ainsi que de la culture sépharade. La voix cristalline d'Ariana Savall et celle si séduisante de Petter Udland Johansen nous emmènent vers des sources inconnues et apaisantes. Elles nous font partager ce sentiment étrange de n'être plus qu'un esprit aussi léger que le vol des sternes.

Ici la musique scintille comme les milliers d'étoiles des nuits polaires et réchauffe comme le soleil catalan.

On découvre dans ce CD les liens secrets qui se sont tissés entre vikings et catalans. Ces hommes et ces femmes qui empruntèrent les voies maritimes en quête de nouveaux mondes et qui partagèrent les mêmes songes et cette mélancolie si profonde qui nous poussent vers ces ailleurs, vers cet inconnu qui peut-être pourra nous rendre la vie meilleure. En ces temps particulièrement troublés, Arianna Savall, poursuivant le travail de sa mère à qui elle dédie ce disque et de son père, offre également au public un message de paix. Car toutes ces musiques, toutes ces mélodies permettent à nos différences de s'enrichir et de se retrouver dans nos origines communes, celle des sentiments, des thèmes littéraires, mais aussi des légendes et des techniques.

C'est une chanson catalane "El mariner", qui est à l'origine de ce projet. Elle conte l'histoire d'amour entre une jeune fille méditerranéenne et un chevalier des terres du Nord. Le chant des vagues sur lequel débute ce très beau duo, est à l'image de ce CD, lancinant et hypnotisant. Les voix humaines et celles de la nature, la texture instrumentale s'unissent en une profonde harmonie.

Ce disque est une rencontre, un disque qui parle au cœur de celui ou celle qui veut entendre. Il répond à un profond désir de paix et d'harmonie. Il ne prétend pas vous offrir un sentiment de toute puissance qu'offre la "grande musique", mais plutôt de simplement partager avec d'autres voyageurs égarés, des refuges, on l'on peut se reposer l'esprit.

Le livret bilingue catalan/anglais mériterait d'être traduit en français pour permettre à tous de mieux comprendre les intentions des artistes. Une excellente prise de son montre le soin apporté à la réalisation.

1 CD ECM News series 278 4395. Enregistré en janvier 2011 dans le monastère autrichien de St Gerold

Par Monique Parmentier

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Musiques pour comédies de Charpentier par un Hugo Reyne facétieux

19 Août 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

@ Musique à la Chabotterie

Musique pour les comédies de Molière

Marc - Antoine Charpentier (1643-1704)

La Symphonie du Marais par Hugo Reyne

Romain Champion, haute-contre ; Vincent Bouchot, taille ; Florian Westphal, basse.

Ce n'est pas avec Lully que nous retrouvons Hugo Reyne au disque mais avec celui qui vécu dans l'ombre du chantre du Roi Soleil, Marc-Antoine Charpentier. Ombre direz-vous, lui dont la musique doit tant au soleil de l'Italie, et que Louis XIV su apprécier à sa juste valeur ! Cela reste à voir. Ce CD nous permet de découvrir la musique que ce dernier, alors tout juste rentré d'Italie et encore inconnu en son pays, a composé pour des comédies et ballets de Molière. L'humour caustique et le talent triomphent ici, démontrant que parfois les obstacles, et la tutelle "dictatoriale" des puissants, favorisent l'imagination et la virtuosité. Molière et Charpentier réunis se rient ainsi de celui qui tenta de les étouffer.

Hugo Reyne réunit ici quelques perles de ce théâtre encore libre, qui mélange rire, comédie, danse, musique en un subtil équilibre, nous offrant un très agréable florilège de ce genre très français qui mêle le parlé/chanté et la danse. Il s'agit en fait du programme d'un concert donné à la Chabotterie l'année dernière. Les pièces choisies illustrent le thème de l'amour et du mariage et certaines étaient jusqu'alors peu connues du public voir inédites. Le panache et le brio du comédien/dramaturge et du compositeur retrouvent dans cet enregistrement leurs couleurs d'origine, comme dans cette ouverture remaniée du Malade Imaginaire que l'on nous propose ici dans sa version réduite.  Elle fut commandée tout spécialement par Molière à Charpentier pour faire face à l'obligation qui était faite aux théâtres de n'utiliser qu'un nombre réduit de musiciens. Mais ainsi, la musique n'en est que plus brillante et facétieuse, moins solennelle. Mais au-delà c'est aussi toute la verve, le sens du comique et le génie de Molière, qui même malade n'hésite pas à défier Lully en le caricaturant avec une subtile rouerie, que les interprètes nous restituent avec talent.

Leur plaisir communicatif nous fait goûter le bonheur de ce théâtre où le grotesque côtoie la mélancolie, le burlesque la fantaisie, sans jamais se départir d'une certaine élégance musicale. Loin de la musique religieuse qui a tant fait pour la gloire posthume de Charpentier, c'est ici un univers de fraîcheur et de naturel qui domine.

Cette musique faite pour la scène enchante la comédie. On se rit avec délectation de ce trio grotesque du Mariage Forcé "Amants aux cheveux gris", ou l'amour et le mariage, ne conduisent avec l'âge qu'à des désillusions dont il vaut mieux savoir rire. On aime aussi ce duo du Sicilien "Heureux matous", qui permet à Hugo Reyne de rendre hommage à ce lieu magique mis à sa disposition (peuplé de fantômes et de légendes) qu'est le logis de la Chabotterie. Le Conseil Général de Vendée permet ainsi à la Symphonie du Marais non seulement de développer ces projets en toute quiétude mais également de bénéficier d'une véritable qualité d'édition fort rare de nos jours. Le livret particulièrement soigné et érudit et la prise de son  extrêmement équilibrée et précise mettent en valeur toute la ferveur de la scène, si perceptible dans cet enregistrement.

1 CD Musiques de la Chabotterie Durée : 63'33 - Référence : 65010 - Code Barre 3 760156 050119

Enregistré durant l'hiver 2011 au Conservatoire intercommunal de Musique des Olonnes (Les Sables d'Olonne, Vendée)

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Sonates violon+clavecin de Bach : Libres et unis

17 Août 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Visuel-copie-2.jpgDès la mise sur la platine de ce premier CD de l’intégrale des sonates pour violon et clavecin de Bach, c’est le respect qui nous étreint. Il faut un peu de temps pour dépasser une admiration respectueuse devant une telle science de la rhétorique baroque afin de déguster la musicalité complexe et rare née de la rencontre de deux superbes interprètes et de partitions restant un Everest du duo violon, clavier.

Bach a toujours été un chercheur qui poussa chaque forme dans ses retranchements amorçant parfois la musique du futur. Il fut salué par bon nombre, et pas des moindres, comme le Père de la Musique.

Ces sonates ont la particularité de créer une relation entre les instruments qui était d’une rare modernité et encore aujourd’hui n’a pas beaucoup d’équivalent. Les deux instrumentistes sont en effets liés et totalement libres. Au point que souvent ce n’est pas deux voix qui s’entremêlent mais trois. Très souvent la référence aux sonates en trio pour l’orgue s’impose.

L’idée même du soliste accompagné par une basse continue est abolie tant la complexité de composition défie l’entendement. La virtuosité de chaque instrument est poussée à son comble ce qui n’étonnera personne sachant que le Cantor jouait admirablement des deux instruments. Dialogues amoureux, oppositions farouches, travestissement à trois, violon accompagnant le clavecin, clavecin super soliste, violon planant, humour charmeur ou sérieux grave ; tant de richesse et d’art dans la composition, avec seulement deux instruments, permet une variété d’écoute enthousiasmante.

 

Il n’est pas un aspect de cette musique si riche que nos deux artistes ne mettent en valeur tour à tour, semblant la comprendre totalement. Chiara Bianchini est aujourd’hui une toute jeune retraitée de la Schola Cantorum Basilensis, après y avoir excellé comme professeur passeur de flambeau (Amandine Beyer et Hélène Schmitt, si différentes et chacune magnifique, sont certainement les plus belles fleurs de ses élèves). Elle donne des Master Class dans le monde entier et sa carrière de soliste a été brillante tant en soliste chambriste ou chef de l’Ensemble 415. La sortie de son dernier enregistrement était donc attendu et ses futurs concerts, actuellement plus que rares sont guettés.

Le claveciniste, organiste et chef d’ensembles baroques, Jörg-Andreas Bötticher enseigne à la Schola Cantorum Basilensis et ses collaborations avec Chiara Bianchini reposent sur une connivence artistique établie de longue date.

 

Ces deux artistes nous offrent une interprétation ou la virtuosité est musique pure, les dialogues savoureux. La perception d’une totale liberté de chacun repose sur une confiance aveugle dans la musicalité de l’autre. L’énergie est pondérée et souvent nous écoutons une histoire avec plusieurs personnages pouvant aller jusqu’à s’opposer. Cet exemple d’indépendance dans la confiance est dans l’exercice de la sonate à deux, est un exemple rare et ces deux musiciens ont su en rendre la quintessence.

Les sonorités des instruments sont riches chacun étant capable de colorer à volonté son jeu. La splendeur solaire du clavecin peut aussi aller vers une douceur de velours ; le violon de Chiara Bianchini sait tout embraser, du plus brillant au plus mélancolique, dans des sonorités mourantes.

 

Un mot de l’instrument utilisé par Jörg-Andreas Bötticher. Il s’agit d’un un prêt de la Schola Cantorum Basilensis reproduction d’un 16 pieds du XVIII° tel que Bach les a aimé et promu. C’est tout simplement l’un des plus beaux clavecin enregistré connu tant la prise de son le met en valeur. Le violon de Chiara Bianchini est parfaitement équilibré et la prise de son est d’un naturel absolument merveilleux.

 

Un très bel enregistrement qui fera certainement référence.

 

Par H. S.

 

Johan Sebastian Bach (1685-1750) : Sonates pour Clavecin obligé et violon BWV 1014-1019.
Jörg-Andreas Bötticher, clavecin ; Chiara Bianchini, violon.

2 CD Zig-Zag Térritoires ZZT302

Enregistrement réalisé du 4 au 10 Juillet 2011 à l’Heure Bleue- La chaux de Fonds-Suisse

Code barre : 3760009293021

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Bach Savall : la rencontre du bonheur

5 Août 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

Visuel savallJean-Sébastien Bach

Les quatre ouvertures : Suites pour orchestre, BW 1066-1069

Le Concert des Nations - Jordi Savall

Dans le cadre de la collection Héritage, Alia Vox réédite depuis 2007, un certain nombre des enregistrements de référence réalisés par Jordi Savall et les ensembles qui l'ont accompagné tout au long de sa carrière. Ce sont de véritables perles baroques qui ainsi reviennent chez les disquaires. Que ce soit les Arie et Lamenti de Claudio Monteverdi enregistrés par Montserrat Figueras en 1989 et 1992, ressortis il y a quelques mois ou les suites pour orchestre de Bach qui nous sont proposés aujourd'hui, toutes ces rééditions sont de véritables joyaux à découvrir (ou redécouvrir) pour votre plus grand bonheur.

Jordi Savall a souhaité dans sa version des suites de Bach enregistrées en 1990, faire oublier l'image "un peu coincée" du compositeur luthérien qui bien souvent émane de toutes les autres versions de ces quatre suites pour orchestre, BWV 1066-1069. Pour cela il adopte des tempi et des couleurs si séduisants, que l'on se surprend à battre du pied, à avoir envie de danser et de rire en écoutant cet enregistrement. La convivialité du Café Zimmermann où ces suites (qui à l'époque étaient en fait nommées des "ouvertures") furent jouées transparaît. La virtuosité des musiciens d'aujourd'hui est ici conforme à celle des premiers interprètes. Elle ne se cantonne pas à une maîtrise technique, elle se vit avec un réel plaisir.

Le livret écrit par Gilles Cantagrel, l'un des grands spécialistes actuels du Cantor, relate avec passion de manière brève et incisive la naissance de ses suites. Si l'on en connaît que quatre, on suppose en raison d'un faisceau d'éléments que d'autres durent exister mais ont été perdues. Gilles Cantagrel souligne que contrairement aux "concertos Brandebourgeois", elles ne constituent pas un ensemble cohérent. Elles furent composées isolément, pour des occasions officielles que l'on ignore entre la fin de son séjour à Coethen et le début de son activité à Leipzig. Ce sont des divertissements, des musiques d'apparat et de réjouissance, qui doivent beaucoup à l'influence de la musique française et tout particulièrement, celle de Lully.

La danse y imprime ses rythmes, sa gaieté et dans chacune de ces suites, elle en est le cœur.

Jordi Savall nous offre de ses suites pour orchestre unique une version enthousiasmante, d'une splendeur et d'une grande noblesse qui ne peut que nous enchanter. Il est entouré des fins et talentueux musiciens du Concert des Nations et de solistes tous plus magnifiques les uns que les autres. Le violon solo de Fabio Bondi et les trompettes solaires de Guy Ferber, Jean-Pierre Canihac et Graham Nicholson nous éblouissent dans l'ouverture BWV 1068, lui donnant un caractère quasi apollinien qui n'est pas sans nous rappeler le chantre du Roi Soleil dont l'influence est  ici parfaitement assumée. L'interprétation de cette suite nous emporte vers des sommets de virtuosité et la mélancolie de l'Air faite des jeux d'ombres et de lumières est un pur instant d'émotion intimiste.

La flûte de Marc Hantaï se joue des difficultés dans l'ouverture BWV 1067. Son plaisir, sa ductilité nous offre des instants d'hédonisme, à la joie de vivre bouleversante. Quant aux joutes des hautbois et du basson solo, Josep Borras, dans les suites BWV 1066 et 1069, leur ludisme et leur fantaisie sont une source de plaisir. Que dire de plus si ce n'est que l'orchestre, composé des meilleurs musiciens du Concert des Nations (dont Pierre Hantaï au clavecin, Pedro Estevan aux percussions sont les plus connus du public) sous la direction sereine et généreuse de Jordi Savall, respire et chante. Ainsi la polyphonie exprime avec bonheur tout ce que la musique de Bach partage et offre : la générosité à l'état pur. Pas de doute, en plus de 30 ans, Jordi Savall a réalisé un travail unique dont la magnificence mérite ces superbes rééditions, soigneuses jusqu'aux plus infimes détails des livrets.

Par Monique Parmentier

2 CD 1 Alia Vox Heritage - Durée : CD 1 : 53'54'' CD2 : - Réf : Alia Vox AVSA 9890 A + B

Réédition. Enregistrée en août 1990 à la Grande salle de l'Arsenal à Metz

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Des leçons de Ténèbres aux couleurs d'ambre

22 Juillet 2012 , Rédigé par Parmentier Monique Publié dans #Chroniques CD

visuel kossenkoMarc - Antoine Charpentier

Leçons de Ténèbres

Par Artei Dei Suonatori - Alexis Kossenko

 

Après les leçons de Ténèbres italiennes oh combien magnifiques ! d'un tout jeune ensemble In Musica Veritas, je vous reviens avec une chronique d'un superbe ensemble polonais déjà fort d'une expérience commune importante au disque et aux concerts  avec leur chef flûtiste Alexis Kossenko. Après Vivaldi et Carl Philipp Emmanuel Bach, ce sont les couleurs et l'humilité de Charpentier qui les ont portés.

 

Pour ce nouvel enregistrement chez Alpha, ils nous proposent une version intense et mordorée de la Passion. Les Leçons de Ténèbres connurent un immense succès tant artistique que mondain auprès du public français de la fin du XVIIe siècle. Marc - Antoine Charpentier s'est intéressé à ce genre tout au long de sa carrière. Selon Catherine Cessac, une des grandes spécialistes du compositeur français à qui nous devons le texte du livret, il en aurait composé au total trente et une ! Les cycles de ces leçons étant incomplets, des pièces instrumentales et vocales reconstituant la liturgie nous sont offertes ici, le disque se terminant par les leçons. L'orchestre de Charpentier  dans ces trois leçons pour voix de basse était composé de flûtes, hautbois, cordes basson et orgue ... C'est donc cet ensemblage qu'a retenu Alexis Kossenko. Ce qui nous enchante avant tout dans ce disque c'est l'orchestre. Tout ici est harmonie, équilibre. Les couleurs ambrées des flûtes, le clavecin et le théorbe à l'onde chamarrée, les cordes de velours, le basson et les hautbois entre ombre et lumière, sont un véritable régal. La souplesse de la direction fait danser les reflets de cette flamme ardente qui anime les motets de Charpentier. flammeSon approche faite de modestie et de gravité, parvient ainsi à toucher au cœur, d'autant plus que son sens des nuances, prolonge à l'infini le sentiment de plénitude qui ici domine. C'est probablement dans la Leçon du Jeudi Saint que la flûte et le théorbe s'unissant à la voix, parviennent à une émotion si bouleversante que la musique y devient flamme qui s'élève sans cesse et s'abandonne entre des silences où le souffle de la vie devient aussi sensible et fragile que le son à la limite du perceptible.

 

Quant au soliste Stephan MacLeod par l'élégance de son phrasé, sa projection subtile et son timbre sombre et profond, il donne au texte toute la noblesse nécessaire.

 

Voici donc un très beau disque, ou progressivement nous nous laissons conduire vers la paix extatique de la Résurrection. La prise de son donne à l'espace sonore, le sentiment qu'il est un réceptacle où la musique s'épanouit.

 

Par Monique Parmentier

 

 

1 CD Alpha - Durée : 65'38"  - Code barre : 3 760014 191855

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